En écrivant paire Soubha Es-Siari I
En attendant que le gouvernement dévoile, en janvier comme annoncé, les contours de la réforme bipolaire du système des retraites, des questions se posent sur les ajustements et réajustements qui seront opérés. À la veille d’une année électorale, le gouvernement actuel, contrairement à ses prédécesseurs, aura-t-il l’audace politique de franchir le pas et de mener à bien cette réforme tant attendue ?
L’année 2025 risque d’être très dure et pour cause ce sont de nombreux projets socio-économiques (droit de grève, code de la famille, réforme des retraites, etc.) qui sont sur la table de l’Exécutif à un an de la fin de son mandat. . Celui de la réforme du système des retraites passe au premier plan compte tenu de son caractère très sensible pour des raisons connues de tous.
Il est utile de rappeler à cet égard que même si un danger existe, la réforme des retraites se fait attendre depuis longtemps. Et pourtant le chef du gouvernement Aziz Akhannouch, dans son discours d’investiture, avait annoncé en octobre 2021 que le risque d’effondrement du système de retraites était omniprésent.
Trois ans plus tard, la situation telle qu’elle prévaut est préoccupante à plus d’un titre. Par ailleurs, Bank Al-Maghrib a annoncé dans son dernier rapport que le coût de la non-réforme du système des retraites s’élève à 20 milliards DH/an. Mais pas seulement. La Cour des comptes et le CESE continuent d’alerter sur la forte dégradation du régime et ses graves conséquences sur l’ensemble de l’économie si rien n’est fait.
L’état des lieux montre que le déficit de la Caisse marocaine de retraites (CMR) est de 8 milliards de DH en 2023 voire en 2024. Le risque que cette Caisse ne soit pas en mesure de payer ses retraités d’ici 2028 se profile comme une épée de Damoclès. Le RCAR géré par la Caisse de Dépôt et de Gestion génère un déficit de 4,1 milliards de DH.
Aussi, la CNSS est en situation déficitaire car elle a pris en charge des prestations complémentaires versées qui ont augmenté de 21% alors que la collecte des cotisations n’augmentait que de 1%. La CIMR est le seul fonds qui affiche un excédent de 3,1 milliards de DH. Telle est brièvement la situation des fonds de pension.
Qu’il s’agisse du CMR ou du RCAR, les horizons de viabilité restent relativement courts pour les régimes de retraite qui exigent une pérennité à très long terme et ne doivent pas fonctionner selon des paramètres très incertains.
Contrairement au pôle privé CNSS-CIMR (qui dispose d’un coussin de liquidités), le régime public souffre d’un déficit chronique dû à un nombre d’cotisants toujours inférieur à celui des allocataires. D’où l’urgence d’une réforme bipolaire.
Nadia Fettah a récemment annoncé qu’un plan de réforme sera déposé début janvier. Elle a souligné que cette réforme s’appuie sur les principes convenus dans le cadre du dialogue social, notamment la création de deux pôles, public et privé, la définition de mécanismes de transition vers un système entièrement nouveau dans préserver les droits et les acquis, ainsi qu’améliorer la gouvernance. Elle a également réitéré l’engagement du gouvernement a traiter ce dossier, qu’elle a qualifié de « difficile », toutes les parties concernées.
En attendant la publication de ce plan et surtout de ses détails, les experts, les analystes et le public s’impatientent. Ils conviennent que la réforme est urgente mais ils sont également unanimes sur le fait que la réforme public-privé ne doit pas se limiter à la seule révision des paramètres. Car au-delà de la pérennité des cotisations, l’utilisation des ressources financières sur le marché pose problème.
Autrement dit, la transition vers les deux pôles ne rencontrera pas d’écueils seulement en ce qui concerne les paramètres (âge, cotisation, salaire, taux, etc.), mais aussi en ce qui concerne la bonne gouvernance des réserves financières sur le marché. Pour ce faire, il est judicieux de trouver le juste équilibre entre la pérennité du système de retraite bipolaire et la diversification des ressources financières par des investissements dans de nouveaux produits.
À cet égard, il ne faut pas oublier que les fonds de pension, dans la situation actuelle, ne présentent pas seulement un risque pour eux-mêmes en tant que fonds, mais aussi pour l’économie en général et la stabilité financière à travers leur rôle dans l’épargne publique. Un risque systémique qu’il faut absolument craindre et surtout éviter.
À la veille d’une année électorale, le gouvernement aura-t-il l’audace politique de franchir le pas et de mener à bien cette réforme tant attendue tout en procédant aux réajustements nécessaires ? Définir des pistes pour un régime durable à moyen et long terme ? Améliorer les paramètres en augmentant l’âge de la retraite, les cotisations… avec toute la transparence requise ?
Le gouvernement est également appelé à communiquer en toute transparence sur l’étude actuarielle sur laquelle il s’est basé pour apporter les modifications à l’âge de la retraite, aux taux, etc. Tout comme il est appelé à prendre en considération les demandes des syndicats. Il faut simplement garder à l’esprit que la retraite est avant tout un contrat social.
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