« Il n’y a pas assez de peines de travaux d’intérêt général (TIG) imposées. Cela doit devenir une phrase de référence. Tous les délits ne peuvent pas être traités par TIG, mais lorsqu’ils correspondent à des peines légères et fermes et que le condamné y consent, c’est une alternative plus appropriée que l’incarcération. C’est un levier d’intégration quand on sait que les taux de réussite du TIG sont de 85%», résume Nacéra Bensaïd référent territorial en Seine-Saint-Denis de l’ATIGIP, l’Agence territoriale d’œuvre d’intérêt général et d’insertion professionnelle.
“Il n’y a pas assez de postes TIG pour l’ensemble du territoire“
Nacéra Bensaïd a organisé ce jeudi matin, au siège de l’intercommunalité Est Ensemble, à Romainville, la première « Usine TIG » de Seine-Saint-Denis. “L’idée est de réunir nos partenaires qui assurent les postes TIG et d’en rencontrer d’autres. Il n’y a pas assez de postes pour l’ensemble du territoire. Pour une personne condamnée, être obligée de se rendre à l’autre bout du département peut gêner l’application de la peine. Nous cherchons également à diversifier les postes pour augmenter les chances d’intégration.», souligne-t-elle.
La Seine-Saint-Denis compte, en effet, 325 postes TIG, dont 238 destinés aux majeurs condamnés relevant du Service de probation et d’insertion professionnelle (Spip) et 87 aux mineurs dépendants de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). ). Un chiffre qui n’est pas à la hauteur, alors que la juridiction de jugement a confié 5 150 personnes au Spip 93 en 2024. Les mesures TIG représentent 513 dossiers. À l’échelle nationale, seulement 3,5 % des peines prononcées sont des peines TIG, selon les données nationales du ministère de la Justice.
“Le pari est de proposer au contrevenant de se racheter en réparant les dommages causés par l’infraction commise.“
Or, comme le rappelle Hervé Monnet, directeur du SPIP 93, le malus TIG a été instauré par une loi de 1983, inspirée du modèle anglo-saxon. Ceci vise à «en priorité aux primo-délinquants, afin de travailler différemment à la prévention de la récidive. Le pari est d’offrir une compensation au contrevenant en réparant indirectement et parfois directement les dommages causés par l’infraction commise.», décrit-il. L’Agetip sera créée en 2018 dans un contexte de surpopulation carcérale, avec le constat que les aménagements de peine limitent la récidive, en comparaison des courtes sorties après prison qui conduisent à un taux de récidive de 60 %.
En pratique, le TIG est une peine qui peut être prononcée à titre principal, mais également dans le cadre d’un sursis probatoire ou d’un aménagement de peine. En termes d’horaires de travail, la peine peut aller de 20 heures à 400 heures depuis 2019 (au lieu de 200 heures auparavant). Une prolongation »pour souligner que le TIG n’est pas seulement destiné aux petits délits de vol à l’étalage, mais peut également être possible pour des délits plus importants. Afin d’éviter l’incarcération quand on peut mettre le pied à l’étrier d’une personne», précise Muriel Eglin, juge des enfants au tribunal judiciaire de Bobigny, venue témoigner de son expérience devant un parterre d’élus et de représentants d’associations. En effet, en moyenne, 100 heures de TIG sont réalisées. “Au-delà de 40 heures, c’est compliqué. Dans le cadre d’un TIG, cela représente une durée de deux semaines, voire plus s’il est fractionné. Si c’est trop long et trop lourd, on finit par perdre le sens du travail et on fait courir aux condamnés le risque de ne pas aller au bout et d’être de ce fait révoqués. Nous voulons que cela fonctionne. Quand on impose une peine TIG, nous faisons très attention à ne pas envoyer les gens à l’échec», souligne toutefois Muriel Eglin. A noter qu’une majorité de jeunes condamnés sont majeurs au moment de la condamnation ou de l’exécution, le tribunal pour enfants délivrant des TIG aux personnes qui étaient mineures au moment des faits.
“Grâce au TIG nous pouvons être dans une spirale positive“
Le manque de postes freine néanmoins le développement du TIG. “Il faut aussi prêcher la bonne parole aux magistrats. Certains disent qu’il n’y a pas assez de postes TIG et hésitent à imposer une peine TIG de peur qu’elle ne soit pas exécutée. Nous avons des postes. C’est toute une boucle qui doit être brisée», souligne Nacéra Bensaïd.
Une position que défend Muriel Eglin. “L’incarcération a une valeur rétributive lorsqu’une personne a commis une infraction. La société attend de lui qu’il paie pour l’infraction commise. Le TIG permet de transformer cette notion, notamment dans un contexte territorial où la maison d’arrêt de Villepinte est actuellement pleine à plus de 200 %.», explique-t-elle. Alors que les capacités de réinsertion de la prison sont déjà relativement limitées, «TIG permet d’aborder la question de la condamnation sous un autre angle, et de permettre à un condamné de payer sa dette envers la société en produisant quelque chose pour ses concitoyens. Grâce au TIG, nous pouvons être dans une spirale positive d’insertion», explique-t-elle.
Pour Muriel Eglin, cette sanction vise aussi à reconnecter les condamnés à leur citoyenneté. “Les jeunes condamnés par le tribunal pour enfants ont souvent des relations compliquées avec les institutions. Ce sont eux que l’on voit commettre des dégâts, et qui n’ont même pas l’idée de ce que peut être un projet associatif ou les missions d’une collectivité locale. Le TIG, c’est aussi l’occasion de se sentir citoyen. Il s’agit certes d’une punition, mais le TIG s’inscrit aussi dans la dimension pédagogique de la justice des mineurs.», estime le juge. “Il faut venir sur le terrain pour se rendre compte du désœuvrement de certains jeunes, TIG ou pas laissés complètement seuls et abandonnés », observe, de son côté, Lynda Mechat de l’association BNR de Bobigny qui est justement active dans l’insertion professionnelle et sociale, et qui est intéressée à obtenir un agrément pour accompagner les peines TIG. Il n’en demeure pas moins qu’il existe une grande différence entre la justice pour mineurs et celle pour adultes en termes d’accompagnement. Un éducateur de la PJJ accompagne environ 25 jeunes tandis que des conseillers en insertion pénitentiaire suivent 85 à 90 personnes en milieu ouvert.
Est Ensemble veut accueillir davantage de « tigistes »
A l’occasion de cette première « Usine TIG » en Seine-Saint-Denis, Est Ensemble a annoncé vouloir augmenter ses postes de « tigistes » à partir de 2025. 132 sont actuellement à réaliser par Spip sur le territoire Est Ensemble où sept communes accueillent des « tigistes » avec une offre de 30 postes. “Nous avons décidé d’étendre le système. Nous avons déjà identifié des équipements publics sur le territoire qui pourront accueillir de nouvelles stations TIG.», précise Richard Galera, vice-président chargé de la jeunesse et de l’enseignement supérieur. Les postes concernent le secteur de l’eau et de l’assainissement, le secteur des déchets, et les loisirs (projectionniste, réceptionniste au cinéma, au conservatoire ou en médiathèques).
Lire aussi :
Related News :