GAIZKA IROZ / AFP
En présidant le conseil municipal de Pau lundi 16 décembre, plutôt que de se rendre à Mayotte, François Bayrou a été accusé de mépriser les Mahorais.
POLITIQUE – ” Je voulais que mon premier voyage soit ici. C’est pour marquer à la fois la solidarité de tout le pays avec vous et derrière vous. » Cette phrase de Gabriel Attal, prononcée depuis le Pas-de-Calais touché par les inondations, ne joue pas en faveur de son (pas si) lointain successeur. Car alors que Mayotte a été ravagée par le cyclone Chido, avec au moins une vingtaine de morts, le Premier ministre François Bayrou est critiqué pour sa gestion de la crise.
Si l’arrivée de Gabriel Attal le jour de sa nomination est un hasard du calendrier (sa prédécesseure Élisabeth Borne y était attendue), les déplacements du Premier ministre sont classiques – voire attendus – en cas de catastrophe naturelle.
Le 15 octobre 2018, alors qu’un premier bilan matinal faisait état de 6 morts dans l’Aude après des inondations, le chef du gouvernement de l’époque Édouard Philippe annonçait qu’il se rendrait sur place dans les heures qui suivraient. Février 2021, c’est Jean Castex qui “manifeste la solidarité de l’Etat” dans le Lot-et-Garonne. Novembre 2023, Élisabeth Borne fait de même dans le Pas-de-Calais. Puis Gabriel Attal et jusqu’à Michel Barnier, malgré sa visite éphémère, qui s’est rendu dans le Rhône le 25 octobre, toujours après des inondations.
« Indifférence et mépris »
Dans ce contexte, la décision de François Bayrou de participer en chair et en os au conseil municipal de Pau lundi soir et de tenir la réunion de crise sur Mayotte par visioconférence fait polémique. « Ce choix peut susciter l’indifférence et le mépris envers une population en danger. Comment lui justifier ce sentiment d’abandon ? » » demande le président du groupe LIOT Stéphane Lenormand lors d’une séance exceptionnelle de questions au Premier ministre ce 17 décembre. « Le mépris se ressent d’autant plus durement que la souffrance est là » cingle l’insoumise Mathilde Panot. « Quand comptez-vous partir à Mayotte ? »interroge aussi l’écologiste Steevy Gustave.
La pilule est d’autant plus difficile à avaler que les critiques du double standard de l’État à l’égard de cet archipel ne sont pas nouvelles. Exemple en 2023, quand en raison d’une sécheresse sans précédent, les Mahorais se retrouvent sans eau deux jours sur trois, voire plus pour les habitants des hauteurs. « Cette situation est devenue monnaie courante, alors qu’en France métropolitaine, jamais, (…) avec le savoir-faire, l’ingénierie disponible, cela ne serait pas possible. Sinon, que feraient ceux qui vivent dans les Alpes ? »a déploré Racha Mousdikoudine, présidente du collectif « Mayotte à soif » auprès du Bondy Blog. Un discours relayé par de nombreux élus, dont le communiste Fabien Roussel qui avait dénoncé à l’époque « la remise en cause de l’égalité républicaine. »
Contraintes gouvernementales et logistiques
Cuisiné par les élus de l’Assemblée, François Bayrou assure que le gouvernement était représenté par les ministres démissionnaires de l’Intérieur et de l’Outre-mer, évoque sa participation “de la première à la dernière minute” à la réunion de crise et rappelle qu’il est au complet dans la composition de son gouvernement qu’il compte présenter ” dès que possible “. Il existe également une contrainte logistique importante : organiser un voyage vers un archipel à 8 000 kilomètres de Paris est bien plus complexe et contraignant à organiser qu’un aller-retour de la capitale vers un département de l’Hexagone, aussi éloigné soit-il.
Face aux députés, François Bayrou tente également un ultime argument : “Il n’est pas d’usage que le Premier ministre et le président de la République quittent le territoire national en même -”, argumente-t-il. Une formulation pour le moins maladroite et qui n’apaisera pas le procès sur un prétendu manque de considération envers les Mahorais.
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