La Cour des comptes a appelé mardi l’Etat et EDF à lever les nombreuses “incertitudes” avant de poursuivre le vaste programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires EPR, dont le financement reste flou.
Dans un rapport critique de 97 pages, la juridiction financière estime que « l’accumulation de risques et de contraintes pourrait conduire à un échec du programme EPR2 », rappelant que l’EPR de Flamanville en Normandie a été raccordé au réseau électrique 12 ans après la date prévue. , le 21 décembre.
“Les incertitudes les plus préoccupantes portent sur les retards dans l’avancement de la conception de l’EPR2, le coût inconnu des trois premiers couples (de réacteurs) et le manque de financement du programme”, a souligné le premier président de la Cour des comptes, Pierre. Moscovici, devant la presse.
“La décision du conseil d’administration d’EDF de réduire l’enveloppe financière dédiée aux travaux préparatoires des futurs EPR2 en 2025 reflète clairement ces incertitudes financières”, a-t-il ajouté.
Après un projet entaché de déboires et d’aléas techniques, les coûts de Flamanville 3, premier réacteur nucléaire démarré depuis 25 ans, ont explosé par rapport à l’estimation initiale de 3,3 milliards d’euros. Selon la Cour, EDF estime aujourd’hui son coût total à 19,3 milliards d’euros en 2015, soit 22,6 milliards d’euros en 2023, « frais de financement inclus ».
“En réalité, le coût total à l’achèvement de Flamanville 3 est plus élevé et atteint 20,4 milliards” en 2015, “soit 23,7 milliards” en 2023, a calculé la Cour dans ce rapport de suivi consacré à la filière EPR, le réacteur de nouvelle génération à au cœur de la renaissance du nucléaire en France.
Cette revalorisation de 1,3 milliard par rapport à son précédent rapport en 2020 (19,1 milliards en euros 2015) prend en compte des ajustements dans le calcul des provisions présentées par EDF et dans le calcul du coût de financement.
Après les « dérives » des coûts et des calendriers des projets EPR d’EDF à Flamanville, en Finlande et au Royaume-Uni, les magistrats financiers parlent de risques « persistants » malgré les efforts de restructuration d’une filière censée maintenir le cap de la relance de l’atome. par Emmanuel Macron.
En février 2022, le président a annoncé depuis Belfort vouloir construire six nouveaux réacteurs EPR2 de nouvelle génération avec une option pour huit autres, rompant avec de longues années de jachère nucléaire.
– « Mauvaise rentabilité » –
Depuis, EDF, renationalisé, a réorganisé sa gouvernance et rationalisé ses processus. Les turbines Arabelle sont revenues dans la propriété française. Mais le secteur « est loin d’être prêt », pour la Cour.
“La rentabilité prévisionnelle du programme EPR2 reste inconnue à ce stade, d’autant que les conditions de financement (…) ne sont toujours pas décidées”, ajoutent les magistrats financiers. Ils notent également qu’EDF refuse toujours de leur transmettre des informations “sur la rentabilité prévisionnelle et les coûts de production” de Flamanville et de l’EPR2, comme demandé en 2020. Le Tribunal prévoit cependant une “rentabilité médiocre pour Flamanville 3”.
Compte tenu des incertitudes, la Cour demande de « suspendre la décision définitive d’investissement du programme EPR2 », envisagée pour début 2026 par EDF, « jusqu’à ce que son financement soit sécurisé et que les études d’avant-projet détaillé progressent », étape entamée seulement en juillet 2024. .
Il recommande également de « limiter l’exposition financière d’EDF » dans ses projets EPR à l’étranger et de « veiller » à ce que tout nouveau projet nucléaire international « ne ralentisse pas » les calendriers en France.
Une recommandation que le PDG d’EDF, Luc Rémont, dit partager « entièrement », dans une réponse transmise à la Cour à la dernière minute.
Avant un accord entre le groupe et l’Etat et Bruxelles sur le cadre financier du programme EPR2, “il est nécessaire qu’EDF conclue un avant-contrat avec l’Etat qui fixe le cadre des investissements à financer dans le cadre de ce programme”, a-t-il ajouté. dit. a ajouté M. Rémont.
Selon les chiffres d’EDF à fin 2023 et dans l’attente d’une réévaluation, le coût de construction des six premiers EPR2 a déjà augmenté de 30%, passant de 51,7 milliards à 67,4 milliards d’euros, “à conditions économiques inchangées et hors effet de l’inflation”. , précise la Cour des comptes.
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