L’opérationnalisation de la Stratégie Nationale de Développement (SND) 2025-2029 du Sénégal s’appuie sur le Projet de Loi de Finances 2025 qui constitue le cadre budgétaire et financier permettant la réalisation des priorités nationales. Inspirée de la philosophie de Jub Jubbal Jubbanti, cette stratégie s’articule autour de trois principes essentiels : « Jub », signifiant « juste », « Jubbal », qui implique « ajuster » ou « rendre équitable », et « Jubbanti », synonyme de « rectifier”. Ces concepts reflètent l’ambition de construire une gouvernance économique équitable, de corriger les déséquilibres structurels et d’ajuster les priorités nationales en fonction des besoins économiques et sociaux.
La gestion budgétaire s’appuie sur des recettes projetées à 4 794,64 milliards de FCFA et des dépenses publiques estimées à 6 395,08 milliards de FCFA, avec un objectif de réduction progressive du déficit budgétaire à 3% du PIB d’ici 2027. Cette approche traduit une volonté de rompre avec les déséquilibres budgétaires antérieurs en établissant une gestion publique rigoureuse et transparente. L’élargissement de l’assiette fiscale, combiné à la modernisation de l’administration fiscale et à la digitalisation des services publics, vise à accroître la mobilisation des ressources intérieures et à renforcer la souveraineté économique du pays.
Les allocations budgétaires reflètent des choix stratégiques guidés par des priorités économiques et sociales fondamentales. L’éducation et la formation professionnelle bénéficient d’une enveloppe de 1 377 milliards FCFA, qui marque l’ambition de porter le taux de scolarisation à 100% d’ici 2029. Les investissements ciblés concernent la modernisation des infrastructures scolaires, la formation des enseignants et le développement des filières techniques adaptées aux aux besoins du marché du travail. Cette allocation vise à créer une génération qualifiée, capable d’accompagner la transformation industrielle du Sénégal.
Dans le domaine de la santé et de la protection sociale, 1 885 milliards FCFA sont alloués pour renforcer la couverture sanitaire universelle et améliorer les infrastructures sanitaires. L’objectif principal est d’assurer un accès équitable à des services de santé de qualité pour 80% de la population d’ici 2029. Ces fonds permettront de construire de nouveaux hôpitaux, de moderniser les centres de santé existants et de recruter du personnel médical qualifié.
L’agriculture, la pêche et l’élevage, piliers de la sécurité alimentaire et de l’économie nationale, reçoivent 1 070 milliards de FCFA. Ce budget soutient la mécanisation agricole, la modernisation des infrastructures d’irrigation et le développement des chaînes de valeur agro-industrielles. L’objectif est d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et d’assurer une plus grande résilience face aux crises climatiques. Des subventions ciblées sont accordées pour soutenir les petits agriculteurs et promouvoir une agriculture durable.
Les infrastructures et l’énergie constituent un axe central du développement économique. La modernisation et la restructuration de SENELEC en holding, le développement de pôles industriels compétitifs et l’intégration des énergies renouvelables visent à réduire les coûts de production et à assurer un approvisionnement énergétique stable. Ces investissements doivent transformer les infrastructures vieillissantes et positionner le Sénégal comme un pôle industriel régional compétitif.
Le volet sécurité et défense bénéficie également d’investissements importants. Le gouvernement envisage de renforcer les capacités opérationnelles des forces de sécurité intérieure et de défense nationale à travers l’acquisition de nouveaux équipements et le développement des infrastructures de sécurité. Des fonds sont alloués à la cybersécurité, à la surveillance maritime et à la protection des frontières afin d’assurer la stabilité du pays et la sécurité des investissements étrangers.
La gouvernance publique constitue un autre pilier fondamental, avec un accent sur la décentralisation, la transparence budgétaire et la lutte contre la corruption. Les investissements visent à moderniser la gestion administrative grâce à la numérisation et à la simplification des procédures publiques. L’objectif est d’améliorer l’accès des citoyens aux services essentiels tout en renforçant la responsabilisation des institutions publiques.
Sur le plan économique, l’intégration régionale occupe une place stratégique. Le Sénégal envisage de renforcer ses exportations à 30% du PIB, en participant activement à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Cette approche vise à diversifier les marchés d’exportation et à réduire la dépendance aux importations. Le développement de corridors logistiques et de plateformes portuaires accompagne cette dynamique pour positionner le pays comme une porte économique majeure vers l’Afrique de l’Ouest.
Pour financer ces projets structurants, le Sénégal adopte une stratégie de gestion prudente de la dette publique, fixée à 59,7% du PIB en 2025. Des mécanismes financiers innovants, tels que les « Diaspora Bonds » et les Partenariats Public-Privé (PPP), permettront diversifier les sources de financement et limiter le recours à des emprunts extérieurs coûteux. Ces mécanismes garantissent une mobilisation optimale des ressources nationales et internationales, tout en réduisant la pression sur les finances publiques.
Enfin, l’exploitation des hydrocarbures, moteur potentiel de transformation économique, fait l’objet d’une politique de gestion rigoureuse. Le gouvernement prévoit de maximiser les retombées économiques grâce à des cadres contractuels favorables et à des politiques industrielles adaptées. Ces projets doivent stimuler la croissance à long terme, favoriser la création d’emplois qualifiés et renforcer les capacités industrielles locales.
Au global, le Projet de Loi de Finances 2025 constitue un instrument stratégique pour la mise en œuvre du SND 2025-2029. Chaque allocation budgétaire reflète l’engagement à rendre la gestion publique plus équitable (Jub), à ajuster les priorités économiques et sociales en fonction des besoins nationaux (Jubbal) et à corriger les déséquilibres structurels qui entravent le développement (Jubbanti). Cette approche intégrée, fondée sur une gestion budgétaire rigoureuse et des réformes économiques profondes, positionne le Sénégal sur la voie d’un développement durable, inclusif et souverain.
Dr. Abdourahmane Ba
Ingénieur Statisticien, Expert en Évaluation des Politiques Publiques
Président du mouvement ESSOR.
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