Depuis plusieurs années, Strasbourg s’impose dans le monde du cinéma d’animation. De nombreux studios locaux peuvent se targuer d’avoir travaillé sur des films primés au festival d’Annecy, en lice à Cannes ou encore nominés aux Oscars. Tout cela, avec le soutien de l’Eurométropole, qui propose un fonds de soutien et deux bourses, pour financer des projets et aider les structures à se développer. Aujourd’hui, focus sur le studio Amopix, qui a récemment participé au Festival de Cannes avec non pas un, mais deux films d’animation !
A quelques mètres de la Cathédrale, Amopix bouillonne de créativité. Le studio d’animation 100% strasbourgeois s’épanouit dans ses bureaux étranges, sorte de labyrinthe géant sur 5 étages, avec escaliers en colimaçon, bureaux cachés, pièces secrètes et surtout une vue sur Môman à tomber par terre.. Le tout en centre ville.
Alors que les derniers bureaux seront bientôt entièrement rénovés, Amopix profite de son succès : en 2024, deux films sur lesquels travaillait le studio d’animation ont été présentés au Festival de Cannes. Tout d’abord Angelo dans la forêt mystérieuse, par Vincent Paronnaud (co-créateur de Persépolis avec Marjane Satrapi), puis Le bien le plus précieux, de Michel Hazanavicius.
Un succès qui a fait dire à Mathieu Rolin, son créateur, que ça y est, Amopix est devenu « et référent dans le Grand Est dans le domaine de l’animation ». Une histoire qui s’est construite avec autant de détours que de labyrinthes dans les bureaux ; comme un studio atypique, qui a su s’implanter dans la ville.
Qu’est-ce qu’Amopix ?
Pour Amopix, l’histoire commence au début des années 2000. Très loin du krach annoncé par le passage au 21e siècle, Mathieu Rolin décide de se lancer dans une folle aventure. Aime bricoler son appareil photo et son ordinateur, passionné de cinéma et d’ébénisterie [il a fait les Compagnons du devoir, ndlr]le jeune Strasbourgeois s’essaye aux courts métrages et aux fausses publicités dès son adolescence.
Je compare beaucoup ce que nous faisons à l’artisanat.
Sous les conseils de son père, il décide de créer sa propre entreprise en 2001/2002. Signe que c’était encore une autre époque, les annuaires papier étaient C’est l’endroit où il faut être. Et pour apparaître en premier sur ce type d’objet, le nom de l’entreprise devait commencer soit par un chiffre, soit par un A.. D’où l’idée d’Amopix, ou art de déplacer des pixels [l’art des pixels en mouvement, ndlr].
Même s’il s’est aujourd’hui spécialisé dans l’animation, Mathieu Rolin n’a pas oublié ses premières amours : « Ce à quoi nous sommes appelés n’est pas très éloigné des métiers du bois. Nous n’avons pas adopté une logique industrielle, nous faisons beaucoup de choses sur mesure. » Et ça marche depuis 22 ans après [soit la moitié de la vie de son créateur, ndlr]Amopix brille de plus en plus.
Un coup de coeur progressiste pour le cinéma d’animation
À l’image de ses bureaux, Amopix est diversifié ; la société strasbourgeoise touche à tout dans le domaine de l’animation. Mais au début, ce n’était pas le cas : Amopix se spécialisait principalement dans le compositing. [créer un plan en mélangeant effets spéciaux et images tournées sur fond vert ou en live action, ndlr].
Mais Mathieu Rolin et sa société prennent un premier virage vers l’animation en 2011, lorsque France Télévisions le détecte : « Ils me disent qu’ils veulent me tester quelques jours à Nancy, voir comment je travaille, pour ensuite monter une équipe de compositing à Strasbourg, dans le but de travailler sur un long métrage.. » Cela s’est très bien passé et le film a fait le tour du monde. Son nom ? Couleur de peau mielqui a notamment reçu le prix du public au festival d’animation d’Annecy.
Chaque projet que nous souhaitons sortir doit être un joyau.
Pour Mathieu Rolin, c’est un coup de coeur : « À ce moment-là, je me suis dit : « Comme c’est beau le cinéma d’animation ! » « . Il opère alors un premier changement avec Amopix, créant deux départements : un qui réalise des films de communication corporate, un autre qui réalise des films d’animation. Un virage qui s’accentue à partir de 2015/2016 et qui aboutit près de dix ans plus tard à 3 longs métrages conçus par Amopix, plus deux films sur lesquels le studio a travaillé, et qui sont allés à Cannes.. Soyez patient, nous y reviendrons plus tard.
Aujourd’hui, Amopix, ce n’est pas une seule entreprise, mais trois : « Amopix Lab réalise des films de communication et toutes les étapes de finalisation d’un film, le studio assure la fabrication et la production des films d’animation et une nouvelle société de post-production sonore baptisée « Ça se transforme en son » assure la prise de son pendant le tournage.. » Pour résumer, Amopix peut désormais presque tout faire. Avec un seul objectif : « Chaque projet que nous souhaitons sortir doit être une pépite. »
« Nous avons toujours 12 projets en cours avec nous »
Selon Mathieu Rolin, l’entreprise fait désormais de la production déléguée : « Nous recherchons des fonds, nous travaillons avec des auteurs afin de les accompagner afin qu’ils puissent réaliser leur projet. Nous sommes également un studio de fabrication 2D et 3D, avec des techniques d’animation peinture animée, ce qui nous permet de fabriquer les projets que nous réalisons ou qui nous sont confiés.. »
Et en effet, depuis plusieurs années, la société strasbourgeoise fait de plus en plus de production exécutive complète, ce qui signifie qu’elle réalise un film du début à la fin. Verser Le Grand Noël Animal, sorti le 27 novembre, ils ont par exemple accompagné la réalisatrice Caroline Attia durant toutes les phases de production d’un des cinq épisodes, de story-board à la livraison du film.
