Par
Marie LEMAISTRE
Publié le
18 décembre 2024 à 14h32
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La décision du tribunal de commerce de Paris est tombée mardi 17 décembre 2024. Les salariés de l’usine Café Légal, située dans le quartier de Bléville, ont appris peu après 9 heures du matin la liquidation judiciaire de l’entreprise de torréfaction, implantée depuis 170 ans au Havre (Seine-Maritime). « Nous étions sur place, nous attendions le verdict, notre directeur d’usine avec nous », raconte Véronique*, ouvrière du site de production.
La décision du tribunal de commerce entraîne l’arrêt du site de production et le licenciement des 110 salariésau Havre et dans les bureaux parisiens.
« Il y a eu des larmes », confie le Havrais de 56 ans. Nous ne savons même pas quoi faire maintenant. Il y a des jeunes dans l’entreprise, ils trouveront facilement du travail. A 50 ans, c’est compliqué pour nous. »
Aucune solution de récupération
Le tribunal a jugé que la seule offre de rachat soumise ne présentait pas de garanties suffisantes. «Nous avions une épée de Damoclès au-dessus de la tête depuis des années », soupire le Havrais devenu salarié polyvalent suite à un reclassement pour maladie professionnelle.
Atteint d’un handicap, l’ouvrier à la chaîne a encore cinq ans à travailler. Arrivée dans l’entreprise comme conductrice de ligne en 1995, elle rencontre son compagnon, assistant chauffeur, actuellement en congé. Comme lui, elle a le sentiment d’avoir laissé là sa santé depuis des années. “J’ai été sauvé, mais beaucoup n’ont pas pu l’être”, car les départs étaient également de moins en moins remplacés.
Il faut remonter à 2007 pour voir le signe de premières difficultésavec un premier plan de secours, retrace Véronique. « Les dettes de l’entreprise ont été gelées pendant 10 ans. » De quoi, sur le moment, retrouver un peu d’espoir. « L’activité reprenait un peu. On a laissé un petit moment le plan de secours, et après, les difficultés sont revenues comme avant”, déplore-t-elle.
Placement en redressement judiciaire en octobre 2024
A partir de 2021, certaines primes, dont celle d’ancienneté, rétablies la même année après près de 20 ans d’arrêt dans l’ensemble du secteur agroalimentaire, ne sont plus versées. « On nous a dit que l’entreprise n’avait pas les moyens financiers », rapporte le salarié.
En 2022, Michel Ohayon prend les rênes de l’entreprise. « Cela n’a abouti à rien », soupire l’employé. À peine un an plus tard, en 2023, la société trouve un nouvel repreneur, FNB Private Equity.
Mais rien ne fonctionne. L’entreprise est finalement placée en redressement judiciaire mardi 8 octobre 2024, dans l’espoir de trouver une solution de redressement durable. « Les anciennes dettes ont été effacées ; cette fois, nous avions l’espoir d’une reprise sans les dettes financières», observe Véronique.
Toujours selon elle, l’offre de rachat n’était pas suffisante. « Ils ont mis 5 millions d’euros sur la table, même si la région avait garanti un million, c’est ce qu’il nous fallait pour tenir un mois de production. Même nous savions que ce n’était pas viable. »
A chaque nouvelle décision, on ne vivait plus, on avait peur
« Une hausse historique des prix du café »
« Pourquoi les autres réussissent-ils et pas nous ? », demande aujourd’hui le salarié, qui sait que « c’est fini ». Elle n’hésite pas à parler de « mauvaise gestion », citant des exemples positifs comme le cas de l’entreprise Méo dans le nord de la France.
En réalité, Café Légal a surtout fait les frais de la « hausse historique des prix du café », précise l’entreprise, ce que confirme également Véronique.
« En termes de commandes, nous avons perdu beaucoup de clients. En l’espace d’un an, ce fut un massacre. Ils ont fini par mélanger les équipes du matin et de l’après-midi pour n’en faire qu’une : il n’y avait pas assez de travail pour tout le monde », décrit la mère d’enfants adultes encore étudiants.
Dans un geste désespéré pour sauver leur entreprise, des membres du personnel élus au CSE se sont rendus à la mairie du Havre il y a quelques semaines. Selon Véronique, Édouard Philippe s’y était engagé. « Si la société ne survivait pas, nous aurions la priorité pour l’emploi », rapporte celle qui veut juste y croire. « Nous ne savons pas vraiment ce qui va nous arriver maintenant. »
En attendant, “un liquidateur judiciaire supervisera la procédure jusqu’à son aboutissement et veillera au respect des droits des salariés et des créanciers”, indique l’entreprise dans un communiqué.
*prénom d’emprunt
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