Adjoint au maire de Paris chargé du commerce, de l’artisanat, des professions libérales, des métiers artistiques et de la mode, Nicolas Bonnet-Ouladj souligne la résilience des entreprises parisiennes malgré les crises récentes. Avec 28 entreprises pour 1 000 habitants, Paris reste un modèle unique. La mairie s’implique activement en achetant et en préemptant des locaux, en accompagnant numériquement les commerçants et en dynamisant la vie de quartier. Une stratégie d’avenir pour préserver l’emploi local et le lien social comme le détaille Nicolas Bonnet Ouladj.
Affiches parisiennes : Où sont les commerces à Paris aujourd’hui ?
Nicolas Bonnet-Ouladj : Aujourd’hui, on constate une grande vitalité commerciale à Paris, malgré les crises rencontrées ces dernières années : le confinement, la crise du Covid-19, l’inflation et les enjeux économiques qui pèsent sur le pouvoir d’achat des Parisiens. Malgré cela, Paris reste une ville à forte densité d’entreprises, avec 28 entreprises pour 1 000 habitants. C’est l’une des plus fortes densités de France, voire du monde.
De nombreux médias étrangers s’intéressent d’ailleurs à notre modèle, cherchant à comprendre comment Paris résiste. Nos entreprises sont confrontées à des défis tels que le commerce électronique, qui fragilise le commerce physique, entraîne une augmentation des livraisons de colis et contribue à la pollution et à la délocalisation des emplois.
Face à ces enjeux, la ville de Paris accompagne et aide ses entreprises à préserver un modèle local et à maintenir des magasins physiques. C’est essentiel pour l’urbanisme parisien et pour préserver cela »ville du quart d’heure», cette ville un peu villageoise, où chaque Parisien peut trouver une épicerie, une boulangerie, un fleuriste ou encore un café à moins de 15 minutes de chez lui.
Quelles actions concrètes ont été mises en place par la mairie pour soutenir ces commerçants ?
Contrairement à d’autres villes, Paris se distingue par sa forte intervention dans l’immobilier. La mairie de Paris possède de nombreux locaux commerciaux, qu’elle achète ou préempte pour y installer des commerçants et les accompagner dans leur installation. A ce jour, plus de 7 000 commerces situés au pied des immeubles de logements sociaux, soit 12 % des commerces parisiens, appartiennent à la ville. Parallèlement, l’organisme Paris Commerces a déjà acquis ou préempté plus de 1 000 locaux, permettant de localiser des artisans et commerçants en difficulté, comme des fleuristes, des libraires ou des professionnels du textile.
Nous avons par exemple récemment inauguré la boutique Hawa Paris, une entreprise d’insertion qui délocalise la fabrication textile à Paris tout en valorisant les savoir-faire locaux. Ce type d’initiative illustre notre volonté de favoriser la mixité commerciale et de lutter contre la vacance des locaux et la monoactivité, qui nuisent tant aux Parisiens qu’aux commerçants eux-mêmes. Grâce à notre action, nous pouvons implanter diverses entreprises, comme des boucheries ou des fleuristes, dans des zones où ces activités font défaut.
En complément de cette gestion immobilière, nous développons des actions d’animation commerciale. Cela inclut tous les prix décernés par la Ville qui récompensent nos entrepreneurs, ou encore des dispositifs comme le label « Made in Paris ». Cette année, nous avons labellisé plus de 540 objets, portant à 2 500 le nombre total d’articles reconnus en sept ans. Nous soutenons également la visibilité numérique pour les commerçants. Grâce à Paris Commerces, les entrepreneurs peuvent tester leur activité dans des locaux à loyer modéré pendant plusieurs semaines afin de valider leur modèle économique.
Enfin, pendant cette période de fêtes, nous finançons les illuminations de Noël à hauteur d’un million d’euros et accompagnons les commerçants dans l’organisation des marchés de Noël. Ces initiatives, comme celle de la place de la Concorde que nous avons récemment inaugurée avec la maire de Paris, Anne Hidalgo ou dans d’autres quartiers parisiens, renforcent l’attractivité et la convivialité de notre capitale.
Aujourd’hui nous sommes dans le magasin AK Fleuriste, le 100ème commerce soutenu par le programme digital Costo. Pouvez-vous nous expliquer ce programme ?
