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« Une des solutions est de dépénaliser le cannabis »

Pourquoi, ces dernières années, le sujet de la violence et de l’insécurité a-t-il pris une place aussi importante dans le débat public rennais ?

Au niveau national, le thème est devenu central dans le discours politique vers 2002 (qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, NDLR). Rennes était alors préservé. Cette situation a atteint son paroxysme ces dernières années. Quand je suis arrivé à Rennes, dans les années 1980, le phénomène était très limité, notamment autour de la rue de Saint-Malo, de Sainte-Anne. Il y avait un ou deux meurtres par an. Depuis, le trafic de drogue s’est développé dans certains quartiers, avec des fusillades plus régulières. Les jeunes ont importé le « modèle » marseillais. Passer aux armes à feu est un effet de mimétisme. Toutefois, si les actes de violence se sont multipliés, cela ne fait pas de Rennes une ville comme Chicago, comme le suggèrent certains membres de l’opposition.

Ce genre de comparaisons accroît-il le sentiment d’insécurité ?

C’est compliqué à définir justement parce que c’est un ressenti. Ce sentiment n’est pas la même chose que l’insécurité expérientielle. C’est à dire l’expérience d’une réalité proche de chez nous. Les habitants des quartiers où il y a des fusillades sont légitimement inquiets. Ils ont peur pour eux-mêmes. Ils craignent d’être pris par une balle perdue, que leurs enfants soient recrutés par des dealers ou qu’ils deviennent des consommateurs. Il s’agit d’une véritable insécurité que vivent certaines populations dans certains quartiers. Et il y a le sentiment. Il faut bien distinguer les deux : la nébuleuse du discours insécurisant qui vise tout et n’importe quoi, et ce que vivent réellement les gens. A Rennes, le risque reste assez faible pour la majorité de la population. Les gens se promènent avec leur téléphone portable à la main. Ils n’ont pas peur de se faire arracher.

Pensez-vous qu’il y a une confusion entre la situation dans les quartiers prioritaires et celle du centre ?

Si on n’habite pas certains quartiers, on ne se rend pas compte concrètement de la violence, sauf en lisant le journal. Cependant, il existe des associations d’idées. Par exemple, lorsque des mineurs non accompagnés vendent de la drogue à République, cela donne le sentiment que les problèmes de quartier sont importés au centre-ville.

Cependant, le centre-ville concentre le plus d’incidents de délinquance et de violences…

Il existe une décorrélation entre la délinquance constatée par la police et l’insécurité. Ce qui se passe dans le centre-ville donne lieu à davantage de plaintes et de contrôles de police. En fait, la présence policière est plus importante que dans les quartiers périphériques. Donc statistiquement, il y a une concentration des infractions dans cet espace urbain. Dans les quartiers, il y a un trafic de drogue tous les jours à toute heure. Sauf que ce n’est pas toujours enregistré par la police.

La solution serait donc la police – davantage de maintien de l’ordre dans l’espace public, davantage de caméras de vidéosurveillance ou même l’armement de la police municipale ?

C’est tout ce que ceux qui véhiculent des thèmes d’insécurité ont à offrir. Armer la police municipale est plus symbolique pour la police que pour la population. Les policiers pensent qu’avec une arme, ils seront mieux protégés. Mais il s’agit là d’une sorte de tromperie, car la plupart des délinquants ne sont pas armés. Il faudrait plutôt débattre avec tous les acteurs – police nationale, municipale, gendarmerie, sécurité privée, etc. – sur l’organisation et la complémentarité pour gagner en efficacité. Quant à la vidéosurveillance, elle sécurise certains espaces publics comme le métro et les gares. Ils ont un rôle dissuasif. Mais ils nécessitent de disposer d’un poste de contrôle efficace et d’une capacité d’intervention rapide. Toutefois, cela ne résout pas les problèmes sous-jacents. Les gens sont rarement identifiables. Et le trafic se déplace hors de portée des caméras.

La ville de Rennes a été pionnière en infligeant des amendes aux fumeurs de cannabis en 2020. Cette approche répressive est-elle une solution pour régler les problèmes et les violences qui en découlent ?

Près de la moitié des incidents de délinquance sont liés au trafic, principalement de cannabis. Une des solutions, au contraire, est de dépénaliser le cannabis. La verbalisation donne l’impression que les politiques agissent, mais elle ne résout pas le problème de la consommation, notamment avec l’essor des technologies et des appareils comme « Uber Shit ». Au contraire, les faits se déplacent dans des espaces de plus en plus privés, moins accessibles à la police.

En matière de prévention, quels sont les leviers pour éviter que les jeunes ne tombent dans la drogue, le trafic et, à terme, la violence ?

Il faut sensibiliser les jeunes à l’école, dans les MJC. Il faut une approche en termes de santé publique, mais aussi sur les violences et les réseaux sociaux. Les jeunes sont de plus en plus confrontés au risque de harcèlement et d’agression. Le harcèlement sur les réseaux crée des violences offensantes chez ceux qui commettent ces actes. Et cela donne aux victimes l’impression que la violence est une solution.

 
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