Près d’un an après les meurtres de Daniel Langlois et Dominique Marchand, la poursuite ne semble toujours pas disposer des preuves nécessaires pour obtenir des condamnations.
Le 1er décembre 2023, les corps calcinés des deux Québécois ont été retrouvés dans leur véhicule le long d’un sentier montagneux de la Dominique, une île des Caraïbes.
Quelques jours plus tard, des accusations de meurtre ont été portées contre deux Américains, dont Jonathan Lehrer, propriétaire du domaine voisin de celui de Daniel Langlois.
Cette semaine, le plus haut tribunal de la Dominique a offert la libération sous caution à Jonathan Lehrer. Quinze conditions accompagnent cette offre, dont l’exigence que l’accusé renonce à sa citoyenneté américaine. En attendant, il reste en prison.
Cette décision, rédigée par le juge Colin Williams, offre un premier aperçu des preuves recueillies jusqu’à présent. Il s’agit d’une vision partielle, qui remet en cause la solidité de l’enquête.
Absence de témoin oculaire
Premier constat : les enquêteurs ne disposent pas de témoin visuel du crime. Et si des témoins étaient trouvés, leur existence n’était révélée ni au tribunal ni à la défense.
Cependant, l’enquêteur principal de l’affaire a déclaré sous serment au printemps dernier qu’il avait au moins un témoin oculaire direct, preuves circonstancielles et preuves scientifiques
pour justifier les accusations portées contre les deux Américains.
En avril, ce témoignage a été utilisé pour justifier le maintien en détention de l’accusé dans une prison près de Roseau, la capitale de la Dominique. Ces affirmations ont notamment été utilisées pour refuser une première demande de libération conditionnelle pour Jonathan Lehrer.
Les enquêteurs inscrits au dossier ont interrogé deux personnes. L’un d’eux prétend avoir entendu
des coups de feu et cris d’une voix féminine
à proximité de la propriété de Jonathan Lehrer.
L’autre accusé, Robert Snyder, aurait été vu par le deuxième témoin juste avant une forte explosion
.
Robert Snyder (à gauche) et Jonathan Lehrer, menottés, après leur comparution au tribunal de Roseau, le 6 décembre 2023
Photo : avec l’aimable autorisation
Aucun témoin a vu un acte illégal être commis
conclut le juge Williams avant d’ajouter que l’un d’eux n’a jamais identifié Jonathan Lehrer et que l’autre ne l’a vu que plusieurs heures après les meurtres.
Il est d’avis que les preuves révélées ne satisfont pas au seuil légal d’un témoin oculaire, et les preuves scientifiques que possède la police ne établissent pas non plus un lien positif
Jonathan Lehrer au crime qui lui est reproché.
Nicolia Wiles, la journaliste de la famille Lehrer, considère cette décision comme une confirmation de l’innocence de Jonathan Lehrer.
Nous voyons enfin que le commissaire adjoint de la police Jeffrey James s’est parjuré, qu’il a menti aux tribunaux et aux gens sur les preuves dont lui et l’accusation disposaient. Le juge a été très clair dans sa décision
déclare-t-il.
Juste des preuves circonstancielles ?
La décision jette également le doute sur les éléments physiques recueillis par les enquêteurs dans les 11 mois suivant la découverte des corps. Il existe une analyse ADN qui peut confirmer l’identité des victimes.
Cependant, fin octobre, la défense n’avait pas reçu aucune preuve photographique ou pathologique, aucune photo de la scène du crime
et aucun rapport médico-légal sur cette affaire.
L’enquêteur figurant au dossier indique que des preuves ont été recueillies, notamment des douilles d’obus et au moins une balle tirée. Ces éléments et échantillons prélevés ont été envoyés hors du pays pour analyse.
Toutefois, les résultats de ces analyses n’ont toujours pas été communiqués aux enquêteurs de la Dominique.
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Les corps de M. Langlois et de Mme Marchand ont été découverts dans l’épave calcinée de leur véhicule.
Photo : Nouvelles dominicaines en ligne
Nous avons révélé Tous [le matériel] en notre possession
a expliqué sous serment le commissaire de police par intérim.
Devant le tribunal, Jeffrey James a reconnu que son équipe n’avait pas respecté les différents délais imposés par le tribunal pour révéler les preuves et que l’américain croupit en prison alors que sa santé se détériore
.
Jonathan Lehrer craint de souffrir d’un cancer de la prostate et assure qu’une infection provoque des calculs rénaux. Il espère être soigné par des spécialistes en dehors de la Dominique, ce qu’il pourra faire s’il remplit de nombreuses conditions fixées cette semaine par le tribunal.
Cette semaine, le ministre de la Sécurité publique de la Dominique, Rayburn Blackmore, s’est déclaré opposé à la libération sous caution.
La famille de Daniel Langlois a quant à elle exprimé sa déception suite à cette décision.
La date du procès n’a toujours pas été fixée.
Les preuves circonstancielles dont dispose la police seraient-elles suffisantes pour obtenir des condamnations ? Le juge Williams rappelle que c’est un jury qui déterminera si cela suffit à condamner l’accusé.
Le magistrat se permet néanmoins de tirer une conclusion : Sur la base des preuves révélées
il écrit, la preuve semble favoriser
Jonathan professeur.
La prochaine audience est prévue le 10 décembre.
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