Le gouvernement Legault n’entend pas rire des possibles fuites d’information sur la modernisation du régime forestier. Chaque parti convoqué par Québec cet automne, dont la liste est tout aussi secrète, doit signer un accord de confidentialité d’une durée indéterminée et s’engager à détruire sur demande les documents gouvernementaux.
Le ministère des Richesses naturelles et des Forêts (MRNF) organise ces jours-ci une tournée de rencontres sur invitation. Ils surviennent au moment où la ministre Maïté Blanchette Vézina a promis d’adopter un projet de loi d’ici la fin du mandat actuel de la Coalition Avenir Québec (CAQ).
Selon un document gouvernemental dont Radio-Canada a obtenu copie, les présentes réunions vise à présenter certaines solutions possibles pour optimiser la gestion des forêts du Québec, notamment pour permettre l’adaptation aux changements climatiques et assurer la pérennité de la forêt
.
Ils suivent les tables de discussion sur l’avenir de la forêt, tenues l’hiver dernier. Québec vise à soumettre son projet de réforme au début de 2025.
Loin du public, Québec prépare un nouveau régime forestier.
Photo : iStock/nicooud79
Ultra-confidentiel
Pourtant, un épais secret entoure cette initiative ministérielle.
D’une part, le ministère refuse de révéler à qui il s’adresse. La liste des partenaires rencontrés reste confidentielle
indique le MRNF par email.
Selon nos informations, Québec limite chaque organisation à un ou deux représentants. Ils proviendraient notamment de l’industrie forestière, du secteur municipal, des groupes environnementaux et des Premières Nations.
En revanche, le gouvernement Legault ne souhaite pas partager les résultats de sa réflexion avec le grand public pour le moment. Les personnes consultées par Québec sont en effet tenues de signer un engagement strict de confidentialité.
Pour éviter les fuites médiatiques, chaque parti invité par le MRNF doit s’engager à ne pas communiquer les informations y afférentes et, le cas échéant, les documents partagés, à des tiers, de quelque manière que ce soit, sauf MRNFni même informer qui que ce soit de leur existence
peut-on lire dans le document que Radio-Canada a pu consulter.
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The Minister of Natural Resources and Forests, Maïté Blanchette Vézina (Archive photo)
Photo : La Presse Canadienne / Jacques Boissinot
Québec invite la population à tirer la sonnette d’alarme en cas de rupture de cet accord, et même à dénoncer les responsables. Ils doivent informer rapidement le MRNF par écrit de tout manquement aux engagements […] dont il est responsable, dont il peut avoir connaissance ou dont il a des doutes raisonnables quant à sa commission
.
Pas question non plus de conserver les documents qui leur seraient remis lors des réunions.
Ils doivent détruire les documents transmis ou remis avant, à l’occasion ou après la réunion et, le cas échéant, les informations y afférentes et s’assurer qu’il n’en reste aucune copie, sous quelque forme que ce soit, lors des échanges avec le MRNF sur leur contenu seront complétés ou sur demande.
Ces engagements ont une durée indéterminée, même si le ministère ou le ministre annonçait publiquement le contenu de la réforme.
De plus, [la personne signataire de l’entente] reconnaît que les engagements ci-dessus se poursuivront, même si les informations s’y rapportant et, le cas échéant, les documents partagés, sont rendus publics par le MRNF.
Ne ralentissez pas le processus
Selon diverses sources consultées par Radio-Canada, cette façon de faire du Québec viserait à faire gagner du temps aux MRNF et à la Ministre des Forêts dans sa réforme du régime forestier.
Selon un groupe invité à une rencontre avec des représentants du ministère cet automne, cet engagement viserait à éviter que l’information soit transmise au grand public et tombe entre les mains des médias.
Nous voulons éviter pour ralentir le processus
gouvernemental. On nous a dit qu’ils [les gens du ministère] voulait travailler sur le projet de loi plutôt que de répondre aux questions des journalistes
rapporte ce groupe. Des impressions similaires ont été confirmées par d’autres organisations contactées cette semaine.
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La forêt du Québec couvre une superficie de plus de 900 000 kilomètres carrés.
Photo : Radio-Canada
Le MRNF se défend.
Il dit surtout le faire parce que le contenu de la réforme est toujours une analyse
. Considérant qu’il pouvait encore évoluer ou se préciser à la suite des rencontres, le ministère des Richesses naturelles et des Forêts souhaite que les discussions tenues demeurent confidentielles
.
Le cabinet de la ministre Blanchette Vézina confirme pour sa part vouloir éviter d’éventuelles fuites. L’objectif est principalement d’éviter, à cette étape du processus, que les informations partagées lors des réunions spéciales sur la modernisation du régime forestier soient rendues publiques.
écrit son bureau.
Inhabituel
Ces pratiques semblent inhabituelles.
Nous condamnons l’idée de procéder ainsi avec des clauses de confidentialité. Ce n’est pas une approche qui a souvent été adoptée pour consulter les parties intéressées
déclare Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Canada (INSTANTANÉ Québec).
Son organisation a participé à une réunion avec le ministère et a signé l’accord de confidentialité. M. Branchaud déplore qu’il soit le seul moyen
obtenir le contenu de la réforme du régime forestier ; contenu sur lequel il ne pouvait évidemment pas commenter.
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Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Canada, section Québec
Photo: Radio-Canada / Laurent Boursier
Même son de cloche chez Nature Québec. Alice-Anne Simard, directrice générale de l’organisme, n’a pas l’habitude de voir ce type de document. Un document si strict
serait même une première.
Les gouvernements provincial et fédéral ont l’habitude de demander une certaine période de confidentialité la veille ou quelques jours avant une annonce, a-t-elle précisé, mais pas pour une durée indéterminée.
Elle doute qu’un tel accord puisse être applicable, surtout si Québec annonce publiquement le contenu du nouveau régime.
Les Premières Nations refusent de signer
Toutes les communautés des Premières Nations et inuites du Québec ont reçu une invitation à des rencontres privées du MRNF. De leur côté, l’accord de confidentialité n’a tout simplement pas été respecté. Réunissant un front unique, ils ont refusé de signer l’engagement.
Les différents conseils ont plaidé leur obligation de consulter leurs membres qui occupent le territoire.
Le Québec a accepté de faire une exception et tiendra quand même la rencontre avec les Premières Nations. L’accord de confidentialité n’est plus valable
» a confirmé l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
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Le caribou des bois est une espèce culturellement importante pour certaines communautés autochtones. Le régime forestier aura un impact sur son habitat et le taux de perturbation. (Photo d’archives)
Photo : Getty Images / Stan Tekiela Auteur / Naturaliste
Nous comprenons que les représentants des communautés et organisations autochtones qui participeront à la réunion souhaiteront partager un certain nombre d’informations au sein des conseils afin de jouer leur rôle de représentants.
indique le cabinet du ministre des Forêts à propos de cette exception.
L’objectif de l’entente n’était pas d’empêcher ce partage interne ou la circulation de l’information au sein des communes participantes.
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