Plus d’un an après l’attaque du 7 octobre 2023 par le Hamas en Israël, qui a causé la mort de 1 200 personnes et la capture de 251 otages détenus dans la bande de Gaza, les effets sont encore visibles en France. Le tribunal judiciaire de Versailles a jugé récemment une affaire d’apologie du terrorisme en lien avec la situation au Moyen-Orient.
Entre une affaire de violences conjugales et de trafic de drogue, M. F. a été appelé à la barre par le président de l’audience. Libre sous contrôle judiciaire, l’homme de Magny-les-Hameaux s’est levé d’un banc dans l’audience et s’est avancé. Cet informaticien de 47 ans est accusé d’apologie du terrorisme. L’affaire a été reportée à janvier 2024 pour procéder à une expertise psychiatrique qui n’a révélé aucun problème psychologique.
Les faits reprochés à M. F. ont eu lieu le 20 octobre 2023. Le prévenu a d’abord publié le message suivant sur le réseau social X : « Vive le Hamas ! Vive Abu Obeida #freepalestine. Puis le lendemain, dans une série de réponses à un tweet, il a écrit : « Vous avez raison, ce n’est pas la faute de Netanyahu ! C’est l’existence même d’Israël ! Israël doit disparaître ! » Les deux publications ont été rapportées sur la plateforme Pharos. Après investigations téléphoniques et informatiques, les enquêteurs ont interpellé l’individu le 4 janvier 2024 au domicile de sa mère à Magny-les-Hameaux.
Après avoir rappelé ces éléments de procédure, le juge a commencé à poser une série de questions. Qu’il s’agisse de Monsieur F. ou du président de l’audience, chacun a pris le - de peser ses propos en s’arrêtant plusieurs fois.
– « Reconnaissez-vous être l’auteur de ces publications et pouvez-vous apporter des précisions sur les actes d’apologie du terrorisme qui vous sont reprochés ? demande le magistrat.
– Oui, je reconnais mes publications… Je n’ai aucune sympathie pour le Hamas. Mais, suite à la déclaration de la Présidente de l’Assemblée nationale sur son soutien inconditionnel à Israël, j’ai voulu lui répondre car Israël avait commencé à bombarder Gaza. J’ai vu d’horribles vidéos d’un père et de son fils avec la tête explosée. Le soutien inconditionnel à Israël me paraissait scandaleux !
– Selon vous, la publication constitue-t-elle une contrefaçon ?
– Oui, je considère que c’est vrai. Mais j’ai été choqué que le président de l’Assemblée nationale ait appelé à un soutien inconditionnel à Israël. Mais on peut aussi qualifier ce que fait Israël d’acte terroriste. Dites « Vive le Hamas ! » », c’était de la provocation !
– Vous publiez sur un compte public, vous êtes sur X. Quand vous dites que c’est une provocation, avez-vous conscience de l’impact que peuvent avoir ces publications ?
– Oui. C’était une provocation. Quand j’entends un soutien inconditionnel à Israël, j’ai le droit de dire « Vive le Hamas ».
La présidente de l’audience a ensuite axé ses questions sur la situation actuelle. Son objectif était de savoir si le prévenu éprouvait des regrets. « Je n’aurais pas publié ce message », a répondu M. F., ajoutant : « Je ne me serais pas abaissé au même niveau que le président de l’Assemblée nationale. » Il s’arrêta un instant avant de poursuivre : « Cette publication était complètement inutile et elle ne servait à rien. »
L’informaticien, accusé d’apologie du terrorisme, a continué de se justifier en faisant la différence entre les actes de terrorisme perpétrés en France et l’attentat du Hamas. Il a également argumenté par rapport à l’histoire. « À un moment donné, Yasser Arafat ou Nelson Mandela ont été considérés comme des terroristes, puis ils ont reçu le prix Nobel de la paix. Vous voyez du terroriste, nous ne savons pas ce que c’est », a-t-il regardé droit dans les yeux du président de l’audience.
