LLe sexisme se cache dans certains détails. Il n’est pas toujours facile pour le commun des mortels de s’en débusquer mais à ce petit jeu, Sylvie Guerry-Gazeau, vice-présidente de la communauté urbaine de La Rochelle chargée entre autres de l’égalité femmes-hommes, a appris à ne plus se laisser berner.
Il y a quelques jours, lors d’une réunion publique, l’un des vice-présidents a présenté ses quatre collègues masculins avec leur titre de maire. Les trois élues assises à leurs côtés ont dû se contenter de leur nom. En privé, Sylvie Guerry-Gazeau n’a pas hésité à le signaler. Une gaffe machiste, consciente ou non, parmi tant d’autres. Au début du mois, 21 communes sur 28 ont signé la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. L’occasion pour la maire de Clavette de revenir dans sa délégation qui fait ce qu’elle peut avec peu de moyens. La route est encore très longue.
Une charte pour faire respecter l’égalité entre les femmes et les hommes dans les communautés, on peut se demander pourquoi nous en sommes encore là.
En effet, cela pourrait paraître inutile ou absurde. Mais aujourd’hui encore, dans tous les secteurs de la vie locale, emploi, travail, transports, culture, sport, etc., il existe de facto une inégalité de traitement. La charte oblige la communauté signataire à faire un travail introspectif sur son fonctionnement : combien de rues ont un nom féminin, combien d’usagers ai-je dans les associations et clubs sportifs que je subventionne, une équipe de filles d’Are financée au même niveau qu’une équipe de garçons ? Il n’est pas nécessaire de gratter longtemps ! Il n’y a pas de fonctionnement qui ne mérite d’être analysé.
« Si vous êtes un macho invétéré, vous le restez même à la tête d’une commune »
L’Espagne fait ce travail depuis des années. L’égalité des sexes est devenue une compétence obligatoire au même titre que les routes ou les finances. Même les plus petites mairies en profitent. Aujourd’hui, l’Espagne est citée comme une référence en matière de lutte contre les violences faites aux femmes alors qu’elle a battu des records en Europe en matière de féminicides.
Châtelaillon, Esnandes, La Jarne, Marsilly, Montroy, Sainte-Soulle et Saint-Xandre, sept communes sur vingt-huit, n’ont pas signé la charte européenne. Qu’est-ce qui bloque ?
Certains élus n’en voient ni l’intérêt ni l’importance. Pour eux il n’y a pas de sujet sur leur commune ou ce sont des sujets très secondaires. Parmi les arguments que j’entends : « il n’y a pas assez d’élus impliqués dans mon conseil », « oui mais c’est trivial », « ce n’est pas indispensable ». À l’image de la société, nombreux sont encore les élus qui ne sont pas conscients des problèmes d’inégalités. Mais je ne désespère pas de les faire signer.
Plan d’actions
La charte européenne, élaborée en 2006, vise à garantir le respect de l’égalité femmes-hommes dans des domaines aussi divers que la vie professionnelle, le numérique ou les effets du changement climatique. Plus de 2 000 collectivités européennes sont signataires de la dernière version, dont 372 en France. Chaque communauté s’engage à proposer un plan d’action dans un délai de deux ans.
Vous avez récemment déclaré que les élus locaux manquaient de beaucoup de maturité sur la question de l’égalité femmes-hommes. Pourquoi sont-ils si peu conscients ?
Ils quittent la société civile comme nous tous. Mais quand on est responsable de tout un territoire, on ne peut travailler que pour 50 % de la population. Elles n’ont aucune formation sociologique sur la place des femmes dans la vie locale, sur les questions d’inclusivité… Vous portez votre passé avec vous. Si vous êtes un macho invétéré, vous le restez même lorsque vous êtes à la tête d’une municipalité. Quand on met des « lunettes de genre », on se rend compte qu’il faut élargir les trottoirs pour permettre aux mères avec poussettes et aux personnes âgées de mieux se déplacer, que les laveries automatiques dans les immeubles ne doivent plus être situées sous terre. terrain ou encore que les terrains multisports excluent les filles car il n’y a pas de toilettes à proximité. Sans formation, aucun élu ne se pose ces questions !
« Il y a toujours un élu qui fait une gaffe, consciemment ou non »
Devant vos collègues, vous manquez rarement une occasion de vous exprimer sur le sujet. Est-ce que c’est payant ?
Oui, ça vient petit à petit. Il n’y a pas un bureau communautaire où je ne suis pas impliqué ! Il y a toujours un élu qui fait des gaffes, consciemment ou non, des comportements très machistes voire scandaleux ou tout simplement des choses qui ne sont plus possibles. Par exemple : nous venons d’accorder une subvention de 15 000 euros à un think tank soutenu par plusieurs écoles du campus qui réunit chaque année des chefs d’entreprise sur le thème de la transition énergétique. Cependant, parmi les locuteurs, il n’y a que 10 % de femmes. J’ai levé le doigt à plusieurs reprises, je n’ai pas réussi à faire changer le vote, mais certains élus ont fini par me rejoindre. La prochaine fois, la subvention ne passera plus.
Votre délégation sur la question de l’égalité femmes-hommes n’existe que depuis 2020. Quels sont ses moyens ?
Elle a été créée en 2020 mais elle est restée une délégation fantôme jusqu’en avril 2021 ! J’ai eu un quart de temps et je n’ai eu aucun budget jusqu’en 2022. Aujourd’hui j’ai 10 000 euros, ce qui n’est pas la preuve d’une volonté exacerbée. Je peux défendre que mes délégations à l’Agglo ne coûtent pas très cher !
Depuis la création de la délégation, avez-vous l’impression de changer les mentalités ?
Nous repartions tellement de zéro, je peux seulement dire que les choses progressent ! Mais un quart de temps consacré à la question de l’égalité, j’ai honte ! J’ai beaucoup de barrages routiers, d’obstacles. Avec plus de ressources, nous aurions pu faire beaucoup mieux. Ce qui m’attriste, c’est de constater que la plus grande commune de Charente-Maritime manque cruellement de ressources pour les femmes en général, jeunes ou moins jeunes. À l’Agglo, le service de prévention de la délinquance est en train de réécrire son schéma directeur et il faudra attendre 2025 pour qu’un volet sur les violences faites aux femmes soit intégré ! Malgré tout, nous avançons. J’ai réussi à sensibiliser certaines communautés. La preuve avec cette charte.
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