« Mon Commandant, j’ai l’honneur de vous informer que le 1er août (NDLR : de l’année 1878) un loup mordu, dans la commune de Saint-Goazec, un individu, M. Suignard, et trois chiens appartenant à M. de Kerjégu, maire de ladite commune, qui les fit tuer et enterrer. . Ce courrier de la gendarmerie de Châteauneuf-du-Faou nous donne de précieuses informations sur l’une des dernières attaques de loups en Bretagne.
Écoutez notre podcast dédié aux attaques de loups en centre Bretagne :
Attaque d’un homme sur la serrure
Nous sommes au bord du canal Nantes-Brest. En début d’après-midi, un loup est aperçu près de l’écluse du Gwakerpar un ouvrier travaillant sur le déversoir. « Et là, il est attaqué par le loup ; il a une blessure à la main. Le loup disparaît et il semble qu’il soit retourné à Trévarez et soit parti sur la route qui monte vers Roudouallec, sur la crête des Montagnes Noires. Il arrive dans un petit hameau appelé Meilh ar C’hoad, Moulin du Bois en breton, et pénètre dans la cour d’une ferme. Là, les chiens se mettent à hurler. M. Henry, le fermier, sort de sa ferme et constate qu’il y a un loup, en tout cas un gros canidé, présent. L’animal s’enfuit. Monsieur Henri prend son fusil. Il parvient à tirer sur le loup à environ 60 mètres. Il le tue, semble-t-il, sur le coup. »dit l’historien Nicolas Baron, spécialiste des animaux et de la rage.
En réalité, à la fin du XIXème siècle, il n’y a plus beaucoup de loups en Bretagne, contrairement au siècle précédent. Il ne reste probablement que quelques dizaines d’individus. Comment expliquer cette baisse drastique ? En l’espace d’un siècle, la France – et la Bretagne en particulier – a connu une très forte croissance démographique, notamment dans les campagnes. « Nous avons aussi une amélioration des conditions de vie, la population est mieux nourrie ; elle va à la fois grandir, prendre du poids et de la taille et donc pourra peut-être mieux résister physiquement aux attaques des loups »ajoute Nicolas Baron. Les innovations techniques se multiplient également, que ce soit dans les types de pièges, les fusils, ou encore le poison utilisé contre les loups. Par ailleurs, la libéralisation du droit de chasse, amorcée lors de la Révolution française, s’accélère à cette époque.
«Peut-être le dernier loup enragé de Bretagne»
Le loup est également victime d’une terrible maladie, transmissible à l’homme : la rage. Cette maladie, qui semblait avoir largement disparu en Bretagne au milieu du XIXème siècle, réapparaît dans les années 1870. Dans le cas des attentats de Saint-Goazec, de nombreux indices pouvaient laisser penser que le loup était malade. En effet “ce comportement est absolument atypique pour un loup normal, surtout à cette époque où le loup a pratiquement disparu”décrypte le spécialiste. « Et donc ce loup, qui est sans doute l’un des derniers loups de Bretagne, il n’y a aucune raison pour qu’il soit allé attaquer un troupeau de vaches. Ces proies sont quand même un peu importantes pour un loup seul. Qu’il s’attaque à un homme adulte qui travaille au milieu du canal et donc qui a sûrement des outils, cela paraît aussi assez surprenant. Et qu’il entre dans une ferme et commence à s’approcher, voire à attaquer, des chiens de garde qui, à mon avis, n’auraient pas dû non plus être des petits animaux, cela reste quand même très étonnant.”. Sa conclusion est simple : “à mon avis, nous avons affaire à un loup enragé et donc peut-être le dernier loup enragé de Bretagne et un des tout derniers de France ».
L’Almanach est le podcast de Bretagne Culture Diversité, l’association qui facilite l’accès de tous à la Bretagne et à la diversité de ses cultures. Le programme revient sur les grandes dates de l’histoire de la Bretagne en compagnie d’historiens et d’archives mises en musique. Une programmation à retrouver sur Le Mur des Podcasts d’Ouest-France.
Related News :