Dépassés par les joueurs étrangers, les jeunes footballeurs suisses n’ont pas assez de temps de jeu en Super League et en Challenge League. Il faut remédier à ce problème pour le bien de la Nati, c’est pourquoi l’Association suisse de football (ASF) recherche activement des solutions, avec un leitmotiv: «La Suisse d’abord».
Sébastien Wendel
Depuis la mi-septembre, un sujet revient fréquemment dans les stades suisses et il concerne le manque de temps de jeu pour les jeunes talents, aussi bien en Super League qu’en Challenge League. Si la courbe ne s’inverse pas, cela aura un impact négatif sur l’équipe nationale dans quelques années. En d’autres termes, la participation régulière aux tournois internationaux est menacée.
Rien ne s’est amélioré depuis que la Fédération suisse de football a tiré la sonnette d’alarme il y a deux mois. Le temps de jeu des U21 stagne à un niveau inquiétant. On parle d’une moyenne de 1 000 minutes par jource qui ne représente pas 10% du temps total.
Le regard sur la Challenge League est particulièrement critique. Car depuis cette année, soutenir la relève peut rapporter gros aux clubs. Quiconque offrira un total de 6000 minutes sur la saison à des U21 de nationalité suisse recevra 50’000 francs. Un montant doublé si les joueurs atteignent 8 000 minutes. Ce qui reste dans la cagnotte à la fin de l’exercice sera finalement partagé entre toutes les équipes ayant affronté les jeunes pendant au moins 8 000 minutes.
Cette perspective d’enrichissement ne semble toutefois pas affecter les clubs. Ou du moins, ce n’est pas assez lucratif. Selon les pronostics actuels, seules trois équipes sur dix (Nyon, Schaffhouse, Wil) atteindront la barre des 6 000 minutes à la fin de la saison. Cela ne représente toutefois que 166 minutes par match, sachant que les talents suisses ne doivent pas nécessairement être titulaires.
Une stratégie à revoir
En interrogeant les dirigeants de plusieurs clubs de Challenge League, deux constats ressortent. D’une part, l’actuel trophée M21, récompensant les équipes les plus investies dans la formation, devrait se transformer en trophée M23. Parce que toute personne de plus de 21 ans reste jeune et peut toujours rejoindre un championnat étranger de haut niveau via la Super Leagueet donc potentiellement les rangs de la Nati. En effet, la pratique actuelle contredit le souhait exprimé par l’ASF, qui consiste à laisser la porte ouverte aux talents qui se révèlent tardivement.
L’entraîneur nyonnais Christophe Caschili est l’un des rares en Challenge League à donner du temps de jeu à ses jeunes joueurs.image : Clé de voûte
La ligue et la fédération devraient aussi s’effrayer des déclarations de plusieurs dirigeants qui affirment qu’ils feront appel à davantage de jeunes formés en Suisse, en fonction de l’avancée de la saison. Traduction : ce n’est que lorsque tout sera décidé et qu’il n’y aura plus aucun intérêt sportif (maintien assuré, aucune chance de monter) que les équipes s’intéresseront à ces joueurs, par pur intérêt financier. Les réalistes parlent du « principe de performance ». Les pessimistes notent le peu de crédit accordé à la prochaine génération, même si les subventions ne la rendent pas attractive.
Actuellement, un seul club de Super League (Lucerne) devrait atteindre les 6.000 minutes proposées aux jeunes. Le championnat de première division joue un rôle sur le marché mondial des transferts, l’effectif est naturellement international. Mais il existe de bonnes raisons d’encourager davantage de talents. Sur ce même marché des transferts, les professionnels suisses sont par exemple extrêmement sollicités.
Derrière les premières nations, seule la Croatie fournit plus de joueurs que la Suisse. Cela signifie de bons frais de transfert.
De l’extérieur, il est difficile de comprendre que les clubs suisses, qui investissent des millions dans la formation, n’offrent pratiquement pas d’espace à leurs jeunes. Cela est probablement dû au faible poids des responsables de la succession dans les instances décisionnelles des clubs.
Une course contre la montre
Il y a donc suffisamment de raisons pour initier un changement majeur, et surtout rapidement. Car oui, le temps presse. Un groupe composé de représentants de la fédération et des ligues, dont celles du niveau amateur, travaille depuis plusieurs semaines sur cette crise. Des propositions concrètes sont attendues pour le printemps prochain, afin de pouvoir être introduites dès la saison 2026/2027. Impossible d’aller plus vite, les adaptations du règlement doivent être approuvées en haut lieu par les assemblées.
Patrick Bruggmann, Marc Hottiger, Jean-Claude Donzé et Pierluigi Tami du côté de l’ASF, ainsi que David Degen, Sandro Burki et Silvano Lombardo pour les clubs et la ligue, élaborent donc des solutions et discutent des évolutions possibles, en relation proche de leur organe d’origine. Il semble désormais clair que l’accent sera mis sur la Challenge League. L’enjeu est de l’agrandir sans diluer son niveau.
Le passage à 20 équipes, réparties en deux groupes régionaux, comme l’a évoqué le directeur de l’équipe nationale Pierluigi Tami, n’est cependant pas une option.
Il est plus probable que les prix financiers changeront en fonction des clivages : seuls ceux qui promeuvent la « suisse » bénéficieront de l’argent. Patrick Bruggmann, directeur du développement à l’ASF, déclare : « Il n’y aura probablement pas plus d’argent. Il faut surtout le répartir différemment.»
Le responsable va encore plus loin et évoque un système d’amendes : « Chaque club est libre de composer son effectif comme bon lui semble. Mais la Challenge League en priorité, ainsi que la Super League, doivent être à la hauteur des centres de formation. Ceux qui préfèrent miser sur des joueurs étrangers pourraient contribuer à la prochaine génération sous forme de soutien financier.. En pratique, cela pourrait ressembler à ceci : GC, dont les propriétaires américains ne devraient pas s’inquiéter pour l’avenir de la Nati, versera au FC Lucerne une contribution pour ses efforts.
Patrick Bruggmann veut innover.Image : CLÉ DE CLÉ
Permettre aux joueurs issus de la formation suisse de jouer plus de minutes est donc la principale préoccupation de l’ASF à ce jour. Cependant, l’instance intervient ici directement dans le travail des clubs, qui restent logiquement sur la défensive. Ils souhaitent que la fédération aborde la crise de succession sous un autre angle et se demandent après tout si le faible temps alloué n’est pas simplement dû à la qualité des talents formés.
Patrick Bruggmann comprend les doutes exprimés par les clubs. Il souligne que les stratégies de formation sont également remises en question au sein de l’Association suisse de football. L’une des principales conclusions est que le soutien aux talents entre le monde junior et le monde professionnel doit être amélioré. Pour cela, un plan de développement individuel est nécessaire. C’est dans ce domaine que la fédération souhaite soutenir les clubs dans le futur.
Le dirigeant ajoute qu’il est essentiel que la succession soit organisée pour des raisons idéalistes et non monétaires. Les modèles à suivre se trouvent en Espagne, avec l’Athletic Bilbao et la Real Sociedad, qui s’appuient depuis des décennies sur une formation locale, et dans le cas de Bilbao, régionale.
Avec succès, puisque les Rojiblancos n’ont jamais été relégués et sont régulièrement invités en Coupe d’Europe.
L’ASF a déjà envisagé un voyage en Espagne, pour permettre aux directeurs sportifs des clubs professionnels suisses de comprendre le modèle développé par ces deux institutions, et de découvrir sur place ce qu’il faut pour qu’il y ait plus de « suissesse » en Super League et Challenge League. .
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