En plus des coupures de 200 millions de dollars imposées au réseau scolaire, Québec met sur pause une centaine de projets d’ajout d’espace, qui comprennent la construction d’écoles, des agrandissements et l’ajout de classes modulaires, ce qui suscite la colère des élus municipaux et des inquiétudes dans le secteur de l’éducation.
Les centres de services scolaires concernés en ont été informés lors d’une réunion vendredi dernier.
Aucun chantier en cours n’a été arrêté, mais 99 projets sur environ 150 en planification (c’est-à-dire au stade des plans et devis) ont été suspendus jusqu’à nouvel ordre, selon les données du ministère de l’Éducation obtenues par La Revue.
C’est notamment le cas à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, en périphérie de Québec, où la construction d’une nouvelle école secondaire, qui devait ouvrir ses portes en 2029, est désormais reportée.
Dans cette commune, les adolescents doivent passer chaque jour deux heures, parfois même trois, dans le bus pour se rendre à l’école.
« J’ai du mal à comprendre qu’on donne des millions aux multinationales et qu’en attendant, on ne s’occupe même pas de nos enfants dans nos écoles. C’est absurde», déclare le maire Pierre Dolbec.
“En tant que citoyen, ça me dégoûte, en tant que maire, ça me maudit”, ajoute-t-il, tout en rappelant que cette nouvelle école est demandée depuis 2017.
Ce scénario se répète ailleurs au Québec, comme dans les Laurentides où trois projets de construction d’écoles primaires sont également suspendus (voir détails ci-dessous).
Sur la Rive-Sud de Montréal, quatre projets de construction d’écoles primaires, qui devaient accueillir près de 3 000 élèves, sont également en suspens.
Aucun projet annulé
Au cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, on tient d’abord à préciser que ces projets ne sont pas annulés.
« Ce sont tous des projets que nous réaliserons, mais nous devons ajuster le rythme auquel ils avancent. Nos investissements ont atteint des niveaux historiques et ils resteront à des niveaux très importants, mais il faut respecter le portefeuille des Québécois», affirme son attaché de presse, Antoine de la Durantaye.
Le gouvernement Legault a investi des « sommes records » pour construire, rénover et agrandir les écoles depuis 2018, passant de 9 à 23 milliards de dollars, ajoute-t-il.
Dans le réseau scolaire, on rappelle toutefois que le manque de place reste un problème « majeur », malgré les sommes importantes récemment investies (voir autre texte à lire ci-dessous).
Projets de construction d’écoles suspendus : quelques exemples
Construction d’une école secondaire à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier
Construction de trois écoles primaires à Lachute, Sainte-Sophie et Mirabel (secteur Saint-Canut/Saint-Colomban)
Construction de trois écoles primaires à Longueuil et d’une école primaire à Brossard
« La priorité qu’aurait dû être l’éducation ne l’est plus »
Plusieurs acteurs du réseau scolaire dénoncent haut et fort les coupures de 200 millions de dollars imposées au réseau scolaire ainsi que le retard dans la construction de plusieurs nouvelles écoles.
« La priorité qui était censée être l’éducation ne l’est plus. […] Le gouvernement a fait des choix politiques qui ne sont pas ceux des services publics», déplore Mélanie Hubert, présidente de la Fédération de l’enseignement autonome, qui rappelle que le gouvernement Legault avait opté pour une baisse d’impôt l’an dernier.
« Nous disions à l’époque que les réductions d’impôts d’aujourd’hui seraient les réductions de demain. Et bien voilà, c’est le résultat des choix qui ont été faits”, a-t-elle ajouté.
Le report des projets de construction d’écoles aura des effets très concrets sur plusieurs élèves qui devront fréquenter plus longtemps des écoles surpeuplées, où il n’y a souvent pas assez de place pour manger à la cafétéria, souligne le président de la FAE.
Même son de cloche à la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement. Le nombre d’élèves qui devront transférer des écoles pourrait également augmenter, indique son président, Nicolas Prévost.
« Il va falloir un petit jeu de chaises musicales pour faire bouger tous ces élèves. […] Avec le transport scolaire et l’accès aux garderies, cela représentera un autre casse-tête à ne pas négliger», affirme-t-il, tout en soulignant que les locaux modulables utilisés en cas de manque d’espace «coûtent une fortune».
À la Centrale des syndicats du Québec, on rappelle que les coupures de 200 millions de dollars s’ajoutent au gel du recrutement, aux coupures dans la francisation et à la réduction des sommes consacrées à l’entretien des écoles.
« Est-ce que quelqu’un croit encore que cela n’affectera pas les services aux étudiants ? » a déclaré son président, Éric Gingras, sur le réseau social X.
Même son de cloche du côté de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).
«Il est impossible que ces nouvelles mesures d’austérité n’aient aucun impact sur les services aux étudiants et sur le personnel en place, incluant le personnel de soutien», a déclaré dans un communiqué sa présidente, Caroline Senneville, qui rappelle que le manque de main-d’œuvre est «criant» dans le réseau.
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