En annonçant son prochain départ juste avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, Justin Trudeau a laissé le Canada dans une position de faiblesse.
Le président américain négociera face à un Premier ministre discrédité – un canard boiteux dont la démission est prévue pour le 24 mars.
Il est vrai que les autres options n’étaient pas passionnantes.
Lancer une campagne électorale maintenant ? Le 20 janvier, premier jour de la guerre tarifaire anticipée avec Washington, le premier ministre du Canada aurait été réduit à un rôle d’intendant, sans autorité morale, en attendant que la population choisisse son successeur.
Rester au pouvoir, envers et contre tout ? Le résultat aurait été à peu près le même. Le caucus libéral aurait humilié M. Trudeau pendant trois longues semaines jusqu’à ce que l’opposition l’évince fin janvier. La campagne électorale aurait été lancée juste après l’entrée en vigueur des tarifs.
Démissionner, demander au caucus de nommer un premier ministre et en même temps organiser une course pour choisir un nouveau chef libéral, qui dirigera la campagne électorale ? Ce premier ministre « par intérim » – qui aurait probablement été Dominic LeBlanc – n’aurait pas eu l’expérience de M. Trudeau pour entamer les négociations.
Mais si les autres options étaient mauvaises, c’est la faute de M. Trudeau. Tout aurait été plus simple s’il avait commencé à planifier son départ l’été dernier. La défaite en partielle à Toronto St. Paul’s, fin juin, montrait déjà l’impasse vers laquelle il se dirigeait. L’échec de LaSalle-Émard-Verdun en septembre l’a confirmé.
Même après avoir mal géré de manière spectaculaire la rétrogradation de sa vice-première ministre Chrystia Freeland à la mi-décembre, il a tenté de rester au pouvoir. Preuve supplémentaire de la déconnexion du Premier ministre et de son petit entourage, prisonniers de leur bulle, incapables d’écouter et, malgré toutes leurs accolades, pour le mieux maladroits dans leurs relations personnelles.
Jusqu’au bout, M. Trudeau a tenu bon. Son caucus le lui a permis. Les appels à son départ sont arrivés lentement, et plutôt poliment au début. En octobre, les mutins l’invitaient à « réfléchir à son avenir ». Nous l’avons laissé écrire sa propre sortie.
Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été l’humiliation imposée à Chrystia Freeland. M. Trudeau lui a annoncé qu’elle perdrait son titre de ministre des Finances le mercredi 18 décembre. Et pourtant, il lui a demandé de déposer lundi précédent une mise à jour économique qui contrevenait à son objectif de déficit.
Mmoi Freeland a démissionné, ce qui a accéléré la révolte en cours. Lors du remaniement ministériel qui a suivi le 20 décembre, aucun ministre nouvellement promu n’a réitéré sa confiance envers M. Trudeau.
Cela devenait inévitable. Mais M. Trudeau cherchait une voie improbable. Il a attendu dimanche 4 janvier au soir avant d’annoncer son départ à sa famille. Il l’a fait malgré lui.
Prisonnier de sa propre mythologie, il répète qu’il est un « combattant « . Il a démissionné à regret, car les « batailles internes » l’y ont contraint. Et ce n’est pas parce qu’il reconnaît ce que les sondages démontrent avec une écrasante cohérence : il s’apprêtait à diriger ses troupes vers l’abattoir.
Même s’il a annoncé sa démission avec émotion, M. Trudeau est resté fidèle à son message. Il n’a exprimé aucun regret quant à la rétrogradation imposée à M.moi Freeland — il continue de prétendre lui avoir offert un poste prestigieux, celui de diriger les relations avec les États-Unis, alors même qu’elle présidait déjà la commission sur ce sujet et n’avait pas été invitée au dîner à Mar-a-Lago avec M. .Atout.
Il a banalisé un futur écueil dans la course à sa succession : les ministres pourraient participer. Ils n’auront pas suffisamment de temps pour remplir correctement leurs fonctions ministérielles. Et le travail du gouvernement risque d’être contaminé par cette course. Allons-nous défendre les intérêts du pays ou chercherons-nous à plaire à une petite communauté de sympathisants libéraux ? Aussi, les étudiants étrangers et les citoyens ordinaires auront-ils le droit de voter, et donc une influence indirecte sur ces candidats ? Quelle latitude aura le nouveau leader pour asseoir son autorité, se faire connaître et élaborer un programme de campagne distinct ?
Voici un échantillon du désordre laissé par ce départ annoncé.
À cela s’ajoute le problème de la prorogation du Parlement. Les travaux seront suspendus jusqu’au 24 mars.
Les conservateurs s’indignent de ce déni de démocratie. Mais ils paralysent délibérément le Parlement depuis la chute sur une question de procédure autour de la gestion d’un fonds pour la transition énergétique.
M. Trudeau répète la manœuvre de Stephen Harper, qui avait prorogé le Parlement en 2008 pour empêcher l’opposition de le renverser. S’il s’agit d’un déni de démocratie, ce sera de courte durée.
Le gouvernement préparera en principe un budget, mais tout indique qu’il ne sera pas adopté et que la campagne électorale débutera en avril. Les Canadiens n’attendront pas trop longtemps avant de voter.
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