Ce n’est pas une formule qu’on pourrait facilement imaginer aujourd’hui à Ottawa.
SAMEDI, La presse a publié sa liste annuelle des parlementaires de l’année à l’Assemblée nationale. Nous avons vu des adversaires se lancer des fleurs sans épines. Ils ont rappelé un secret trop bien gardé : lorsque les micros sonnent, la CAQ, les libéraux, le PQ et les militants solidaires peuvent se parler. Malgré les inévitables frictions, la plupart du -, ils travaillent ensemble.
C’est plus compliqué à la Chambre des communes. L’animosité n’est pas qu’un théâtre. Même si les députés restent respectueux et constructifs, leurs voix sont étouffées par l’antipathie ambiante. D’ailleurs, sauf erreur de ma part, aucun classement des élus fédéraux n’a été publié au Canada depuis 2021.
Même si le tissu social est parfois mis à mal par nos débats, il tient le coup. Le climat pourri aux États-Unis, et dans une moindre mesure au niveau fédéral, n’a pas atteint ici.
Ce portrait de l’Assemblée nationale est donc aussi celui du Québec.
Deux choses frappent à la lecture de notre palmarès : l’identité des gagnants et leur abnégation au travail.
A noter certains des gagnants choisis par un vote secret de leurs pairs.
Parlementaire de l’année : Marwah Rizqy, née de deux parents marocains, dans un foyer difficile.
Parlementaire de l’année, à égalité avec Simon Jolin-Barrette : Monsef Derraji, né au Maroc.
Le plus apprécié de ses pairs : Lionel Carmant, né en Haïti.
Le meilleur représentant de sa circonscription : Samuel Poulin, né au Maroc et adopté par des entrepreneurs beauceron.
La « perle cachée » : Madwa-Nika Cadet, dont les parents viennent d’Haïti. Avec son ton posé et rationnel, cette avocate montre que la politique n’a pas besoin d’être un sport de combat.
Cette diversité d’horizons et de styles n’est pas un hasard.
L’Assemblée nationale est à peu près représentative de la population.
Les minorités visibles représentent 12 % des élus. Ce taux est très proche du taux de 16 % dans la population. Un succès, surtout quand on considère que notre système de vote est un obstacle à cela. En fait, les minorités visibles résident davantage dans le Grand Montréal. Cette concentration urbaine réduit la probabilité de les faire élire dans des circonscriptions régionales moins peuplées.
La parité est également presque atteinte. Les femmes représentent 46% des élus. C’est nettement mieux qu’à la Chambre des communes (30 %) et que la moyenne mondiale (27 %) mesurée par l’Union parlementaire.
La liste est aussi un hommage au travail d’un député — si cette clémence vous agace, relisez notre programmation régulière qui documente l’envers de cette médaille.
Un détail frappe dans le vote du parlementaire de l’année : les deux lauréats sont des leaders parlementaires. Cette position équivaut à celle du général qui coordonne l’avancée de ses troupes dans le travail parlementaire. Mais chaque dirigeant négocie aussi en coulisses avec les autres partis pour éviter ou résoudre les conflits.
Étant majoritaire, le gouvernement caquiste a moins besoin du soutien des partis d’opposition. Mais même lorsque ce n’est pas obligatoire, MM. Jolin-Barrette et Derraji peuvent travailler ensemble, ainsi qu’avec leurs homologues solidaires et péquistes.
La liste célèbre aussi le travail des simples députés. Dans notre système parlementaire, les élus de l’opposition ont un pouvoir très modeste. Mais cela accroît le mérite de ceux qui parviennent encore à laisser leur marque.
Il y a le travail aride en commission parlementaire, pour étudier les mémoires et proposer des amendements. C’est ingrat. Surtout pour l’opposition, qui n’est pas reconnue lorsqu’elle améliore des lois pour lesquelles le gouvernement sera crédité.
Il y a du travail en coulisses. Un bon exemple : Marwah Rizqy qui appelle Bernard Drainville en privé pour l’inciter à procéder à des contrôles plus poussés à l’école de Bedford. Elle ne se souciait pas d’obtenir le crédit. Elle voulait résoudre un problème, et pour y parvenir, son adversaire est devenu son allié.
Enfin, il y a le travail plus pugnace à la Chambre, où l’opposition oblige le gouvernement à rendre des comptes et braque les projecteurs sur des problèmes moins médiatisés. Le Parti québécois a poussé l’Assemblée à étudier les méfaits des écrans chez les jeunes et veut maintenant faire la même chose pour la surmédication. Québec solidaire fait pression sur la CAQ pour qu’elle s’attaque à la spéculation foncière agricole. Et les libéraux s’associent aux autres partis d’opposition pour exiger la création du poste de directeur parlementaire du budget, afin d’accroître la transparence de la gestion de l’État.
Qu’ont à gagner ces députés ? Cela dépend de la conception de la victoire. Bien sûr, ils peuvent séduire l’électorat. Mais ce n’est pas tout. Souvent, ils savent qu’aucun crédit ne leur sera accordé. Par leur comportement, ils prouvent que leur objectif est différent : faire avancer le Québec, chacun à sa manière.
Consultez notre liste des parlementaires de l’année 2024
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