Le 2 décembre, Sébastien Lecornu, ministre des Armées qui n’a pas encore démissionné, tire la sonnette d’alarme sur son compte X (ex-Twitter). Pour tenter d’influencer le vote des députés jusqu’au dernier moment, et ainsi éviter la censure du gouvernement Barnier, le ministre a écrit : « Alors que le monde se réarme et que les menaces s’accumulent, nos armées et nos industriels ont besoin de stabilité, de visibilité, et donc de confiance. L’inverse se produirait si une motion de censure contre le budget de la France”.
Des conséquences concrètes
Avec une augmentation des dépenses de 3,3 milliards d’euros par rapport à l’année 2024, le budget de la défense était en effet celui qui devait augmenter le plus en 2025.
Faute de budget, les armées sont donc celles qui perdent le plus actuellement. Sébastien Lecornu ne s’en cachait pas en tout début de mois en déclarant : « La censure aurait des conséquences très concrètes pour nos armées, mais aussi plus largement pour nos industriels français de défense : plus de 200 000 emplois dans plus de 4 000 entreprises sur l’ensemble de nos territoires. Pour nos soldats, cela signifierait l’impossibilité immédiate d’améliorer leur équilibre et l’impossibilité de recruter les 700 effectifs supplémentaires prévus pour notre modèle de sécurité, l’incapacité de financer les efforts de modernisation prévus, notamment. l’impossibilité de lancer la commande de notre futur porte-avions, et donc d’accumuler un retard rendant potentiellement impossible une adhésion à la sortie du service actif du Charles de Gaulle ».
Curieusement, la défense n’a pas été citée parmi les secteurs les plus touchés par la censure du gouvernement de Michel Barnier. Jusqu’à un tout récent post de Yannick Chenevard, député de la 1ère circonscription du Var. Depuis son opération à cœur ouvert le 20 novembre, le parlementaire varois se faisait discret. Mais à l’occasion de sa sortie d’hôpital jeudi 19 décembre, preuve que sa convalescence se passe bien, celui qui est membre de la Commission de défense et des forces armées est sorti de son silence en postant un long message sur son compte LinkedIn.
Les « censeurs » devront s’expliquer
Yannick Chenevard, qui insiste sur la perte de 3,3 milliards d’euros pour les armées en 2025, ne cache pas son inquiétude. La photo qui accompagne son message est des plus parlantes : on y voit la silhouette floue du porte-avions nouvelle génération avec un point d’interrogation.
Pour l’élu, l’ordre du PANG au premier semestre 2025 est clairement remis en cause. « Je ne doute pas que les députés qui ont voté la censure expliqueront aux industriels, aux chantiers navals, aux territoires concernés que plusieurs mois de retard dans la construction d’un navire de 75 000 tonnes n’est pas bien grave et qu’après tout la Marine nationale peut attendez.”il glisse.
Avant d’évoquer également l’impact important dans le Var : « 273,3 millions d’euros d’investissements suspendus, comme plusieurs dizaines de postes et de nombreux projets pour soutenir les militaires et leurs familles ».
Yannick Chenevard n’est pas le seul à mesurer les conséquences de l’absence de budget pour 2025. A la fois historien et économiste, Nicolas Baverez, également membre de l’Institut Montaigne, s’étonne : « Il y a une forme de paradoxe dans le fait que la défense n’est pas citée parmi les secteurs touchés par la censure du gouvernement Barnier alors qu’il est le plus impacté par l’absence de budget ».
Le pire moment
A ses yeux, l’absence de budget pour 2025, « année charnière de la loi de programmation militaire »est d’autant plus grave que les crédits initialement prévus couvraient « trois points très importants : la modernisation de la dissuasion ; le lancement de grands programmes d’armement (dont le porte-avions de nouvelle génération) ; enfin, le financement de l’innovation. Notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle, du cyber, ou encore de l’intelligence ».
Et ce manque de budget, qui risque d’impacter notre base industrielle et technologique de défense, dans la mesure où “L’Etat est le principal client”, intervient « au pire moment ». Nicolas Baverez explique : « Les négociations entre l’Ukraine et la Russie devraient débuter en 2025. La France est la première puissance militaire de l’Union européenne. Mais si elle ne dispose pas d’un budget, elle aura du mal à garantir les garanties de sécurité données à l’Ukraine.».
Nous sommes loin de l’économie de guerre hautement réclamée par le président Macron.
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