quand la BD s’expose au Compa, à Chartres

Trente-neuf artistes répartis sur 320 m², 250 planches, dont 180 originales… l’exposition Petites cases, grands espaces, qui vient de débuter au Compa de Chartres, impressionne d’emblée par son ampleur.

Cette installation, imaginée par Sandrine Le Flohic, commissaire de l’exposition, et Thierry Groensteen, commissaire scientifique, prend comme point de départ le paysage de la bande dessinée.

« Un sujet assez nouveau », selon le tandem. Tellement inédit que la plupart des œuvres rassemblées ici sont plutôt récentes. À de rares exceptions près, tous les dessins datent de moins de dix ans.

Voyages de la Loire aux îles de la Désolation

« Le monde de la bande dessinée est en pleine expansion et le thème du paysage n’a émergé qu’au début du XXIe siècle. Pour de nombreux auteurs contemporains, il ne s’agit plus d’un simple décor, mais d’un élément essentiel du récit, voire d’un personnage à part entière », décrypte Thierry Groensteen.

Divisée en huit parties, l’exposition surprend par la diversité des sujets abordés et des techniques utilisées par les artistes. Les planches originales sont exécutées avec une grande virtuosité à la mine de plomb, aquarelle, gouache… Certaines, peintes en « couleurs directes », ressemblent à de véritables tableaux.

Mais au-delà de la dextérité technique, certes indispensable, c’est l’imagination des auteurs qui frappe. Longtemps considérée comme enfantine, la bande dessinée a énormément évolué, ce que même les non-spécialistes ne pourront reconnaître qu’en visionnant cette exposition.

A travers de grands formats spectaculaires, ou au contraire à l’aide de modestes sketches, les spectateurs se retrouvent immergés dans des univers très variés : jungle, marais, forêt… On est souvent très loin de l’Eure-et-Loir, comme sur ces dessins impressionnants où un bateau qui semble très fragile tente de se frayer un chemin à travers un univers bleu et menaçant.

Sommes-nous dans un monde parallèle, imaginé par un auteur fantastique comme HP Lovecraft ? Non, c’est juste un extrait de Voyage aux îles de la Désolationsigné Emmanuel Lepage.

Devenir majeur

D’autres œuvres sont géographiquement beaucoup plus proches de nous, mais elles conservent toute leur ambition artistique. C’est le cas de Loired’Etienne Davodeau, paru l’année dernière, la dérive d’un narrateur en plein tourment romantique, ainsi qu’une exploration d’un paysage et des enjeux écologiques qui le traversent.

Car c’est aussi le message de cette grande installation. Le paysage n’est pas seulement un lieu merveilleux où se déroule un récit grandiose, c’est aussi un écosystème fragile qu’il faut protéger. Exploitation du vivant, déforestation… la bande dessinée s’intéresse aussi aux grands enjeux de la société actuelle. Preuve qu’elle a définitivement quitté le monde de l’enfance pour accéder à l’âge adulte…