Mercredi 18 décembre, le tribunal correctionnel d’Agen, dans le Lot-et-Garonne, va se pencher sur une affaire de traite d’êtres humains impliquant une vingtaine de travailleurs étrangers, exploités et sans salaire depuis des mois. Une audience qui met en avant un système qui voit des jeunes recrutés directement au Maroc pour travailler dans l’agriculture en France, dans l’espoir d’un avenir meilleur.
Entreprise
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui composent la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé ou la famille.
France Télévisions utilise votre adresse email pour vous envoyer la newsletter « Société ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien présent en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité
Deux ans après les événements, Oussama n’a rien oublié de son arrivée en France. En juin 2022, le jeune Marocain de 20 ans débarque à Bordeaux plein d’espoir, recruté pour un contrat de plusieurs mois dans une plantation maraîchère du Lot-et-Garonne. “J’étais un jeune homme vraiment heureux, je me sentais bien, j’étais très motivé” il s’en souvient encore. Mais tout change vite. Lorsqu’il arrive au domicile de son opérateur, censé l’héberger, Oussama déchante. « Il y avait ses enfants et des ouvriers dans une maison en très mauvais état. Elle m’a emmené dans une pièce sale où se trouvaient six personnes. Je voulais partir, mais c’était mon premier jour.
Les jours suivants, le jeune employé prend rapidement conscience de la tâche à accomplir. « Nous avons commencé le travail à 8 heures du matin, sans équipement de sécurité, en short et en t-shirt. Je travaillais tous les jours, entre 9 et 11 heures par jour, avec des températures atteignant 36 degrés. Sans nourriture et sans argent, ils décidaient à ma place de ce que j’allais faire pendant la journée, je n’avais aucune marge de manœuvre.
Contraint de travailler sous une chaleur extrême, la santé d’Oussama se détériore. “Un jour, j’ai un très gros mal de tête, je demande à voir un médecin, mais on me dit de dormir un peu pour aller mieux, car ici je n’ai pas le droit.” Finalement, le jeune travailleur marchera plusieurs kilomètres à pied pour prendre le bus jusqu’à l’hôpital le plus proche. « Après plusieurs examens, un médecin m’a donné un papier pour acheter des médicaments, mais je n’ai pas pu les acheter car je n’avais pas d’argent.
Tu n’as pas le droit de t’arrêter, tu n’as pas le droit d’être fatigué, tu ne dis rien. Vous ne dormez pas, ou une heure ou deux heures par nuit. Et chaque jour tu recommences.
Les relations avec son employeur se dégradent de jour en jour. Alors qu’Oussama envisage de visiter les environs pendant son - de repos, il est réprimandé. « Elle m’a dit : ‘Tu n’es pas en vacances ici, tu dois faire attention à la police, parce que s’ils te voient, ils te renvoient au Maroc.’ Cela a continué tout l’été, dans des conditions inhumaines. Selon lui, l’opérateur va jusqu’à le menacer de l’empêcher d’obtenir son titre de séjour. « Pendant mon - de repos, je n’avais pas le droit de bouger. Tu es comme un esclave, tu travailles ou tu es chez toi, sinon tu retournes au Maroc.
Oussama fait partie de la vingtaine de salariés qui ont manifesté dans cette ferme, située à Espiens dans le Lot-et-Garonne, et qui espèrent obtenir réparation lors de l’audience qui s’ouvre ce mercredi 18 décembre au tribunal correctionnel d’Agen. Le prévenu, un agriculteur devenu sous-traitant pour d’autres agriculteurs, est accusé d’avoir fait venir ces travailleurs par l’intermédiaire de relations au Maroc. Les familles de ces jeunes hommes avaient déboursé des sommes considérables, parfois jusqu’à 10 000 euros, pour leur offrir une chance de travailler en France.
« Dans ce cas, nous parlons principalement de traite des êtres humains, le fait d’exploiter un individu pour en tirer un avantage, en l’occurrence un travail sans rémunération, précise son avocate, Me Sylvia Goudenège-Chauvin. Ce sont des familles qui vont utiliser toutes leurs économies pour amener leurs enfants ici, en se disant qu’au moins ils auront un avenir meilleur. La réalité est tout autre. »
Dans la région Nouvelle-Aquitaine où l’agriculture joue un rôle important, ces cas sont de plus en plus fréquents. “On prend conscience de l’ampleur du phénomène, dit l’avocat. Je crois qu’en parler permet aux personnes victimes de prendre conscience que ce qu’elles vivent n’est pas normal.
“Il ne faut pas oublier que ce sont des gens qui sont dans un pays qu’ils ne connaissent pas, qui ne parlent pas forcément la langue”, elle se souvient.
Ils ne savent pas vers qui se tourner et parfois on leur interdit de sortir du logement, c’est compliqué d’appeler les secours.
Me Sylvia Goudenège-Chauvinavocat partie civile
Si l’audience risque d’être reportée pour complément d’information, Oussama et son avocat espèrent d’abord une reconnaissance de la qualité de victime. « Il m’a dit qu’il ne voulait pas d’argent, j’ai compris son point de vue, mais il y a droit. Quand je lui ai dit qu’au moins ça rembourserait sa mère, il est tombé amoureux de moi. bras. Il est plein de culpabilité, car c’est sa famille qui a tout fait pour l’amener ici.
Lors de l’audience, des associations ayant accueilli des étrangers après les événements seront également présentes. Celui-ci ouvrira le mercredi 18 décembre, à 9h
Related News :