Vous êtes responsable du secteur commercial Occitanie Est de la Française des jeux. Combien de points de vente avez-vous dans le Gard ?
Le département du Gard compte 350 entreprises partenaires de la FDJ de différentes tailles. Les plus importants se trouvent dans les villes les plus peuplées, comme la ville de Nîmes qui compte 55 entreprises partenaires. Notre objectif est d’avoir un réseau de distribution stable sur tout le territoire, ce qui est le cas dans le département.
L’agence FDJ Occitanie Est est située à Nîmes. Le Gard est-il le département où on joue le plus ?
L’agence Occitanie Est compte 37 salariés qui se répartissent entre métiers commerciaux et administratifs. Le rôle de notre agence est de gérer les relations commerciales avec les 1 900 commerçants partenaires de FDJ dans les départements de l’Aveyron, de l’Aude, du Gard, de l’Hérault, des Pyrénées-Orientales, du Tarn et du Vaucluse. Certains gagnants retirent également leurs gains auprès d’une agence lorsqu’il s’agit de montants importants. Notre agence est implantée à Nîmes depuis janvier 2019. En 2023, nous avons eu l’opportunité de nous agrandir dans le même bâtiment afin de mieux accueillir nos salariés et nos commerçants partenaires pour leur formation initiale. Nous sommes donc restés à Nîmes.
Selon l’ANJ, la FDJ avait des résultats en hausse en 2023 ainsi qu’au premier semestre 2024. Les Français jouent-ils de plus en plus pour conjurer l’inflation ?
La FDJ a un modèle de croissance relativement acyclique, qui repose sur un très grand nombre de clients, 27 millions, qui parient de petites sommes. Les clients de FDJ maintiennent leurs habitudes de jeu, ne jouant ni plus ni moins, que l’économie se porte bien ou mal. Quand on regarde la croissance de FDJ au cours des vingt-cinq dernières années, elle n’est pas corrélée aux cycles économiques. Au total, 68 % des mises sont redistribuées aux joueurs, soit 14,5 milliards d’euros en 2023. Evidemment, tout le monde ne remporte pas de gros gains. Néanmoins, près de 200 clients FDJ ont gagné plus d’un million d’euros en 2023.
Qu’arrive-t-il aux sommes qui ne sont pas versées aux joueurs ?
Les prélèvements publics sur les jeux sont de l’ordre de 20%, soit 4,2 milliards d’euros. Le reste, c’est notre chiffre d’affaires, grâce auquel nous rémunérons notamment nos 29 000 commerçants partenaires (près d’un milliard d’euros en 2023). L’année dernière, nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 2,62 milliards d’euros, en hausse de 6,5%, et un bénéfice net de 425 millions d’euros.
Quels sont les jeux les plus achetés dans le Gard ? Y a-t-il eu de grandes victoires ?
Les jeux de grattage sont la première habitude de jeu des Gardoises. Viennent ensuite les jeux de tirage puis les paris sportifs. En 30 ans, 45 Gardiens sont devenus millionnaires grâce à l’offre de jeux FDJ. Le record de gains du département depuis 1994 est de 15 millions d’euros à l’Euro Millions en 2015. Au loto, le record est de 9,1 millions au loto en 1994 et de 9 millions en 2017.
Les billets de loterie du patrimoine coûtent 15 euros. Ils servent à financer la restauration des monuments. Mais est-ce que cela a un impact localement ?
Temple de Gallargues-le-Montueux, escalier monumental Saint-Pierre à Pont-Saint-Esprit, observatoire du Mont-Aigoual… Depuis le lancement de la Mission Patrimoine en 2018, le département du Gard a reçu plus de 600 000 euros pour contribuer à la rénovation des monuments et sites historiques de la région.
Entretien avec Thomas Amadieu, sociologue
« D’une certaine manière, le jeu est une taxe sur les pauvres »
Le marché des jeux d’argent a enregistré un niveau record en 2023. Cela semble se poursuivre en 2024. Toutefois, la situation économique est difficile. Vous êtes enseignant-chercheur à l’école de management Essca, comment analysez-vous ce paradoxe ?
Nous avons un contexte mondial d’inflation. On pourrait dire que c’est un paradoxe que les jeux de hasard se développent alors que la situation économique est difficile. Mais ce n’est un paradoxe qu’en apparence. Le jeu implique un certain nombre de difficultés et de frustrations. Quand on regarde les motivations selon les types de jeux, ce qui ressort de toutes les enquêtes, c’est que les gens sont attirés parce qu’il y a une promesse d’opportunité de changer brusquement de vie, de pouvoir acquérir une maison, une voiture. On le retrouve à la loterie, dans les jeux de grattage.
Les paris sportifs ont connu une belle croissance au premier semestre 2024. Cependant, nous n’avons pas la possibilité de gagner des sommes aussi importantes qu’à l’EuroMillions. Qu’est-ce qui motive ces joueurs ?
L’autre motivation des joueurs, c’est l’idée d’acquérir rapidement de quoi joindre les deux bouts, de quoi régler des problèmes financiers. Pour les paris sportifs, on est moins dans l’idée de “Je vais changer de vie”. Nous avons quelques connaissances et nous espérons gagner 50 ou 100 euros.
Vous avez déclaré que le jeu est « davantage d’impôts sur les pauvres ». Cela veut-il dire que ce sont plutôt les plus défavorisés qui jouent ?
Dans l’absolu, les classes sociales défavorisées ne sont pas celles qui dépensent le plus d’argent pour les jeux les plus importants. Mais si l’on regarde ce qu’ils dépensent par rapport au montant de leurs ressources, ce sont eux qui dépensent le plus. Alors oui, d’une certaine manière, le jeu est une taxe sur les pauvres. C’est une forme de taxe sur les sentiments de frustration générés par le contexte économique, l’ascenseur social bloqué.
Vous avez écrit The Making of Gambling Addiction. Est-ce qu’on pousse les Français à jouer ?
De la part des opérateurs de jeux, il existe tout un ensemble de techniques marketing qui jouent sur les biais cognitifs, sur la difficulté qu’ont les gens à imaginer les chances de gagner, ce qui conduit à exagérer la répartition des gains. Il y a toujours l’idée de faire revenir les joueurs. Le jeu peut conduire à une spirale de perte de contrôle. En France, plus d’1 million de personnes ont une pratique à risque qui peut entraîner des conséquences financières, de l’endettement et du stress. Cela peut créer des conflits familiaux. Pour de nombreux Français, le jeu risque de cesser d’en être un.
Cependant, des messages de prévention et des numéros d’appel sont apposés sur les publicités pour les jeux d’argent et de hasard. Ils sont interdits aux mineurs… Cela ne suffit-il pas ?
Il y a encore des choses à faire pour mieux réguler. Beaucoup de mineurs jouent. Il n’y a pas toujours de contrôles stricts, vous pouvez utiliser le compte de quelqu’un d’autre. Parmi les voisins européens, certains interdisent les publicités sur les jeux d’argent ou ne les autorisent qu’à une certaine heure. D’autres les interdisent lors d’événements sportifs. Limiter la publicité ne coûte rien mais présente des avantages significatifs. On peut aussi limiter les mises maximales et développer la prévention.
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