Les entreprises québécoises prévoient investir aux États-Unis plutôt qu’au Québec en raison de nouvelles mesures du gouvernement fédéral qui limitent le nombre de travailleurs étrangers temporaires.
Depuis septembre, ces permis de travail ne peuvent plus être renouvelés ou demandés si la main d’œuvre étrangère représente déjà 10 % des salariés à bas salaires au sein d’une entreprise.
Cette nouvelle réalité est un désastre
pour la Beauce, s’indigne le président de Rotobec, Julien Veilleux. Elle embauche actuellement 79 travailleurs étrangers temporaires et ne pourra pas tous les garder.
Cela le pousse à revoir ses projets pour les prochaines années. Je n’ai pas d’autre choix que de faire un autre investissement à l’étranger
se lamente-t-il.
L’entreprise manufacturière d’équipements de manutention a son siège social à Sainte-Justine. Elle anticipe une phase de croissance qui nécessiterait une centaine de nouveaux employés en Beauce en 2026.
Ces embauches devront toutefois se faire au même moment où l’entreprise sera obligée de se séparer d’une quarantaine de salariés recrutés à l’étranger. Elle ne pourra pas renouveler leur permis de travail selon les nouvelles exigences du Canada.
Julien Veilleux, le président de Rotobec souhaite que le gouvernement canadien prenne en considération la réalité économique de la Beauce dans l’application d’une nouvelle mesure d’immigration.
Photo : - / Marika Wheeler
Selon Julien Veilleux, embaucher 140 employés dans une région où le taux de chômage est de 2,5 % sans recourir à l’immigration sera quasiment impossible. À titre de comparaison, un taux de chômage d’environ 5 % est considéré comme une situation de plein emploi au Québec.
Nous refusons de nous laisser vaincre par un gouvernement, puis disons « maintenant que nous ne pouvons plus embaucher de travailleurs étrangers, nous allons minimiser notre turnover ». Non, ce n’est pas notre style. Nous allons justement construire une troisième usine aux États-Unis.
Rotobec possède déjà deux usines au New Hampshire, dont une est conçue pour permettre une expansion facile. Le président de l’entreprise affirme être en pourparlers avec cet Etat pour obtenir les permis et les plans pour cette construction.
Le Québec perd-il 15 à 20 millions [d’investissements] l’année prochaine, non. Le Québec va-t-il perdre 15 à 20 millions d’ici trois ans ? Oui
il résume.
Définition d’un bas salaire
au Québec selon l’exigence d’Immigration Canada :
- Pour les études d’impact sur le marché du travail (EIMT) reçues le ou après le 8 novembre 2024 : 32,96 $/heure
- Pour le EIMT reçu avant le 8 novembre 2024 : 27,47 $ / heure
Source : Gouvernement du Canada (Nouvelle fenêtre)
Un scénario qui se répète
Robobec n’est pas seul, d’autres entreprises ayant une base aux États-Unis ou ailleurs dans le monde prévoient également investir à l’étranger plutôt qu’au Québec, prévient Marie-Christine Lavoie, la directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie de la Nouvelle-Beauce.
C’est moins d’argent dans l’économie, donc au final tout le monde y perd
se lamente-t-elle. Selon elle, les nouvelles mesures d’immigration freinent le développement des entreprises dans la région.
Si on perd toutes nos entreprises, si on perd notre expertise, tout va de l’autre côté [de la frontière]nous allons avoir un problème de viabilité pour toutes les entreprises. C’est toute l’économie québécoise qui subira une perte.
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Marie-Christine Lavoie estime que les mesures d’immigration vont nuire à la vitalité économique de la Beauce.
Photo : - / Marika Wheeler
Certaines entreprises s’attendent à devoir fermer des lignes de production, annuler des équipes ou fermer des succursales en raison du manque de travailleurs en raison de la nouvelle réglementation, explique-t-elle.
La chambre de commerce, les élus régionaux et les entreprises implorent le gouvernement canadien d’ajuster les restrictions sur les travailleurs étrangers temporaires selon les réalités économiques de chaque région.
Y a-t-il un problème d’immigration au Canada? Peut être. Y a-t-il un problème dans les grandes villes ? Probablement. Y a-t-il un problème en Beauce? Non
denounces Julien Veilleux.
Un déclin de la population
Le MRC des Etchemins espérait passer d’une population de 17 000 à 20 000 personnes au cours des prochaines années, explique le préfet Camil Turmel. Il s’attend désormais à une baisse de la population en raison des restrictions.
Le préfet souligne également que ce ne sont pas seulement les entreprises auprès desquelles les travailleurs étrangers temporaires disposent de permis de travail qui subiront des pertes d’employés. Souvent, le conjoint, lorsqu’il est accompagné, va travailler dans d’autres commerces de la municipalité et de la MRC.
indique-t-il.
Camil Turmel regrette l’impact humain
de nouvelles mesures. Ces gens s’investissent beaucoup dans nos communautés, ils s’impliquent, ils s’intègrent
il maintient.
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Le taux de chômage en Chaudière-Appalaches est de 2,5 % comparativement à 5,7 % pour l’ensemble du Québec.
Photo : - / Marika Wheeler
La directrice des ressources humaines de Rotobec, Cathy Roberge, espère qu’une dizaine de travailleurs pourront passer des tests de français et recevoir leur certificat de sélection du Québec (CSQ) avant de devoir renouveler leur permis de travail dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Ils pourraient ainsi rester au Québec en attendant de devenir résidents permanents.
C’est triste
estime Cathy Roberge. Après avoir participé à des missions de recrutement à l’étranger, elle sait que de nombreux travailleurs recherchent la sécurité en venant au Canada. Ici, notre plus gros problème est le gouvernement qui déstabilise la sécurité que nous pourrions offrir à nos travailleurs.
souligne-t-elle.
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