Nous avons réalisé que l’une des principales crises commerciales dans le monde est l’offensive du commerce électronique. Aujourd’hui, de grands sites, notamment en Chine et aux Etats-Unis, livrent dans les villes et s’attaquent directement au commerce physique. Cette livraison e-commerce soulève plusieurs problématiques. Premièrement, elle délocalise l’emploi, entraînant la perte d’emplois physiques à Paris. Elle génère également une circulation massive de colis, augmentant les émissions de CO₂ avec de nombreux objets circulant à l’échelle mondiale, tout en impliquant des acteurs qui ne contribuent pas aux impôts en France.
Notre rôle est, d’une part, d’installer des commerçants afin de favoriser l’emploi à Paris, comme ici avec ce jeune apprenti recruté par le commerçant. Cette installation a permis de créer un poste d’apprentissage, mais c’est aussi un enjeu de délocalisation. Délocaliser, c’est bien sûr lutter contre la multiplication des colis livrés à Paris et contribuer aux enjeux environnementaux avec la traçabilité. Par exemple, la grande majorité de ces fleurs de saison proviennent de France, voire d’Europe, comme les Pays-Bas, important fournisseur de fleurs, mais elles sont issues d’un circuit d’approvisionnement court.
Face à l’offensive du e-commerce, l’un des enjeux majeurs est d’accompagner les commerçants avec les outils numériques. Cela inclut des applications comme Facebook, Instagram, Twitter, qui créent de courtes vidéos, des publications, etc., pour toucher leur clientèle. Le programme Costo, par exemple, est un programme de coaching qui accompagne les traders pendant plus de trois mois. Chaque commerçant bénéficie d’un accompagnement personnalisé, en fonction de sa marque, de ses besoins, de sa clientèle et de son envie de développement. Le coach aide à développer des outils digitaux adaptés pour atteindre des cibles précises et fidéliser la clientèle. Grâce à cela, certains magasins parviennent à résister au e-commerce, en créant une clientèle locale fidèle.
Ce programme comporte-t-il également d’autres actions ?
Nous avons également, dans le cadre du programme Costo, un volet réseautage d’affaires. Il s’agit d’une newsletter contenant des informations utiles aux commerçants, de la Ville de Paris ou de Paris Commerces, concernant par exemple les marchés de Noël, les prix du « Made in Paris » ou du « Goût Entreprenant ». Aujourd’hui, plus de 2 500 commerçants parisiens, qu’ils soient en ville ou dans le secteur privé, bénéficient de ces outils numériques et de ce réseau.
Je pense par exemple à l’un des objets qui circulent le plus aujourd’hui via Amazon, sans parler de lui : le livre. Dans les années 2000, on a vu de nombreuses librairies fermer, comme Gibert Joseph. Grâce à Paris Commerces, nous avons pu réinstaller des librairies physiques et aider de nombreux libraires grâce au programme Costo, tout en mettant en réseau les entreprises. Cela permet aux clients de savoir que si un livre n’est pas disponible dans leur librairie, ils peuvent le retrouver dans une autre librairie parisienne, avec la possibilité de le précommander et de se le faire livrer à domicile. Le numérique devient ainsi un support crucial pour aider les commerçants à gérer le e-commerce et à fidéliser leurs clients.
Comment les commerçants peuvent-ils bénéficier de ce programme ?
C’est très simple : il vous suffit de vous rendre sur le site de Paris Commerces ou dans nos locaux situés Place de la République pour créer un dossier. Nos équipes sont là pour aider les commerçants. Paris Commerces est un guichet unique que nous avons créé avec la maire de Paris il y a un an. Et nous allons ouvrir, en janvier, un nouveau site internet, beaucoup plus flexible et accessible. Je l’inaugurerai en janvier ; ce sera le portail, le point d’entrée unique du commerce à Paris.
Comment voyez-vous l’avenir des commerçants à Paris ?
Nous l’espérons radieux. Pour nous, les commerçants jouent un rôle clé dans le lien social avec chaque Parisien. Ils ne font pas que vendre, ils sont bien plus que cela. Les commerces sont aussi des lieux qui rendent la ville plus sûre. On parle beaucoup de sécurité, d’insécurité, mais plus on a de commerces, plus la ville est sécurisée, plus il y a un sentiment de sécurité et de lien social. Ce sont des acteurs majeurs de la ville, et plus nous en sommes, mieux c’est. Alors, je fais tout pour aider nos commerçants à Paris.
Un dernier message pour les traders ?
Je leur souhaite de bonnes vacances et un grand succès commercial. Nous espérons qu’ils continueront à créer des emplois, à former les jeunes et à préparer la génération future.
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