Nous savons qui choisir pour accompagner le réalisateur et quelle personne est la mieux placée pour raconter chaque histoire.
Après de nombreuses évolutions, Amopix s’est bien implanté à Strasbourg dans le paysage de l’animation, avec 40 postes de travail dans leurs bureaux de Strasbourg et 6 dans leurs nouveaux bureaux d’Annecy. Il faut dire que les projets ne tarissent jamais : « Nous avons toujours 12 projets en cours avec nous. » Avec toujours une volonté, de s’appuyer sur les talents locaux, et notamment ceux de la HEAR.
De Strasbourg à Cannes, une success story 100% alsacienne
Parmi ces projets, certains ont connu un grand succèscomme Mars-Expressqui a été présenté à Cannes en 2023. Sur ce projet, Amopix a réalisé le compositing sur 800 des 1 100 plans du film, en plus de le coproduire. La société a également réalisé les décors du court métrage Pachydermequi est allé jusqu’aux Oscars. Mais en 2024, le studio strasbourgeois est allé encore plus loin, en rayonnant doublement sur la Croisette.
Pourtant, Mathieu Rolin n’imaginait jamais pouvoir un jour se rendre à Cannes, lorsqu’il accompagnait les jeunes au festival il y a 20 ans. Amopix a pris son -, mais le retard a été rattrapé en 2024 avec 2 films sélectionnés : Angelo dans la forêt mystérieuse dans la catégorie « Séances spéciales » et Le bien le plus précieux de Michel Hazanavicius, en compétition.
Cannes est toujours un monde qui me fait peur. Mes yeux brillaient et je me disais que si un jour j’y arrivais, ce serait génial.
Pour le premier, Amopix a participé à la stratégie financière du film en le coproductant, et a réalisé le compositing et l’animation 3D. Pour le second, ils étaient producteurs exécutifs et produisaient principalement 10 minutes d’animation sur les 70 minutes du film. Un travail de titan, qui a représenté 8 mois de travail pour 8 personnesmais qui a porté ses fruits.
Aujourd’hui, Amopix s’agrandit de plus en plus, dispose de nouveaux bureaux à Annecy et a de nombreux projets en préparation : 5 en production, une dizaine en développement mais aussi 5 autres qui arriveront prochainement en studios.. Un avenir aussi beau que leur vue cathédrale, et l’assurance de continuer à placer Strasbourg sur la carte des villes influentes dans le domaine de l’animation et de la création. Comme le résume Mathieu Rolin : « Ça grandit et dans le bon sens. »
Strasbourg, une ville qui se développe dans l’animation et la création, avec le soutien des collectivités
Historiquement terre de documentaires grâce à la présence d’ARTE et de France Télévisions, Strasbourg se fait progressivement une place dans le monde de la création et de l’animation. Amopix en est un bon exemple, mais d’autres sociétés strasbourgeoises brillent également dans le domaine du cinéma d’animation.
La société de post-production Vision intérieurele studio d’animation Animation parangon et la section strasbourgeoise de la société de production Sacrebleu Productions travaillé sur Sirocco et le royaume des dames, Prix du Public au dernier Festival International du Film d’Animation d’Annecy. Amopix et la société de postproduction son et image La production sera-t-elle travaillé sur Mars-Expressnominé aux Césars 2024 du meilleur film d’animation, tandis que Sacrebleu Productions Strasbourg travaillé sur Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eauqui a reçu quatre prix à Annecy et fait partie de la présélection des Oscars 2025
Outre les nombreuses entreprises créatives dans le domaine du cinéma d’animation, Strasbourg commence également à peser sur le domaine de l’éducation.y compris le studio Nojo qui propose des formations en animation ou ouvre cette année rue des Magasins de École Studio M pour les métiers de la création, du jeu vidéo, du design et de l’audiovisuel.
Autre point commun de toutes ces structures, c’est qu’ils ont tous, à un moment ou à un autre, bénéficié de subventions de l’Eurométropole pour s’équiper, s’agrandir et réaliser leurs projets.. Alors que la région Pays de la Loire a décidé de réduire de 73 % les fonds culturels, l’Eurométropole propose toujours un fonds de soutien à la production audiovisuelle et cinématographique, des aides au secteur de l’image et des aides au concept, qu’elle a lancé en 2023 et qui a été salué par la profession, notamment Mathieu Rolin : « C’est un véritable levier, car l’un des malheurs que l’on connaissait localement, c’était le manque d’auteurs.. »
Il explique également que le soutien au secteur de l’image lui a permis d’embaucher de nouvelles personnes, désormais en CDI, mais aussi d’acheter du matériel. Quant à l’aide au concept, elle lui permet d’accompagner une auteure dans son projet, qui sera réalisé au sein de la société strasbourgeoise. Grâce à l’aide et aux talents des structures qui se développent, Strasbourg commence donc doucement à se faire une place au soleil dans le domaine de l’animation et de la création.
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