Pour la première fois, les salariés de l’entreprise de construction Appli, située à Amiens, sont en grève. Ils réclament une augmentation de salaire, mais surtout de meilleures conditions de travail et moins de pression.
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Ils étaient une vingtaine devant l’entrepôt Appli de la zone industrielle d’Amiens Nord depuis 7h30 ce vendredi 20 décembre. Ils pensaient pouvoir faire grève dans l’entrepôt, à l’abri du froid, mais ils viennent de découvrir que ils devront le faire dehors. C’est la loi.
C’est leur premier coup donc ils ne le savaient pas. Jusqu’alors, aucun d’entre eux n’était syndiqué. Cependant, certains travaillent ici depuis quinze ans. Ils déplorent des conditions de travail qui, selon eux, se dégradent de plus en plus : «C’est comme ça surtout depuis trois ou quatre ans. Ils nous demandent de plus en plus de projets et puis le matin, c’est : ‘bouge-toi’», précise Rémy, représentant du personnel. Tout le monde n’a qu’un mot à la bouche : respect.
“La plupart des gens ont peur parce qu’ils savent que ce que nous faisons aujourd’hui, ils nous le feront payer demain. Ils disent que nos bonus sont le seul indicateur dont ils disposent pour nous dire si c’est bon ou pas», explique un salarié qui souhaite garder l’anonymat, comme la plupart d’entre eux. Tout en répondant aux questions, il scrute les alentours : «Il y a des caméras partout ici, je dois faire attention. Ils me mettent la pression en ce moment. Je suis passé chaque jour des beaux chantiers d’Amiens aux chantiers pourris de l’autre bout de la Picardie. J’ai l’impression d’être le prochain sur la liste à être licencié« .
Même si les salariés se plaignent de «primes payées trop petites à la tête du client», Xavier Pruvot, le directeur de l’entreprise, affirme le contraire. “La prime de partage de valeur est la même pour tous. C’était 175 € en décembre. Ils bénéficient également d’une prime de production individuelle semestrielle décidée en fonction des heures gagnées ou perdues sur chaque chantier. Et puis, il n’y a pas de travailleurs au salaire minimum ici. Ils perçoivent tous plus de 2 000 € bruts par mois. (…) [ndlr, environ 1 580 € net] Je pense qu’ils ont besoin de beaucoup d’enseignement. Ils prennent des trucs sur les réseaux sociaux et vous les jettent au visage», explique-t-il, exaspéré.
Selon lui, les salaires du personnel ont augmenté de 10 % en moyenne au cours des trois dernières années. C’est une affirmation que les grévistes réfutent totalement : «Je suis ici depuis dix ans et je n’ai pas eu d’augmentation de salaire depuis. Pire encore, ils en embauchent même de nouveaux à prix réduit.», témoigne un salarié.
C’est surtout un «pression“pour en finir rapidement alors que les travailleurs se plaignent devant le piquet de grève.”Parfois nous nous retrouvons confrontés à des imprévus, des problèmes sur les murs à notre arrivée, mais à nous de compenser et d’y parvenir rapidement. Et puis, on est censé finir à 16h30 mais si on part vraiment à cette heure-là, ils nous appellent en hurlant. Ce que nous voulons, c’est commencer à l’heure et finir à l’heure.« .
Ces plages horaires sont prolongées par des - de transport qui ne seraient pas comptabilisés dans le - de travail des salariés, qui décrivent des plages horaires trop larges et mal comptabilisées : «S’ils nous respectent, nous arrêterons la grève. Mais, on commence à 8h et à 7h30, ils nous crient déjà de sortir“, dit un employé.”Parfois, on va travailler sur un projet à la frontière belge, on roule 1h45 et on n’est indemnisé que 15€, alors qu’on part très tôt et qu’on ne revient pas avant 20h. Et puis, on n’a que 45 minutes manger», ajoute son collègue. “On parle beaucoup de sécurité, mais cela nous met aussi en danger de travailler autant d’heures et autant de routes.« .
Il y a beaucoup de problèmes de communication et puis nous avons des malentendus autour du coût de la vie.
Xavier Pruvot, directeur d’Appli
Pour la direction, ce sont des situations qui ne se présentent jamais : «90% des chantiers sont à moins de 100 km et 90% d’entre eux reviennent avant 17 heures. Ils ont maximum 1h de route sinon c’est un gros trajet qui se fait uniquement sur la base du volontariat et ils dorment. Je me débrouille pour qu’ils puissent faire ça sur quatre jours. Tout cela est un progrès social», assure le chef d’entreprise, qui assume dans ce cas les frais de logement.
“Nous sommes une vieille maison et c’est la première fois que nous organisons un piquet même si nous n’avons jamais fait autant de travail social. Il y a beaucoup de problèmes de communication et puis nous avons des malentendus autour du coût de la vie. Ce qu’on entend un peu partout en France, j’ai la même chose dans mon entreprise», ajoute Xavier Pruvot.
Pour Alain Vanest, secrétaire général de la CGT de la zone industrielle nord d’Amiens, l’entreprise ne serait pas en conformité avec la loi. “Il n’y a pas d’entretien individuel annuel ni de frais kilométriques.», révèle-t-il tandis qu’un peintre brandit ses factures. “Je paie 140 € de transport puisque j’habite à Compiègne et quand je leur ai demandé de me rembourser la moitié de mon abonnement au train, ils m’ont répondu que c’était mon problème et que personne ne m’avait demandé de déménager.« .
Xavier Pruvot réfute ses propos. Il affirme avoir réalisé tous les entretiens individuels nécessaires avec ses salariés et considère que les frais de transport entre le domicile et le travail sont à la charge des salariés : «Le remboursement de 50% des frais de transport dépend des conventions collectives« .
A la fin des négociations, rien n’a été fait. Les grévistes se disent prêts à continuer jusqu’à obtenir une compensation pour leurs heures de déplacement, une prime sociale et un 13e mois. Une nouvelle grève renouvelable est prévue à partir du 6 janvier.
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