L’onde de choc suite à la rupture de l’accord entre les deux leaders mondiaux MSC et Maersk dans le transport maritime de conteneurs continue de s’étendre. Cette fois, le transatlantique, un trafic souvent plus plat que agité, fait l’objet d’une nouvelle alliance avec le groupe CMA CGM. Loin d’impressionner MSC. Solo, duo, trio ou quatuor, Le Havre est bien servi.
Une énième réponse suite à l’explosion/recomposition des alliances qui oblige les transporteurs à restructurer leur réseau afin de maintenir couverture et fréquence. La sortie de MSC, suffisamment puissant pour s’affranchir de toute dépendance, de son partenariat avec Maersk reste l’épicentre du séisme. Depuis, les ondes de surface se propagent. La rupture entre les deux leaders mondiaux a poussé l’armateur danois à se rapprocher du transporteur allemand Hapag-Lloyd pour former le nouveau Gemini (février 2025). Ce faisant, ce dernier s’est retiré du consortium (THE Alliance) qu’il formait avec le japonais ONE, le sud-coréen HMM et le taïwanais Yang Ming. La perte du cinquième armateur mondial les a contraints à négocier avec MSC pour s’assurer leurs places sur le trafic Asie-Europe, où les parts de marché du groupe sont à dix points des deux grandes alliances concurrentes.
En signant avec MSC, la future Premier Alliance (nouveau nom de L’Alliance sans Hapag-Lloyd) a réalisé une belle opération. L’accord leur permettra d’aligner neuf liaisons hebdomadaires sur la ligne capitale des lignes Est-Ouest (contre quatre actuellement pour THE Alliance). Il pallie ainsi en partie les faiblesses du trio sachant que le commerce Asie-Europe est une ligne gourmande : 12 navires de 18 à 19 000 EVP seraient nécessaires pour une seule desserte via le canal de Suez (sauf circonstances exceptionnelles). Cependant, au sein de The Alliance, HMM et ONE disposent chacun de 12 unités de cette taille, soit suffisamment pour occuper un seul bureau.
Transatlantique, maillon faible
A l’aise sur la ligne Asie-Europe grâce à MSC, les membres de la future Ex-THE Alliance sont en difficulté encore plus grande entre l’Europe et l’Amérique du Nord, les poussant à contracter hors d’eux-mêmes. Le groupe (260 navires totalisant 3,3 MEVP) ne détient que 2,9% de part de marché sur cette ligne en termes de capacité. Autrement dit, un maillon très faible.
Dernier ricochet dans l’anaphore, ONE, érigé en leader du groupe après le départ d’Hapag-Lloyd, lui revient en concluant un VSA transatlantique avec Ocean Alliance, le mouvement formé par CMA CGM, Cosco/OOCL, Evergreen. Restant à l’abri du big bang, le plus grand réseau, en termes de capacité déployée avec 353 porte-conteneurs et 4,62 MEVP, s’est même offert le luxe de renouveler, avant l’échéance de 2027, leur coopération opérationnelle jusqu’en 2032. La prolongation du partenariat avait a priori a fermé la porte à tout remaniement majeur tout en laissant ouverte la possibilité que le transporteur taïwanais Wan Hai les rejoigne. Ce qui n’exclut pas une coopération partielle.
Ocean Network Express (ONE) – une société qui n’existait pas sous cette forme lors de la création de THE Alliance en 2017 (elle est issue de la fusion des activités conteneurs des trois transporteurs japonais MOL, NYK et K-Line) –, et ses trois nouveaux partenaires exploiteront conjointement trois boucles entre l’Europe du Nord, la côte Est des États-Unis et le golfe du Mexique avec un total de dix-huit navires. Le port normand est à l’agenda pour deux d’entre eux (voir détails ci-dessous).
La desserte par le transporteur singapourien de la côte ouest américaine (AL5 qui dessert Le Havre) ne fait pas partie de l’accord. En revanche, il permet à HMM, autre membre de L’Alliance, de faire son grand retour sur le transatlantique, d’où il était absent depuis 2018. Le transporteur sud-coréen relancera une route transatlantique baptisée TA1 (Transatlantic 1) au début février, jusqu’à la côte Ouest, via Panama, et avec Le Havre également desservi. TA1 sera exploité ONE (AL5), le seul fournisseur de navires sur ce service. La rotation, opérée par dix navires de 4 920 à 5 000 EVP, sera cependant raccourcie puisque Halifax (dans les deux sens), Port Everglades (vers l’Ouest) et Saint John au Canada (vers l’Est) ne seront plus desservis. Cependant, une nouvelle escale à Miami sera ajoutée.
