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Quand les « Liners » créaient une esthétique transatlantique

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Quand les « paquebots » créaient une esthétique transatlantique

Dans les années 1920 et 1930, « L’Île-de- » ou « Normandie » transportait des passagers comme « l’excellence française ».

Publié aujourd’hui à 19h41

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S’il est un lieu symbolisant le goût de l’entre-deux-guerres, c’est bien le paquebot. C’était alors un moyen de transport (on parlait peu de croisières dans les années 1920 et 1930), mais ce grand navire ne semblait en réalité trouver sa place nulle part. Nous étions avec lui entre le grand hôtel et le plateau de tournage. D’ailleurs, de nombreux films français ou américains situent leur action (ou leur absence d’action) sur l’un de ces palais flottants. Il faut dire que contrairement à l’avion devenu populaire dans les années 1960, les passagers ne restaient pas attachés à leur siège. Ils nageaient, mangeaient, dansaient et surtout se déplaçaient sans grand remords social. Si les paquebots connaissaient alors trois classes, comme les trains suisses de mon enfance, ils ne transportaient plus dans leurs cales les migrants européens les plus misérables vers la terre promise américaine. Les États-Unis avaient bloqué l’entrée des étrangers en 1921.

Ville maritime bien qu’elle se trouve au fond d’un estuaire, Nantes consacre une exposition aux paquebots jusqu’au 23 février, fixant comme échéance 1913-1942. Ce n’est pas la première démonstration sur le sujet. Je vous parlais en 2017 de celui particulièrement luxueux du Victoria & Albert Museum intitulé « Ocean Liners, Speed ​​​​and Style ». Autant vous le dire tout de suite. Je ne suis pas allé au Musée des Beaux- de Nantes. Je vous parle en ce moment du catalogue, qui s’avère en réalité être un gros livre indépendant. Il y a là beaucoup de photos et de textes, dont certains (mais pas tous !) m’ont un peu déçu. Celui sur le cinéma, par exemple, m’a semblé trop concis. Il y a pourtant beaucoup à dire sur le sujet, de « Oneway Passage » (1932) à « Paris New York » (1940), tourné en dernière minute sur le prestigieux navire « Normandie ».

Le « Normandie » joue aussi les vedettes dans cet ouvrage à partir de la reprise des traversées après le couac du « Titanic » en 1912 et s’arrêtant en plein conflit. Un incendie a en effet ravagé le bateau en question, resté à quai dans le port de New York. Il faut dire qu’après le ballon d’essai de « L’Ile-de-France » et la carrière avortée d’un « Atlantique » n’ayant navigué que depuis deux ans, la France devait se mettre en avant. En pleine crise économique, elle va construire à la fois le plus grand et le plus beau bateau du monde. Un univers alors dominé par les navires transatlantiques nazis et fascistes, les Américains n’en ayant paradoxalement jamais conçu d’aussi importants. Rien ne semblait trop luxueux pour le « Normandie ». Le Genevois Jean Dunand a ainsi conçu des centaines de mètres carrés de panneaux laqués en ruine, mis en sécurité avant la catastrophe de 1942. Ils se trouvent aujourd’hui dans les plus grandes collections publiques et privées du monde, les modèles ayant été offerts à l’époque par l’auteur à MAH.

Vitrine du savoir-faire français, « Normandie » fut bien sûr aussi celle de la haute couture parisienne. De nombreuses photos en témoignent dans l’ouvrage très largement illustré. La France tentera de répéter l’expérience des années 1950, lorsque le marché des passages transatlantiques était largement dominé par l’Angleterre et l’Italie. Malheureusement, c’était un peu tard. Je me souviens encore de tout le tapage provoqué par le lancement de « France » en 1962 (1). Là aussi, les artisans et les grands fabricants avaient fait tout ce qu’ils pouvaient. Mais l’avion dominait déjà. Partir à New York n’était plus une aventure, un peu sentimentale, mais un voyage devenu comme les autres. Il a fallu jeter l’éponge, qui est certes un élément aquatique. On n’imaginait pas alors l’essor des croisières, avec des monstres abritant 4 500, voire 7 000 passagers. Vous me direz avec raison que ce n’est pas là l’expression la plus raffinée de l’existence, et je ne vous prouverai pas le contraire. Y aura-t-il un jour une exposition muséale sur la flotte du Royal Caribbean Group ?

(1) Le Musée Maritime a consacré, avant ses malheureuses transformations, une excellente exposition à la « France ». C’était en 2011.

Pratique

« Les paquebots, 1913-1942, Une esthétique transatlantique », ouvrage collectif, Editions In Fine, 278 pages.

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Né en 1948, Etienne Dumont étudié à Genève qui lui furent de peu d’utilité. Latin, grec, droit. Avocat raté, il se tourne vers le journalisme. Le plus souvent dans les sections culturelles, il travaille de mars 1974 à mai 2013 à la Tribune de Genève, commençant par parler de cinéma. Viennent ensuite les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le constater, rien à signaler.Plus d’informations

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