Naama Al Alwani n’a jamais laissé personne lui dicter son comportement. Un personnage qui lui a déjà coûté sa liberté, puis son pays, la Syrie. Mais la trentenaire, qui a dû se battre pour s’imposer comme femme journaliste avant de s’exiler, n’a pas l’intention de changer sa façon de faire.
« J’ai des compétences, je sais utiliser l’appareil photo, logiciel, questionner les gens. Mais je ne peux pas m’intégrer en France, juste à cause de mon voile. J’ai pensé à l’enlever mais cela ne me convenait pas. Alors je continue à me battre. Mais je vois que je perds ma motivation. Cela me rend triste. Je ne me reconnais pas »confie celui qui est réfugié en France depuis environ deux ans.
En regardant son visage rond et son sourire radieux, il est difficile d’imaginer que Naama Al Alwani ait fait face à de nombreux dangers. Pourtant, lorsque les premières manifestations ont débuté dans sa ville natale de Homs en 2011, la jeune fille, alors âgée de 19 ans seulement, n’a pas hésité.
En 2011, elle rejoint les manifestants à Homs
Depuis des mois, elle suit les révolutions arabes, en espérant que la vague parvienne jusqu’en Syrie. Et dans sa famille, on n’a jamais aimé le régime de la famille Assad, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 1971. Elle a alors mis de côté les études de journalisme qu’elle était censée entamer pour rejoindre les manifestants.
Là-bas, elle réalise chaque jour des films qu’elle publie sur les réseaux sociaux. Elle maîtrise également très bien la technique et parvient toujours à trouver un moyen de se connecter lorsque les autres sont en difficulté. “Je suis un vrai geek”plaisante-t-elle.
Malgré l’excitation, le quotidien est dur. « C’était très compliqué pour une femme, non seulement à cause du régime mais aussi à cause de la société. C’était particulièrement difficile avec les militants masculins, qui me disaient que c’était trop dangereux pour une femme de documenter les mobilisations. »dit-elle.
Pour contrer l’hostilité, elle trouve des subterfuges. Parfois, elle emmène son frère. Sur les réseaux, elle prend un prénom masculin. Et ça marche. Rapidement, ses films sont largement partagés, elle acquiert une notoriété auprès des opposants et même au-delà.
Dénoncé et envoyé dans les geôles du régime
Alors que le pays sombre dans la guerre civile, sa famille déménage pour échapper aux bombardements. D’abord à Daraya, dans la banlieue de Damas, fin 2012, où Naama continue de filmer les manifestations. Elle commence également à réaliser des interviews avec des déserteurs de l’armée. Puis ce fut l’installation à Tartous, sur la Méditerranée. Elle songe alors à reprendre ses études de journalisme. Mais dans cette ville très favorable à Assad, la jeune femme est dénoncée et envoyée dans les geôles du régime.
Pendant huit mois, le journaliste a été transporté de prison en prison. “Ma famille ne savait pas où j’étais ni si j’étais en vie”elle se souvient. Comment elle a échappé à la torture, elle n’en a aucune idée. «J’ai eu de la chance. J’ai vu beaucoup de femmes, certaines âgées, se faire battre. »
Elle découvre la faim et des conditions de vie insalubres. De cette expérience, elle tire une aventure journalistique unique. « Là-bas, j’ai rencontré des femmes extraordinaires, très courageuses. J’ai recueilli leurs histoires. À ma sortie de prison, j’ai réussi à me souvenir d’eux et je les ai racontés dans plusieurs médias, dont Al Jazeera. Cela a vraiment confirmé mon envie de faire ce métier. »analyse-t-elle aujourd’hui.
Au Liban, insultes et menaces du Hezbollah
En 2014, après l’élection de Bachar Al Assad, Naama Al Alwani a été libérée. Face aux disparitions de militants dont elle a entendu parler, elle a choisi de fuir au Liban, d’où est originaire sa mère. Elle parvient à s’inscrire à l’université et reprend son travail, cette fois à visage découvert.
« Le Liban est plus ouvert aux femmes journalistes. J’ai beaucoup travaillé, réalisé des documentaires sur les femmes réfugiées ou en prison, sur les militantes. » Mais là aussi, elle ne se fait pas que des amis. Elle a reçu des insultes puis des menaces de la part du Hezbollah. « En 2020, j’ai fini par demander l’asile à l’ambassade de France avec l’aide de Reporters sans frontières. » indique-t-elle.
Il devra attendre deux ans avant de recevoir une réponse positive. Entre-temps, confrontée à des menaces de plus en plus précises, elle s’est enfuie vers la Turquie. En France, après une année passée à la Maison des journalistes, elle vit désormais dans un studio à Paris et s’apprête à se marier. Mais les difficultés à trouver un emploi correspondant à ses compétences pèsent sur lui. “ J’en ai marre de bouger, dit-elle un peu fatiguée. J’aurais espéré pouvoir enfin m’installer. »
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