La transatlantique, objet de toutes les attentions
Le commerce, plus souvent stagnant que soumis à de fortes poussées sauf lorsqu’il sert de garage à des navires sous-employés en pleine surcapacité, est en proie à des bouleversements depuis septembre. La grève des dockers des ports d’Amérique de l’Est, levée au troisième jour grâce à un accord sur une augmentation salariale de 62% sur six ans et la prolongation du contrat-cadre actuel jusqu’au 15 janvier 2025 afin de négocier toutes les autres questions en suspens ( automatisation des portiques), a resserré l’offre sur ce marché à des alternatives maritimes limitées. Les tarifs de fret y sont fermes depuis plusieurs semaines en raison d’une forte demande mais aussi sans doute soutenus par la perspective d’une reprise du mouvement social dans les 36 ports qui accueillent entre 40 et 50 % du trafic conteneurisé américain. Ce qui n’est pas exclu compte tenu de l’avancée des négociations. Les prix sur ces destinations sont également gonflés par des surtaxes exceptionnelles imposées par les compagnies et variant entre 400 et 3 000 dollars par conteneur. MSC, par exemple, a annoncé un tarif FAK de 6 000 dollars par conteneur de 40 pieds à partir du 1er octobre.
MSC superposé
Le futur réseau transatlantique du leader mondial sera bien plus dense que celui de 2M car il comportera onze boucles à partir du 1er février, une fois l’alliance avec Maersk dissoute, contre cinq actuellement : trois reliant l’Europe du Nord et deux reliant la Méditerranée. Le duo y place actuellement la capacité la plus élevée, à eux deux, 47,1%, contre 37,2% pour Ocean, 2,9% pour THE Alliance et 9,2% pour les transporteurs opérant de manière indépendante.
Une des boucles desservira Le Havre (Bremerhaven, Anvers, Le Havre, Charleston, Baltimore, New York et retour à Bremerhaven). La proposition du MSC fait la part belle au Canada (Montréal et Halifax). Une nouvelle ligne hebdomadaire opérée en quatre semaines fera notamment escale au Havre, quatrième port desservi derrière Zeebrugge, Anvers et London-Gateway. Il complète le Montréal Express 1, exploité conjointement avec Hapag-Lloyd et OOCL en cinq semaines au départ d’Anvers et avec une escale au Havre.
Adeline Descamps
VSA Transatlantique Océan Alliance + ONE : Le Havre bien desservi
ONE et ses trois nouveaux partenaires exploiteront conjointement trois boucles entre l’Europe du Nord, la côte Est des États-Unis et le golfe du Mexique avec un total de dix-huit navires. Selon les données d’Alphaliner, une ligne fonctionnera dans six semaines avec trois navires fournis par Cosco/OOCL, deux par CMA CGM et un par Evergreen entre les ports du range nord-européen (Southampton, Anvers, Rotterdam, Bremerhaven, Le Havre) et Ports est-américains (New York, Norfolk, Baltimore) avec retour vers le même port britannique. La nouvelle rotation remplace en fait le Liberty Bridge de CMA CGM.
ONE contribuera, avec quatre de ses porte-conteneurs si reconnaissables à leur couleur « fleur de cerisier », à la desserte de l’Atlantique Sud qui fait du Havre la première et la dernière escale à cinq semaines d’intervalle (Le Havre, Rotterdam, Anvers, Bremerhaven, Charleston , Savane, Le Havre). Ce nouveau service, opéré avec 5 navires au total (5 800 EVP), sera essentiellement co-chargé par l’ONE et CMA CGM (1 700 EVP chacun).
La dernière rotation, qui se déroule sans Le Havre et part de Southampton pour rejoindre le golfe du Mexique (Veracruz, Altamira, Houston, Nouvelle-Orléans) est une création de ligne. L’armateur français est le premier fournisseur avec cinq unités. Le service remplace le TAT3 d’Ocean Alliance, commercialisé par Victory Bridge par CMA CGM. Yang Ming, partenaire de ONE dans la nouvelle Premier Alliance, lui louera des créneaux horaires.
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