Le magistrat a rappelé plusieurs éléments du parcours de l’homme de 47 ans. Informaticien de profession, il est au chômage depuis 2016 suite à un burn-out. M. F. est déjà connu de la police pour ses anciens liens avec la mouvance d’ultra-gauche. Son casier judiciaire comporte une mention : une condamnation par le tribunal judiciaire de Paris en 2016 à cinq ans d’emprisonnement dont deux avec sursis pour faits de violences aggravées et participation à une association en vue de commettre des délits. dommage. Le président a souhaité revenir sur ces faits.
– « J’ai clairement fait une erreur. Une grave erreur. J’ai été puni. Que puis-je vous dire de plus ?, lui dit Monsieur F.
– Je ne sais pas, a répondu le juge.
– C’est tout !
– Enfin, quand quelqu’un publie des commentaires qui peuvent… (elle fait une longue pause) étant véhément et éventuellement appelant à la violence avec « il faut faire disparaître Israël », comprenez-vous qu’on puisse vous demander des explications notamment par rapport à ce dossier judiciaire ?
– Je considère que ce sont deux choses différentes.
– Lorsque vous avez déjà été condamné par la justice, vous devez éviter de vous faire remarquer à nouveau.
– Quand j’ai dit « Vive le Hamas », je ne savais pas que j’aurais affaire à la justice… Ensuite, je n’ai pas dit « Vive Daesh ! “Ce sont deux choses différentes.”
Le procureur a alors commencé son argumentation en citant l’article 421-2-5 du Code pénal qui définit l’apologie du terrorisme comme « le fait de provoquer directement des actes de terrorisme ou de prôner publiquement ces actes ». Concernant les arguments du prévenu, le procureur de la République a précisé que « tout ce qui peut constituer un acte terroriste est défini selon le parquet sans distinction entre les actes qui sont tous inclus ».
Compte tenu du contexte du délit, l’attentat du 7 octobre était déjà qualifié d’acte terroriste et l’apologie du terrorisme peut être acceptée puisque les publications ont été faites sur un réseau social destiné au public. « Je vous propose d’entamer la procédure de condamnation par une peine de deux ans d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire avec obligation de suivre une prise en charge psychologique et de travailler. Je demande également la privation d’éligibilité pour une durée de 5 ans et l’inscription de Monsieur F. au fichier judiciaire des auteurs d’infractions terroristes (Fjait)”, a demandé le procureur pour conclure son réquisitoire.
Face à ces réquisitions, l’avocat de M. F. a d’abord axé ses propos sur le contexte et les conséquences des publications. « Les excuses du terrorisme doivent être déterminées dans un contexte national. Par ailleurs, si l’on condamne M. F., c’est parce que l’on considère que ses propos sont à l’origine d’un acte terroriste. Mais ce n’est pas le cas », a souligné la défense, précisant que le compte utilisé par l’accusé était suivi par 63 abonnés.
La défense s’est ensuite appuyée sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression. « Il n’appartient pas aux institutions judiciaires de reconnaître si le Hamas est une organisation terroriste. Le terrorisme est un terme vague. Il n’y a aucun doute sur les actes terroristes de Daesh. En revanche, lorsqu’on est au cœur de l’actualité à l’étranger, il est plus compliqué de déterminer ce qui est terroriste ou non. Le Moyen-Orient est un contexte éminemment compliqué. Nous ne devons pas prendre parti ici, dans ce bar. Nous devons défendre une chose, l’une des gardiennes de notre société : la liberté d’expression. Monsieur F. n’est en aucun cas un terroriste. C’est pourquoi je demande l’acquittement», a plaidé l’avocat.
Après délibéré, le tribunal judiciaire de Versailles a déclaré M. F. coupable d’apologie du terrorisme. Il a été condamné à 18 mois d’emprisonnement avec sursis probatoire avec obligation de prodiguer des soins et de trouver du travail. Comme peine supplémentaire, les juges ont retenu l’inéligibilité pendant cinq ans et l’inscription au Fjait qui lui interdit d’exercer certaines professions, notamment dans la fonction publique.
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