News Day FR

La Banque mondiale réfute avoir déclaré que le Sénégal est le pays le plus endetté d’Afrique

Le Sénégal est le pays africain le plus endetté à fin 2023 selon la Banque mondiale (Média). La Banque mondiale a signalé une mauvaise interprétation des données de son étude qui, par ailleurs, ne présente ni un tableau de classification des pays selon le niveau d’endettement, ni une comparaison entre pays. En outre, le ratio dette/revenu national brut du Sénégal n’est pas unique en Afrique, puisque d’autres pays de la région ont des ratios similaires ou supérieurs (Banque mondiale).

« Informations incorrectes », selon la Banque mondiale

À la page 73, le rapport dresse la liste des caractéristiques de la dette de tous les pays à revenu faible et intermédiaire, catégorie dans laquelle se trouvent la plupart des pays africains, dont le Sénégal. Pour ce faire, plusieurs indicateurs dont le stock de dette et le poids (en pourcentage) de la dette sur le Revenu National Brut (RNB) sont analysés. La période de référence est la fin 2023.

S’il est vrai, à la lecture de ce rapport, que le Sénégal détient un stock de dette de près de 40 milliards de dollars (exactement 39,950 milliards de dollars), soit 133% de son RNB, comme le révèle Jeune Afrique, les données de l’étude contredisent cependant les déclaration selon laquelle « le Sénégal est le pays le plus endetté du continent ».
En effet, le Rapport sur la dette internationale 2024 montre que des pays comme le Mozambique ont un stock de dette (66,848 milliards de dollars) et des ratios dette/RNB (356 %) supérieurs à ceux du Sénégal. Aussi, un pays comme le Nigeria détient un stock de dette de plus de 102,482 milliards de dollars, soit presque le triple de celui du Sénégal.

Confirmant ces données, la Banque mondiale a informé Africa Check que l’information selon laquelle le Sénégal serait le pays africain le plus endetté à fin 2023 n’est pas vraie selon son rapport International Debt Report 2024. Les pays africains ont des ratios dette/RNB et des stocks de dette plus élevés », a répondu l’institution.

Comment interpréter les données de l’étude concernant la dette du Sénégal, par rapport aux autres pays africains ?
A travers un email envoyé à Africa Check, la Banque mondiale a précisé que les données de son rapport en question doivent être interprétées dans un contexte plus large. Elle nous a invités à considérer les points clés suivants :

• Comparaison relative
Le ratio dette/RNB du Sénégal est élevé, mais il n’est pas unique en Afrique, puisque d’autres pays de la région ont des ratios similaires ou supérieurs. Par ailleurs, indique l’institution de Bretton Woods, comparer les niveaux d’endettement du Sénégal à ceux d’autres pays sur la seule base du ratio dette/RNB est insuffisant et peut prêter à confusion. “Ce ratio ne prend pas en compte des aspects importants comme le coût réel de la dette, c’est-à-dire le paiement des intérêts et des remboursements, qui peuvent immédiatement peser sur les finances du pays.” En outre, « le RNB mesure le revenu et non la production réelle (PIB), ce qui peut donner une image incomplète de la capacité du pays à rembourser sa dette. Ce ratio ne distingue pas non plus la nature de la dette et ne donne aucune indication sur l’état des finances publiques, comme les recettes de l’État ou sa capacité budgétaire, essentielles pour comprendre si la dette est soutenable.

• Absence de classification
Contrairement à ce que l’on a pu lire dans certains articles de médias, la Banque mondiale a insisté sur le fait que son rapport ne présente pas de tableau de classification des pays selon le niveau d’endettement ni de comparaison entre pays. “Ce n’est pas le but de ce rapport qui vise principalement à présenter des statistiques sur la dette extérieure des pays et à faire le point sur la dette extérieure des pays en développement.” De plus, « le ratio dette publique/revenu national brut n’est pas un indicateur courant dans les analyses de la dette publique ou de sa soutenabilité. Les variables clés de la capacité de charge de la dette et de sa soutenabilité de la dette publique ne sont pas abordées dans ce rapport », a noté la Banque mondiale.

• Composition de la dette
Les données de l’étude de la Banque mondiale montrent que la majorité de la dette du Sénégal est détenue par des banques multilatérales de développement, ce qui signifie des taux d’intérêt plus bas et des conditions de remboursement plus favorables par rapport à la dette privée ou commerciale.

• Tendances mondiales
Enfin, la Banque mondiale juge important de noter que le Sénégal, comme beaucoup d’autres pays en développement, « a vu sa dette augmenter en raison des défis économiques, notamment ceux liés à la pandémie de COVID-19. Cette tendance est observée dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire.

Le professeur Abou Kane, professeur titulaire à la Faculté d’économie et de gestion (FASEG) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a soutenu les évolutions de la Banque mondiale sur la composition de la dette du Sénégal et ses tendances globales. Il a ajouté que “récemment, la dette commerciale a augmenté de manière significative mais en termes de proportion, elle reste inférieure à la dette multilatérale”, s’appuyant sur les résultats du Bulletin statistique de la dette publique publié par le Trésor public du Sénégal.

En effet, le document souligne : « De l’encours de la dette de l’administration centrale à fin mars 2024, la dette extérieure représente 64%, composée principalement de dette multilatérale (28%) et commerciale (24%) ».

D’autre part, l’économiste Meissa Babou, également enseignante au FASEG de l’Université Cheikh Anta Diop, relativise les évolutions de la Banque mondiale. Selon lui, ni l’impact du Covid-19 ni la guerre en Ukraine ne justifient le niveau d’endettement du Sénégal qu’il juge « extraordinaire ». Ce scénario, a-t-il soutenu, résulte du fait que la majeure partie de la dette a été orientée vers la construction d’infrastructures telles que des ponts, des stades, des routes, alors que ces investissements n’ont pas d’impact social conséquent.

La Banque mondiale n’a pas indiqué que le Sénégal est le pays le plus endetté d’Afrique
Le média Jeune Afrique, ainsi que plusieurs autres médias du Sénégal et d’Afrique de l’Ouest, ont rapporté que le Sénégal est le pays africain le plus endetté à fin 2023, attribuant cette information au Rapport sur la dette internationale 2024 de la Banque mondiale.

Contactée pour vérification, la Banque mondiale a indiqué que l’information est erronée, car les médias qui l’ont rapportée ont mal interprété les données de son étude. Selon l’institution financière, il est important de noter que le ratio dette/RNB du Sénégal n’est pas unique en Afrique, puisque d’autres pays de la région ont des ratios similaires ou supérieurs. De plus, le rapport, en lui-même, ne présente pas de classement des pays selon leur niveau d’endettement et ne fait pas de comparaisons entre les pays.

Compte tenu de toutes ces indications, l’affirmation selon laquelle le Sénégal est le pays le plus endetté du continent africain est erronée.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :