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« Dialogue Versailles et la Cité Interdite à Hong Kong »

Deux cultures qui se connaissent

Vous êtes directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon depuis 2016. Pouvez-vous revenir sur votre parcours et nous parler de l’importance de cet échange inédit en 60 ans de relations -Chine ?

J’ai effectivement débuté ma carrière en 1990 au musée de Grenoble avant de diriger le musée des beaux-arts de Rennes en 1995 et les musées de la ville de Rouen de 2001 à 2011. Entre avril 2011 et fin 2016, j’ai été directeur scientifique des publics création de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais, avant d’occuper jusqu’à aujourd’hui les fonctions de directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Je suis un spécialiste des XVIIe et XIXe siècles français.

Cette exposition internationale revêt une importance particulière, tant par sa portée symbolique que par la difficulté due à la distance géographique et culturelle. Étonnamment, ces difficultés se sont atténuées au fil du projet, avec des liens personnels créés entre les experts français et chinois. C’est le reflet de cette exposition qui ne fait que raconter un rapprochement et une connaissance mutuelle entre ces deux cultures, au point de se familiariser l’une avec l’autre. Aujourd’hui, nous ne faisons que poursuivre une histoire qui a commencé il y a 4 siècles.

@Musée du Palais de Hong Kong

Une portée philosophique dans l’exposition

La Chine et la France ont continué à s’influencer mutuellement. Comment cette exposition de 120 œuvres met-elle en lumière ces échanges ?

Certaines œuvres illustrent le face à face entre des dirigeants politiques comme Louis XIV et Kangxi ou encore Louis XV et Qianlong dont les chronologies correspondent presque parfaitement. D’autres objets témoignent d’échanges scientifiques ou techniques et d’autres montrent l’évolution des goûts de chaque pays sous l’influence de l’autre. Cette partie nous fascine, nous historiens de l’art, qui constatons comment les objets d’art chinois entrent volontairement ou involontairement dans l’esthétique française ou l’inverse. Au-delà de l’art, il y a selon moi une signification philosophique à ces échanges, qui s’incarne dans le portrait de Voltaire, grand admirateur de la Chine, en conclusion de l’exposition, et qui rappelle à quel point la curiosité, le respect et la découverte d’autrui sont vecteurs du progrès humain.

Les objets exposés sont parfois difficiles à attribuer au visiteur tant les commandes chinoises ou françaises étaient dans le style de l’autre pays. C’est le cas de la théière Coteau que nos amis chinois considèrent comme particulièrement représentative de leur culture à son plus haut niveau et qui est une merveille du savoir-faire français. Les empereurs chinois se montraient également friands de l’atmosphère galante française qu’ils cherchaient à importer dans leurs cours. Alors que les Français étaient fascinés par la pureté et le raffinement chinois, les Chinois étaient fascinés par la sophistication et la rigueur des Français. Ainsi sur le plan scientifique, les découvertes françaises ont largement impressionné la Chine et sur le plan artistique le côté grandiose et les grandes perspectives.

Théière émaillée de Joseph Coteau (1740-1812)@Cité Interdite de Pékin

Versailles a retrouvé la fréquentation d’avant Covid

Que souhaiteriez-vous transmettre aux visiteurs ?

Le message principal est que de deux univers différents émerge une troisième dimension, encore plus riche. En se confrontant à ce qui se faisait à l’autre bout du monde, chaque pays s’est amélioré et la combinaison des deux a produit un résultat magnifique. A Pékin, l’exposition a déjà attiré 175 000 visiteurs. A Hong Kong, avec un positionnement très international, un positionnement culturel très dynamique et ce tout nouveau musée, on espère encore dépasser ce chiffre.

Le public chinois a toujours privilégié Versailles. Comment comptez-vous continuer à entretenir cet attrait ?

Alors que la Cité Interdite attire la moitié des visiteurs chinois et 30 % du reste de la Chine, on assiste au phénomène inverse à Versailles où le public est à 80 % étranger. Parmi celles-ci, les Chinois constituent la deuxième nationalité la mieux représentée. Avec 13% du total avant Covid, la fermeture des voyages pendant la pandémie a fortement réduit le nombre de touristes chinois, d’où l’idée d’expositions virtuelles qui ont circulé entre Hong Kong et Shanghai pour relancer l’intérêt. Aujourd’hui les Chinois reviennent sans que nous ayons encore retrouvé le pourcentage initial mais c’est très prometteur. Cela dit, Versailles ne désemplit jamais avec 8,5 millions de visiteurs chaque année et notre problème n’est plus de remplir mais d’accueillir les touristes en les répartissant dans tout le château et les différentes saisons.

Laurent Salomé aux côtés de Louis Ng, directeur du Palace Museun, Guo Fuxiang chercheur à la Cité Interdite, Daisy Yiyou Wang directrice adjointe du Palace Museun, Marie-Laure de Rochebrune conservatrice du Musée du Palais de Versailles

Versailles a toujours été ouvert sur le monde

Comment poursuivre la recherche ? Quelles sont les conséquences de cet échange ?

Les contacts entre conservateurs se poursuivront. A l’occasion de cette exposition, de nouvelles questions se posent sur l’origine et la destination de certains objets. Marie-Laure de Rochebrune, qui a grandement contribué au succès de cette exposition, prend sa retraite, mais Vincent Bastien est toujours à Versailles et compte se lancer dans ces recherches. De leur côté, nos confrères de la Cité Interdite souhaitent poursuivre les recherches sur leur collection française.

Quels sont vos projets pour Versailles en 2025 ?

De nombreux projets sont prévus. En fin d’année une exposition sur le Grand Dauphin, ce fils dont Louis XIV voulait faire l’homme idéal, en raffinement, en éducation et en puissance, ce qui n’est pas peu dire quand on connaît l’opinion qu’il se faisait déjà de lui-même. Une exposition plus modeste concerne le buste de Louis XIV du Bernin, une autre d’art contemporain sur Guillaume Bresson. Une exposition hors les murs consacrée au comte d’Artois, frère de Louis XVI au Château de Maison Laffitte.

Enfin, une exposition très originale portera sur une ambassade amérindienne venue de Louisiane rencontrer Louis XV en 1725, il y a exactement 300 ans. Le souvenir de cette visite est encore célébré par ces nations amérindiennes qui avaient été séduites par la modernité et le côté libéral de l’administration française, contrastant avec la domination anglaise qui suivit. Les témoignages et objets traditionnels liés à cette visite sont impressionnants pour cette exposition le musée du quai Branly en novembre.

@Cité Interdite
 
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