« Cette question, déficit et dette, est une question qui pose un problème moral »a déclaré François Bayrou sur les marches de l’Hôtel de Matignon, lors de la passation du pouvoir le 13 décembre. « Soulager vos fardeaux sur vos enfants est très mal vu, et à juste titre. » Ce n’est pas la première fois que les démocrates-chrétiens accusent la dette publique d’être « immoral ». Déjà lors de la campagne présidentielle de 2007, il parlait de ” honte “ et même “déshonorer”. Une obsession qui n’a jamais quitté cet homme imprégné de culture chrétienne. Dans ce document, le pécheur est un débiteur, le Messie un “Rédempteur” (« celui qui rachète » notre dette).
Dans la prière du Notre Père, base de la religion chrétienne, la cinquième demande est écrite ainsi en grec : « Et remets-nous nos dettes, Comme nous avons remis à nos débiteurs »qui se traduit par « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Le pardon est donc assimilé à la remise de dette. En araméen, langue du Christ, c’est aussi le même mot qui désigne “ce” et ” erreur “. C’est également le cas en langue allemande avec ” Dette “comme le soulignait Nietzsche dans Généalogie de la morale. Or, en Europe, on le sait, l’Allemagne a, au fil des décennies, imposé sa vision des questions monétaires et budgétaires. Dans son approche ordolibérale, l’équilibre est presque sacré et la dette est une honte.
Dans la démonologie financière, le pire diable est la dette publique. Ce péché collectif est commis au détriment de “nos enfants”. De nombreux économistes tentent, depuis des années, de démystifier ce cliché, en enchaînant les arguments : quand on lègue une dette “à nos enfants”on lègue nécessairement une dette équivalente ; ce ne sont pas nos enfants qui payent les dettes que nous contractons, mais nous-mêmes – la maturité moyenne des emprunts publics est en effet de huit ans ; tout redressement par l’endettement entraîne une augmentation des investissements privés et donc… augmente la richesse léguée à nos enfants ; les générations futures ne seront jamais vraiment lésées parce que l’État le fait « rouler » la dette – il rembourse les emprunts à échéance en contractant de nouveaux emprunts – et que l’inflation, petit à petit, la ronge ; etc. Rien n’y fait, le « fardeau-légué-à-nos-enfants » hante toujours la politique.
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