LL’affaire est réglée. La Commission européenne ne devrait jamais conclure un accord commercial à la veille des élections agricoles en France ou du Salon de l’agriculture. La perspective de la conclusion de l’accord entre l’Union européenne (UE) et le marché commun sud-américain, le Mercosur, a, on l’a vu, brutalement réveillé la colère agricole, suscitant en contrepartie une rare unanimité de la classe politique rejetant le projet. Mais à y regarder de plus près, il n’y a pas de bonnes saisons en France en matière de commerce.
Le Parlement européen devait se prononcer fin 2023 sur un accord de partenariat économique avec la Nouvelle-Zélande. Les enjeux agricoles, pour ne pas dire inexistants, étaient sans commune mesure avec ceux du projet UE-Mercosur. L’accord comprenait un chapitre innovant sur le développement durable, avec la possibilité de déclencher un règlement des différends avec des sanctions commerciales en cas de violation.
L’accord a été approuvé par 82% des parlementaires européens mais par seulement 28% des députés français. Ceux-ci représentent 50% des voix contre et 33% des abstentions, alors qu’ils ne représentent que 15% du Parlement. Dans la plupart des groupes, dont les Verts ou les Socialistes et Démocrates, les députés français se sont distingués de leurs homologues en rejetant l’accord. Quelques mois plus tard, un accord signé avec le Chili par le président de gauche Boric a rencontré la même réticence.
Une économie de services
La France serait donc devenue le pays du refus du commerce. Les raisons politiques de cette distanciation sont fortes, le pacte social français ayant été plus que d’autres déstabilisé par l’ouverture commerciale et la mondialisation. Elle a aussi une base matérielle objective, souvent négligée.
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L’objectif premier des accords commerciaux reste de réduire les barrières douanières ou les restrictions quantitatives au commerce. Cela nécessite de disposer d’une base industrielle capable d’en tirer parti, surtout lorsque les perspectives agricoles sont inquiétantes. Cependant, l’économie française présente plusieurs caractéristiques qui la « désintéressent » de ce type d’accord :
- Elle s’est beaucoup désindustrialisée, plus que les autres économies européennes. Aujourd’hui, la production manufacturière ne représente que 11 % du produit intérieur brut (PIB), contre 17,5 % en Italie ou 21 % en Allemagne. Les gains à attendre de l’ouverture des marchés extérieurs sont donc par construction plus limités, d’autant que l’un des principaux secteurs d’excellence, l’aéronautique, bénéficie déjà de droits de douane nuls en application d’un accord international signé en 1980.
- Les entreprises françaises produisent à l’étranger grâce à de nombreux investissements directs, qu’ils soient réalisés dans un but de délocalisation ou, le plus souvent, pour accéder à leurs marchés. 61 % de l’effectif total des entreprises industrielles françaises est ainsi employé à l’étranger. Ce tropisme est plus marqué que chez nos partenaires européens. Déjà présentes sur les marchés à travers leurs filiales, les entreprises françaises n’ont pas d’intérêt évident à s’ouvrir aux concurrents extérieurs, bien au contraire.
- Enfin, l’économie française est devenue une économie de services avec des leaders mondiaux dans de nombreux secteurs, de la finance au tourisme en passant par les services environnementaux. Le développement de ces leaders sur les marchés étrangers passe également par une implantation locale. Si les entreprises peuvent être victimes de restrictions ou de discriminations, les accords commerciaux peinent à y remédier et toutes les hypothèses de réussite de ces entreprises ne créeront pas directement d’emplois en France, sauf dans les fonctions de personnel et de direction. gestion. La pression pour ouvrir sera donc limitée.
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