Après les avertissements de Moody’s et Fitch, l’agence de notation S&P dévoile vendredi sa nouvelle évaluation de la dette souveraine française, que le gouvernement tente de maintenir au prix de concessions sur le budget 2025.
La décision de S&P Global Ratings, attendue dans la soirée, intervient alors que le gouvernement minoritaire multiplie les compromis pour tenter d’échapper à une motion de censure, qui pourrait avoir lieu dès la semaine prochaine sur le budget de la Sécurité sociale et plonger selon l’exécutif. La France est dans une « tempête » économique et financière.
Après une baisse des retraites ou des cotisations patronales, le gouvernement a accepté de ne pas augmenter une taxe sur l’électricité au-delà de son niveau d’avant bouclier tarifaire, afin de satisfaire le Rassemblement national (RN) qui menace de s’allier à la gauche pour le renverser.
Malgré tout, le risque demeure. Le président du RN a tempéré cette « victoire » en soulignant que des « lignes rouges » subsistaient pour le parti d’extrême droite, notamment sur le remboursement des médicaments.
« L’instabilité politique va probablement perdurer encore un certain temps. Il serait légitime que S&P en prenne acte», a déclaré à l’AFP Charles-Henri Colombier, directeur économique de Rexecode.
« Le stress est important »
En mai, l’agence de notation américaine a abaissé d’un cran la note française, de « AA » à « AA- », avec perspective stable, réduisant ainsi les risques d’une nouvelle dégradation dans l’immédiat.
Désormais, “il serait surprenant de ne pas avoir d’action négative à l’égard de la France, avec au moins un passage à une perspective négative”, estime Norbert Gaillard, économiste et consultant indépendant, à l’AFP.
D’autant que, depuis la révision de la note au printemps, les « mauvaises nouvelles » se sont accumulées dans une France déjà lourdement endettée, figurant parmi les cancres européens, constate-t-il : dissolution de l’Assemblée nationale, nomination tardive du Premier ministre, dérapage du déficit public.
En octobre, Moody’s et Fitch ont maintenu la note française avec une perspective négative.
Norbert Gaillard évoque deux autres scénarios possibles : une nouvelle dégradation de la note ou sa mise sous surveillance négative (« rating watch ») pour signaler un « stress important » susceptible d’évoluer rapidement.
S&P accorderait alors un court sursis à la France avant d’ajuster sa note. “Pour prendre sa décision, l’agence attendrait le vote du budget, les mesures budgétaires et fiscales qu’il contient, et la tenue ou la chute du gouvernement.”
Une perspective négative aurait peu d’impact sur les coûts d’emprunt de la France. En revanche, une dégradation de la note ajouterait à l’effervescence déjà observée sur les marchés en raison du risque de censure gouvernementale, car elle passerait à une catégorie inférieure, considérée comme moins sûre par les grands investisseurs qui s’en détourneraient.
Une baisse de la demande « entraînerait mécaniquement une augmentation du taux de rendement », explique dans une note Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management.
« Attention aux concessions »
Dans ce contexte explosif, Michel Barnier a voulu rassurer. Malgré les “ajustements” apportés au projet de budget, qui prévoyait initialement 60 milliards d’euros d’effort en 2025, le Premier ministre a assuré jeudi qu’il faisait “tout pour rester autour de 5%” de déficit public par rapport au produit intérieur brut ( PIB), contre 6,1% attendu en 2024.
Face à l’incertitude politique qui perdure depuis la dissolution, les marchés semblent agités.
Après avoir atteint un pic depuis 2012 en début de semaine, l’écart entre les taux souverains français à 10 ans et ceux de l’Allemagne, considérée comme une valeur refuge en Europe, s’est légèrement resserré après l’annonce concernant les prix de l’électricité.
«Le marché regarde moins l’aspect politique que le moment estimé pour mettre en œuvre les premières mesures d’effort budgétaire. Une concession rapproche le calendrier, donc elle est perçue positivement», explique à l’AFP Alexandre Baradez, chef du budget. analyse de marché chez IG France.
Mais “attention aux concessions”, ajoute-t-il : la France peut toujours être sanctionnée sur le marché obligataire “si trop de concessions sont faites par calcul politique au détriment de l’efficacité des mesures”.
Le taux d’emprunt de la France est supérieur à ceux de l’Espagne et du Portugal, et pour la première fois mercredi, il a brièvement dépassé celui de la Grèce, pays qui avait frôlé la faillite.
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