La République démocratique du Congo (RDC) a déposé des plaintes pénales contre les filiales d’Apple en France et en Belgique, accusant le groupe américain d’utiliser dans sa chaîne d’approvisionnement des minerais extraits dans des zones de conflit, également appelés « minerais de conflit », ont indiqué des avocats représentant le gouvernement congolais. Reuters.
La RDC est un important producteur d’étain, de tantale et de tungstène – surnommés en anglais les « 3T » – minéraux essentiels à la fabrication d’ordinateurs et de téléphones portables. Certaines mines artisanales sont cependant sous le contrôle de groupes armés impliqués dans des massacres de civils, des viols massifs, des pillages et d’autres crimes, selon des experts de l’ONU et des organisations de défense des droits de l’homme.
Apple, qui ne s’approvisionne pas directement en minéraux bruts, affirme auditer ses fournisseurs, publier des rapports et financer des initiatives visant à améliorer la traçabilité des minéraux. Dans son rapport 2023 sur les minerais de conflit, déposé auprès de l’autorité américaine des marchés financiers – la Securities and Exchange Commission (SEC) –, la marque à la pomme affirme qu’aucune des fonderies ou raffineries de sa chaîne d’approvisionnement en « 3T » ou en or n’a financé ou ont bénéficié à des groupes armés en RDC ou dans des pays voisins.
Accusations de complicité
Les avocats représentant la RDC soutiennent cependant qu’Apple utilise des minéraux pillés en RDC et « blanchis » via les chaînes d’approvisionnement internationales, ce qui rendrait l’entreprise complice des crimes commis dans le pays.
Les plaintes déposées le 16 décembre auprès du procureur de Paris et d’un juge d’instruction belge accusent notamment Apple France, Apple Retail France et Apple Retail Belgique de recel de crimes de guerre, blanchiment de minerais de conflit, recel de biens volés et pratiques commerciales trompeuses visant à rassurer les consommateurs. de la propreté de leurs chaînes d’approvisionnement. “Il apparaît clairement que le groupe Apple, Apple France et Apple Retail France ont une parfaite connaissance des infractions systémiques sur lesquelles repose leur chaîne d’approvisionnement en minéraux”, est écrit la plainte française, qui cite des rapports de l’ONU et d’organisations de défense des droits de l’homme sur les conflits dans l’est de la RDC.
L’avocat belge Christophe Marchand a déclaré que la Belgique portait une responsabilité morale particulière en raison du pillage des ressources congolaises pendant la période coloniale sous le règne de Léopold II. “Il appartient à la Belgique d’essayer d’aider la RDC dans sa volonté de mettre en œuvre des moyens légaux pour mettre fin à ces pillages”, a-t-il ajouté.
Les autorités judiciaires françaises et belges doivent désormais décider d’ouvrir ou non une enquête et d’engager des poursuites pénales.
Conflits miniers et violence
Depuis les années 1990, les régions minières de l’est de la RDC sont ravagées par des conflits incessants impliquant des groupes armés, parfois soutenus par le Rwanda, et l’armée congolaise. Ces conflits, qui ont causé des millions de morts et de déplacements, sont alimentés par la concurrence pour le contrôle des minerais. Les groupes armés financent leurs activités et achètent des armes grâce aux revenus de l’exportation, souvent via le Rwanda, selon l’ONU et les organisations de défense des droits de l’homme. Le Rwanda nie toute implication dans une fraude.
Les plaintes déposées par la RDC contestent le programme ITSCI, un mécanisme de certification financé par l’industrie métallurgique pour aider les entreprises à effectuer des due diligences sur les fournisseurs 3T en RDC, au Rwanda, au Burundi et en Ouganda. Les avocats congolais affirment que l’ITSCI est discréditée, notamment par la Responsible Minerals Initiative (RMI), dont Apple est membre, et qu’Apple l’utilise comme prétexte pour présenter faussement sa chaîne d’approvisionnement comme étant propre.
En 2022, RMI a annoncé qu’elle supprimerait ITSCI de sa liste de systèmes de traçabilité approuvés. En juillet 2024, elle a prolongé cette suspension jusqu’en 2026, invoquant le manque d’observations de terrain dans les zones à haut risque et l’absence de réponse à l’escalade des violences dans la province du Nord-Kivu, région clé pour l’exploitation du 3T.
En juillet dernier, le Département d’État américain a exprimé ses inquiétudes dans une déclaration concernant le rôle du commerce illicite de minerais de la RDC dans le financement des conflits.
Robert Amsterdam, un avocat basé aux États-Unis qui représente la RDC, a qualifié les plaintes françaises et belges de « première salve » contre une grande entreprise technologique. Selon lui, il s’agit des premières plaintes pénales déposées par l’État congolais contre un géant technologique.
Apple rejette les accusations
Le 17 décembre, Apple a fermement rejeté les accusations selon lesquelles elle utilise dans ses produits des minéraux extraits de zones de conflit, affirmant qu’elle avait demandé à ses fournisseurs plus tôt cette année de ne plus s’approvisionner en minéraux en République démocratique du Congo (RDC). et au Rwanda. Dans un communiqué transmis à Reuters, le groupe américain indique avoir demandé à ses fournisseurs de ne plus s’approvisionner en étain, tantale et tungstène – dits « 3T » en anglais – en RDC et au Rwanda en raison de l’escalade des conflits dans les deux pays.
Avec Reuters (Sonia Rolley)
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