Écrit par Vanessa Hirson
Il y a 50 ans, le 17 janvier 1975, la loi dite Simone Veil légalisait le droit à l’avortement. Une révolution sociétale issue d’une lutte longue, souvent clandestine, comme celle du MLAC à Besançon. Rencontre avec d’anciennes militantes et Martine qui a avorté clandestinement.
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Entre les mains de Françoise Gayet, qui pratiquait l’avortement clandestin dans les années 1970, affluent 122 dossiers, sur lesquels étaient inscrits le nom, le prénom, l’âge et la situation familiale d’une femme ayant avorté clandestinement, grâce au MLAC. 122 dossiers, mais Françoise Gayet estime que plus de 200 avortements ont été pratiqués durant les deux années d’existence du MLAC à Besançon. Sur l’une de ces cartes, apparaît le prénom « Martine ». En 1975, à l’âge de 30 ans, elle se fait avorter. Elle a accepté de raconter son histoire à notre équipe de journalistes Stéphanie Bourgeot, Florence Petit et Rémi Bolard.
J’ai entendu parler du MLAC à la radio et je leur ai rendu visite. J’ai été accueilli par une équipe qui m’a expliqué les tenants et aboutissants de la méthode karman qui était pratiquée à l’époque.
En 1975, Martine est mère de deux enfants, elle est mariée, mais son mari poursuit ses études. Son service militaire n’est pas encore terminé. Impossible pour cette maman d’envisager une troisième grossesse. « Ma décision était déjà prise, mais elle a été confirmée grâce au MLAC. J’étais prête à faire n’importe quoi, comme une aiguille à tricoter, ce qui est très méchant et très dangereux. J’étais déterminée, je ne pouvais pas ne pas assumer cette grossesse. Je n’en voulais pas.
Pour Martine, il n’y a pas de peur, mais un soulagement d’être aidée et soutenue, même dans la clandestinité.
Cela s’est produit le plus simplement possible, le plus naturellement possible. Pas un seul instant je n’ai douté de la façon dont cela allait se produire. Je m’en souviens comme de quelque chose de très rapide. Je m’en souviens comme d’un acte banal.
L’avortement de Martine a eu lieu chez elle. Une équipe du MLAC déplacé, valise d’intervention dans la main, dans laquelle se trouvait tout le nécessaire pour l’avortement. « La méthode Karman utilise une grosse seringue. Nous avions un aspirateur et un pot. On a branché tout ça à un moteur, on a tourné, ça a aspiré le placenta et l’embryon, c’est parti dans le pot, après quand on a eu l’impression que tout était fini, on a regardé ce qu’on avait dans le pot et si c’était ça a suffi, on s’est dit, c’est bon, c’est fini »Françoise Gayet, former MLAC activist
Des avortements clandestins ont régulièrement lieu chez l’habitant. Très souvent deux patients d’affilée. Ldes patients qui avaient a eu recours à un avortement prêté leur maison pour ce qui suit. Chaîne de solidarité.
-Cet avortement a été un soulagement extraordinaire, à tel point que j’étais prête à aider toutes les femmes du monde, à faire de même, dans la mesure où elle voulait la même chose que moi.
Après son avortement, Martine a rendu un « service » au MLAC en étant présente lors des avortements pour rassurer les femmes, partager son expérience, dédramatiser un acte qui reste traumatisant, parfois même culpabilisant. «Je devais quelque chose à la société. Je me sentais redevable.
Le MLAC est le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception, créé en 1973 dans le but de légaliser l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en France. En fait, leL’orthogénie était déjà légale dans certains cas, quand il par exemple, il y avait un risque de décès maternel, ou une grossesse suite à un viole, mais laissé à la discrétion du médecin. Les militants vous MLAC prônait la liberté de‘avoir recours à l’avortement.
Le mouvement a réuni des militants, hommes et femmes, du planning familial, du mouvement de libération des femmes et du Health Information Group (GIS). Ils circulaient prudemment dans les rues de Besançon, passant d’une maison à l’autre. Aux côtés de Françoise Gayet, étudiante en médecine en 1973, militent également Josette-Alice Bos et Philippe Schepens, étudiant en psychologie, également en 1973.
C’était tellement légitime. Nous étions les uns avec les autres, nous étions l’un pour l’autre et cela nous a donné une force incroyable.
Philippe Schepens, ancien militant du MLAC
Aprs l’adoption de la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse le 17 janvier 1975connue sous le nom de loi Veilcattendu MLAC ont ont été dissous, d’autres ont été continué par la suite, pour assurer la bonne application de la loi, ou tout simplement pour continuer à informer.
A Besançon, il est dissous, mais certains de ses membres, dont Françoise Gayet, rejoint le service hospitalier chargé des avortements installé dans l’ancien pavillon du gardien derrière la Mère et l’Enfant.
Nous étions pour quelque chose, pas contre quelque chose, mais une loi de 1920 qui avait, à l’époque, plus de 50 ans, ne correspondait plus du tout à l’évolution des choses, surtout après mai 68.
Josette-Alice Bos, ancienne militante du MLAC
Durant ses deux années d’existence, le MLAC n’a déploré aucune panne ni « accident », selon eux. Les statistiques de l’époque estimaient qu’il y avait 50 décès par an dus aux avortements clandestins avant la loi Veil. Des chiffres largement sous-estimés selon le MLAC, le GIS et d’autres agences de planning familial qui parlent de 5 000, sans compter les stérilités irréversibles dues à des techniques particulièrement dangereuses.
En 1974, le MLAC sort de l’anonymat pour occuper la maternité de Besançon afin d’accompagner une mère qui souhaite interrompre sa 9ème grossesse. L’année suivante, Simone Veil fait voter la loi sur l’avortement. Le 8 mars 2024, le droit à l’avortement a été inscrit dans la constitution. Il a fallu un demi-siècle pour mener à bien ce combat pour la liberté d’avorter.
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