Une inquiétude inhabituelle est apparue il y a quelques jours lors des discussions entre les avocats de la défense lors du procès pour viol de Mazan. Le jour du verdict, les cinquante accusés présents – le cinquante et unième est en fuite – ne pourront pas être accompagnés de leurs proches devant le tribunal correctionnel du Vaucluse. Même en ajoutant des chaises, même en poussant les murs, la salle d’audience du palais de justice d’Avignon, bien que grande, restera trop petite pour accueillir les familles outre les avocats, les forces de l’ordre et la presse, dont trois représentants seulement pourront être présents. Les futurs condamnés probables, dont certains sont arrivés libres au tribunal, repartiront menottés vers les zones « arrivées » des maisons d’arrêt, sans avoir pu dire au revoir à ceux venus les soutenir.
Le procureur de la République a requis des peines allant de quatre à vingt ans de prison pour les 51 hommes jugés depuis septembre pour les viols de Gisèle Pelicot. 32 comparaissent libres, sous contrôle judiciaire. Des dizaines de mandats de dépôt (placement en détention) pourraient ainsi être délivrés simultanément. Une situation “rarissime”, « digne des procès de la mafia italienne», concède Ludovic Friat, de l’Union syndicale des magistrats (USM), premier syndicat apolitique de juges. “C’est à la fois une gestion normale, car les prévenus condamnés doivent être emmenés en prison, cela arrive tous les jours, et exceptionnelle, compte tenu de l’ampleur du procès.”
Un délai de dix jours pour faire appel
Interrogé par Libération Sur la façon dont elle prépare ce verdict, l’administration pénitentiaire (AP) donne peu de détails. Parmi les accusés, 18 ont été jugés alors qu’ils étaient en détention provisoire dans des maisons d’arrêt, établissements pénitentiaires destinés aux personnes en attente de jugement ou condamnées à des peines de moins de deux ans. A l’issue du verdict, les condamnés à la réclusion criminelle seront reconduits vers leur maison d’arrêt respective – nombre d’entre eux se trouvent à celle d’Avignon-Le Pontet – avec des agents de l’AP, comme depuis le début de l’audience.
Ils y resteront dix jours, soit toute la durée du délai d’appel, avant d’être dirigés, s’ils ne font pas appel et sont donc définitivement condamnés, vers un établissement pour y être sanctionnés par le tribunal. Une vingtaine d’agents de la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Marseille, et plus marginalement ceux de Toulouse, ont été mobilisés ces derniers mois pour extraire de leurs cellules les prévenus incarcérés et les traduire en justice.
Pour les autres prévenus, qui étaient jusqu’ici sous contrôle judiciaire : en cas de peine de prison, “leurs transferts seront organisés par la juridiction en lien avec les forces de sécurité intérieure”complète le PA. Ils seront, quant à eux, accueillis par les sections « arrivants » des maisons d’arrêt relevant du ressort de la juridiction et y resteront une dizaine de jours durant lesquels ils pourront faire appel du verdict. A l’issue de ce délai, les personnes n’ayant pas fait appel peuvent également être orientées par le tribunal vers un établissement pénitentiaire adapté, selon les critères de répartition habituels.
Des prisons « structurellement encombrées »
Les établissements de détention peuvent être des centres de détention, axés sur la réinsertion sociale des détenus, ou des centres centraux, pour les condamnés considérés comme les plus dangereux, dont les peines sont très longues. Plusieurs critères entrent en jeu pour déterminer où les condamnés purgeront leur peine.
« Il faut alors respecter le principe du droit au maintien des liens familiaux. C’est-à-dire qu’il faut absolument veiller à ne pas envoyer les gens trop loin du lieu où ils ont leurs liens familiaux. »a expliqué Ludovic Friat de l’USM. “Dans les condamnations pénales, on essaie toujours dans un premier - de respecter un délai d’orientation du détenu en fonction de son profil, de sa personnalité, de la durée de la peine : le juge saura l’orienter vers le lieu de détention le plus adapté.” Un principe de réalité entre alors dans l’équation. « Les prisons françaises sont structurellement encombrées »rappelle le magistrat.
Interrogée sur un éventuel impact d’un afflux important de nouveaux détenus ce week-end, l’administration pénitentiaire ne répond pas, soulignant simplement « le contexte de surpopulation carcérale importante » au niveau national (128,5% au 1er novembre), et au niveau local (149,3% pour les établissements dépendant des services pénitentiaires de Marseille, 193% pour ceux dépendant de Toulouse).
Related News :