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L’agresseur présumé d’un enseignant du primaire arrêté

Pendant huit ans, Laurence Gratton a été cyberharcelée et menacée de mort par un homme qu’elle connaissait. Son calvaire pourrait bien prendre fin deux ans après le dépôt de plainte : son agresseur présumé a été arrêté la semaine dernière à son domicile de Terrebonne.

«J’ai été tellement soulagé quand j’ai appris qu’il avait été arrêté. Je ne pouvais pas rêver d’une meilleure façon de passer les vacances paisiblement avec ma famille », déclare 24 heures l’instituteur du primaire.

L’homme qui la harcelerait depuis 2015 serait un ancien camarade de classe de l’Université de Montréal, Éric Boisvert.

Le matin du 11 décembre, l’homme de 49 ans a été arrêté à son domicile de Terrebonne. Il est accusé de menaces de mort et de harcèlement criminel, confirme le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Mardi, il était toujours en détention provisoire après sa comparution le jour de son arrestation.

Laurence Gratton se demande aujourd’hui si son calvaire va prendre fin, deux ans après avoir porté plainte à la police de Terrebonne.

Une histoire médiatisée

Après quelques années de répit, la cyberintimidation a recommencé en 2022, à peu près au même moment où elle participait au documentaire Je te salue salope de Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist. Le film expose son histoire et celle de ses camarades de classe.

Puis, en octobre dernier, veille d’Halloween, Laurence Gratton a de nouveau reçu des menaces de mort. Mais cette fois, c’est son enfant qui a été visé.

« Il connaissait le nom de ma fille et l’endroit où j’habite. Je me sentais super anxieux. Je n’ai pas dormi de la nuit ce soir-là », se souvient la mère.

«J’ai appelé le 911 le soir même», poursuit-elle. Je savais que je passerais Halloween le lendemain dans le quartier. Aucun parent ne veut quitter la maison avec son enfant et avoir peur de se faire frapper.

Pour Laurence Gratton, il n’y avait qu’une seule issue possible : “que cet homme soit arrêté et qu’il paie pour ses actes”.

« Même s’il n’a pas l’intention d’agir, je vis dans la peur au quotidien. C’est comme si j’étais condamnée à recevoir des menaces de mort pour le reste de ma vie », déplore-t-elle.

«Les policiers de Terrebonne ont poursuivi le travail qu’ils avaient déjà mis en place, mais j’ai l’impression qu’ils ont utilisé un éventail de stratégies plus large au cours du dernier mois pour obtenir suffisamment de preuves pour l’arrêter», souligne Laurence Gratton.

Selon elle, la médiatisation de son histoire a permis de faire avancer l’enquête.

« Restera la procédure judiciaire. Le prononcé de la sentence reste encore une grande partie, ajoute-t-elle. Mais nous avons déjà fait un grand pas en avant.»

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Messages depuis 2015

Laurence Gratton a commencé à recevoir des messages haineux en 2015, en compagnie d’autres étudiants enseignants de l’Université de Montréal.

« Dans ma cohorte, je connais une trentaine de femmes qui ont été harcelées », raconte-t-elle.

Ces menaces provenaient d’un « nombre astronomique » de faux comptes et de faux courriels, précise Mme Gratton.

« Au début, c’était plutôt des insultes physiques, explique-t-elle. Il m’a écrit des messages sur des choses que j’avais dites en classe, sur les vêtements que je portais. Les filles recevaient des messages très sexuels et pervers jusqu’à ce que la violence commence à s’intensifier. »


Photo d’archive, Agence QMI

Éric Boisvert aurait été condamné à 18 mois de probation en 2019 après avoir plaidé coupable de menaces de mort et de harcèlement. Il aurait reçu une absolution inconditionnelle de la part du juge, selon une chronique de Patrick Lagacé publiée dans Lune Presse l’année dernière.

Avant son procès, l’homme a violé ses conditions de libération à deux reprises, selon des documents judiciaires consultés par 24 heures.

Depuis 2022, Laurence Gratton est persuadée que les messages et menaces proviennent de ce même agresseur présumé. Il semblait néanmoins que son arrestation serait impossible.

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Manque de moyens malgré l’augmentation

Le harcèlement en ligne constitue un délit long et complexe à prouver, selon des experts consultés par 24 heures.

« Dans le cas de cyberharcèlement, il faut non seulement prouver qu’une même personne communique continuellement avec une autre, mais il faut aussi récupérer l’ensemble des communications, leur origine, en plus de pouvoir établir qui se cache derrière le clavier. Ce sont des actions supplémentaires qui peuvent prendre du -», explique le lieutenant Benoit Richard de la Sûreté du Québec (SQ).

« Les enquêtes sur la cybercriminalité sont plus longues et plus complexes. Leur réalisation peut prendre jusqu’à cinq ou six ans. Et cela coûte très cher », explique Steve Waterhouse, expert en cybercriminalité.

Toutefois, ces crimes sont en augmentation partout dans la province.

Seulement à Montréal, le nombre de plaintes nécessitant une enquête sur le Web a bondi au cours des dernières années. Entre 2021 et 2023, le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a observé une augmentation de 37 %, rapporte le Bureau d’enquête de Québecor.

À la SQ, on compte une soixantaine d’enquêteurs spécialisés en cybercriminalité.

À Terrebonne, aucun policier n’est dédié à ce type de crime.

« Il faut donner plus de moyens humains, financiers et matériels aux forces de police », plaide M. Waterhouse. Ils ont du mal à rassembler des preuves contre un méchant qui se cache derrière un VPN.

Les policiers ne doivent pas non plus prendre ce type de cas à la légère, selon le professeur au département de didactique de l’UQAM et expert en prévention de la cyberintimidation, Stéphane Villeneuve.

« Quand un policier vous dit que les policiers ne peuvent rien faire, cela a de graves conséquences psychologiques pour la victime. Il faut vraiment considérer la cyberintimidation comme une menace psychologique sérieuse. Cela détruit des vies», insiste-t-il.

 
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