Comment sortir les sans-abri de la rue quand on ne peut leur offrir qu’une chaise pour la nuit dans un refuge, si on arrive à en trouver une ? Un abri contre le froid, mais qui n’est que temporaire, offre peu de services, aucune stabilité et aucun confort ?
C’est le problème auquel sont confrontés ceux qui travaillent auprès des sans-abri à Montréal, surtout depuis l’arrivée du froid.
« Ce que nous pouvons leur offrir n’est pas grand-chose. Parfois, on trouve une chaise, mais cela peut prendre du - et nécessiter beaucoup d’appels», explique Jephté Gourdet, intervenant et coordonnateur de l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (EMMIS) du quartier Hochelaga-Maisonneuve. .
Pendant longtemps, les refuges pour sans-abri ont été remplis à pleine capacité et ont dû refuser des personnes dans le besoin. Les refuges de nuit ont ouvert leurs portes pour l’hiver, mais ils sont aussi pleins tous les soirs, même s’ils n’offrent qu’une chaise, un repas et un peu de réconfort.
Moins de 100 places ont été ajoutées dans les centres de chaleur à Montréal au cours des dernières semaines, grâce au financement gouvernemental, selon des audits de La pressetandis que le mercure descendant en dessous de zéro pousse les sans-abri à se mettre à l’abri.
La tête sur la table
“Ce n’est pas un très bon sommeil.” Je dors sur une chaise, la tête sur la table, sur une pile de vêtements», raconte Serge Nadon, un grand gars souriant malgré l’adversité, rencontré mardi soir au relais thermique de la Mission St-Michael, sous le plancher d’une église de Rue Stanley, au centre-ville de Montréal.
Ce n’est pas facile. Nous sommes entourés de monde, il y a du bruit. Et à 6h30, on est réveillé car on doit sortir.
Serge Nadon
Malgré l’inconfort, l’arrêt de chaleur vaut quand même mieux que rien : la veille, faute de place, Serge Nadon avait dormi sur des cartons devant l’entrée du métro Bonaventure, sans couverture ni sac de couchage. « Le matin, je peux vous dire qu’il faisait vraiment froid ! », confie-t-il.
Mario Fortin, pour sa part, vivait dans une tente au camp de la rue Notre-Dame, dans Hochelaga-Maisonneuve, mais explique qu’il est parti en y laissant toutes ses affaires, après avoir été menacé par des vendeurs de drogue. Depuis environ deux semaines, il passe ses nuits dehors ou dans des entrées de commerces, ou à la Mission St-Michael s’il a la chance d’avoir une place.
«Je n’ai pas dormi depuis 14 jours», dit-il, la voix rauque et le visage décharné. « J’ai essayé tous les organismes, la Mission Old Brewery, la Maison du Père, mais il n’y a de place nulle part. »
Douche et pieds endoloris
En fin de journée, tandis que des supporters enthousiastes des Canadiens se dirigent vers le Centre Bell à l’extérieur, des sans-abri font la queue sur le trottoir devant l’église anglicane Saint-Georges pour s’assurer une place. Vers 17 heures, ils ont envahi en un rien de - les sous-sols de l’église.
Ils se laissent tomber sur des chaises, enlèvent leurs bottes, massent leurs pieds endoloris. Les plus fatigués posent déjà la tête sur les tables pour se reposer, malgré le brouhaha ambiant et la musique crachée par les enceintes. D’autres optent pour un bol de soupe et une assiette de riz et de légumes.
Des travailleurs circulent parmi eux pour leur demander des nouvelles, voir s’il y a des besoins urgents, coordonner la liste d’attente pour la douche, etc.
Un peu plus tard, les lumières seront tamisées et un film sera projeté, ce qui contribuera à apaiser l’atmosphère.
La salle exiguë contient 50 sièges et 10 lits de camp, pour lesquels vous devez vous inscrire pour avoir la chance de passer au maximum une nuit par semaine. Les services de la Mission St-Michael sont normalement offerts le jour, mais depuis novembre, le lieu est également ouvert la nuit, pour l’hiver.
Certains soirs, notamment lors des grands froids, nous devons refuser jusqu’à 60 personnes, déplore Andrew Maroc, agent de liaison communautaire de l’organisation. C’est un problème grave puisqu’on ne peut les orienter ailleurs, toutes les ressources étant saturées.
« Ce ne sont pas les meilleures conditions, mais c’est un service essentiel et il faut ajouter des ressources sur tout le réseau pour éviter que la situation ne perdure et ne s’aggrave », insiste-t-il.
Laisser les gens à la rue
Les autres refuges de nuit ouverts ces dernières semaines débordent également.
Avec ses 30 chaires dans Hochelaga-Maisonneuve, l’organisme CAP Saint-Barnabé refuse régulièrement une cinquantaine de personnes. «On voit beaucoup de nouveaux visages, beaucoup de gens qui viennent d’ailleurs dans la ville», affirme Michelle Patenaude, directrice générale du CAP Saint-Barnabé.
Le refuge de nuit pour femmes Chez Doris, qui n’a jusqu’à présent pu ajouter que 6 places aux 24 habituelles, a dû laisser 19 à 34 sans-abri dans la rue par soir au cours du dernier mois. «Nous n’avons reçu de réponse que le 11 novembre à notre demande de financement pour l’hiver, nous n’avons donc pas encore eu le - de tout organiser», explique la responsable des communications, Marie-Pierre Grenier. Chez Doris espère pouvoir proposer prochainement 30 places supplémentaires.
La Mission Old Brewery offre 10 places supplémentaires pour l’hiver au Mission Café, qui a maintenant une capacité de 65 personnes. Mais la demande est telle que 200 personnes visitent les lieux chaque jour, révèle Émilie Fortier, chef des services d’urgence de l’organisme. « Nous dépassons constamment nos capacités », dit-elle.
Le week-end dernier, les gens faisaient la queue dehors par -20 °C. Nous avons dû faire des rotations dans le portique et réaliser plusieurs interventions pour des cas d’hypothermie.
Émilie Fortier, chef des services d’urgence de la Mission Old Brewery
Deux centres de chaleur de 25 places ayant reçu un financement du gouvernement du Québec ne sont pas encore ouverts : celui de l’organisme L’route, dans le quartier Centre-Sud, n’a toujours pas trouvé de local, et celui de Prévention Côte-des-Neiges– Notre-Dame-de-Grâce n’a pas fini de développer la sienne.
Cette semaine, la mairesse Valérie Plante a demandé au premier ministre François Legault de débloquer des fonds, affirmant que la Ville disposait d’emplacements pour deux chaufferies supplémentaires.
« Si on n’augmente pas les services, il y aura quand même des morts dans la rue », craint Frédérik Charpentier, travailleur de soir à la Mission St-Michael.
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