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« Les microplastiques sont présents partout dans l’océan Atlantique »

Fabrice Amedeo est reparti pour l’Everest des mers. Le skipper angevin a pris le départ de son troisième Vendée Globe. Depuis plusieurs années, il associe ses courses à des campagnes océanographiques. Le 10 novembre, au départ de la plus grande course à la voile autour du monde, en solitaire, sans escale et sans assistance, il embarque un capteur microplastique en partenariat avec deux laboratoires de l’université de Bordeaux. Cela fait déjà cinq ans et quelques courses, dont le Vendée Globe 2020 abandonné au 40e rugissant, que des scientifiques de l’Unité Epoc (Environnement Océanique et Continental et Paléoenvironnements) et de l’Institut de Chimie et Biologie des Membranes et Nano-Objets (CBMN) sont associés au marin porteur de ce lourd investissement d’environ 200 000 euros.

Le capteur, placé sous la quille, est équipé de filtres de 300, 100 et 30 micromètres qui permettent de piéger des particules de plastique de différentes tailles et de les remonter dans le cockpit. Le tracé, certes tronqué en 2020, a permis aux chercheurs bordelais de réaliser un maillage très précis de l’océan Atlantique. Les chercheurs de l’Epoc, du CBMN et de l’Ifremer à Nantes peuvent désormais faire le point sur les avancées. Les 53 échantillons de 2020, de la taille d’un cheveu à celle d’un acarien invisible à l’œil nu, ont été analysés. Ils feront prochainement l’objet d’une publication scientifique.


Le skipper professionnel, ancien journaliste, Fabrice Amedeo est actuellement 35ème sur 40 marins engagés sur le Vendée Globe, direction le Cap de Bonne-Espérance.

SÉBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Fibres de cellulose

Le premier enseignement de cette enquête collective au long cours est que le plastique est partout, « plus les particules de plastique sont fines, plus elles sont abondantes ». Cela représente en moyenne une particule par mètre cube d’eau (1 000 litres) dans un filtre de 300 microns (µ), 7/m³ dans un filtre de 100 à 300 µ, 63/m³ dans un filtre de 30 à 100 µ. Pour Jérôme Cachot, enseignant-chercheur en écotoxicologie aquatique à Epoc, « nous avons émis l’hypothèse que l’on trouverait davantage de microplastiques près des côtes européennes de l’hémisphère Nord, plus pollué et plus développé, et près des gyres – ces grands tourbillons. l’eau de l’océan. En fait, c’est plus homogène. Il y a relativement peu de microplastiques mais on les trouve partout, même en haute mer. »

Une autre surprise se niche dans ces grands volumes d’eau salée filtrée. De nombreuses fibres de cellulose ont été identifiées, également dans des zones éloignées des côtes. Selon les chercheurs, ils proviennent des eaux usées rejetées par exemple par les industries textiles et papetières et peut-être même par les filtres de cigarettes. “Ces microfibres sont colorées, cette cellulose ne vient pas du bois mais de l’activité humaine, ce ne sont pas les mêmes polymères”, souligne Jérôme Cachot.


Jérôme Cachot, enseignant-chercheur en écotoxicologie aquatique à l’unité Epoc de l’Université de Bordeaux, travaille depuis cinq ans sur ce projet de recherche avec Fabrice Amedeo.

SG / SUD OUEST

« Il nous reste encore à échantillonner les océans Pacifique et Indien »

Objectif des mers du Sud

Les deux unités de recherche, sous la tutelle de Bordeaux INP, du CNRS et de l’Université de Bordeaux, suivent assidûment le parcours de leur skipper au service de la science. Ils placent leurs espoirs dans ces nouveaux filtres que le marin change chaque jour et qu’ils ont eux-mêmes apportés le 30 octobre dernier aux techniciens du bateau amarré au port des Sables-d’Olonne. « Il nous reste encore à échantillonner les océans Pacifique et Indien. Les mers du Sud nous intéressent particulièrement. Ce sont des lieux peu connus de la communauté scientifique car peu couverts par les campagnes océanographiques », explique le professeur. Et les navires commerciaux ne descendent pas en dessous de 35e parallèle sud.


Une partie de l’équipe de chercheurs de l’Université de Bordeaux a été accueillie sur l’Imoca Nexans – Wewise de Fabrice Amedeo au port des Sables-d’Olonne le 30 octobre 2024. Ici, Sophie Lecomte (CBMN) avec Jérôme Cachot et Bénédicte Morin (Epoc ).

Université de Bordeaux

L’Imoca de Fabrice Amedeo embarque également des flotteurs Argo, un capteur pour mesurer le CO2la salinité, la température des océans et un autre pour mesurer et cartographier la biodiversité marine à partir de l’ADN environnemental. « En Antarctique, l’eau est plus homogène car régie par un courant circumpolaire. Ces capteurs d’ADN environnemental peuvent permettre de détecter des espèces que l’on ne connaît pas. »

25 bénévoles

Fabrice Amedeo n’est pas le seul à avoir embarqué du matériel scientifique. Il y a 25 marins volontaires sur 40 dans cette édition du Vendée Globe. Ils collecteront et distribueront des données essentielles en temps réel aux scientifiques pour enrichir les connaissances mondiales sur le climat et les océans et améliorer les services opérationnels de prévisions météorologiques. Il s’agit de bouées de surface, de stations météorologiques, de flotteurs autonomes profileurs souterrains Argo de l’Ifremer, de bouées pédagogiques et de thermosalinographes. Les données collectées pendant et après la course, ainsi que les bouées déployées, alimenteront le Système mondial d’observation des océans coordonné par l’UNESCO.

 
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