Vous étiez en charge de la mise en place du nouveau cadre de vie lors de la tournée de novembre. Comment avez-vous abordé cette mission ?
Si je dois revenir sur la genèse de tout cela, et expliquer les responsabilités actuelles, je voudrais rappeler que la presse annonçait il y a un an, presque jour pour jour, que je n’étais plus manager des Bleus. Ce qui n’est tout simplement pas vrai : depuis janvier 2020, j’ai toujours été avec l’équipe. Sauf en Argentine cet été (1). Mais le moment clé de cette mission n’est pas là : il faut remonter à la Coupe du Monde 2023. La tournée en Argentine n’a fait qu’accélérer une réflexion globale sur la volonté de repenser notre performance en vue de la Coupe du Monde 2027. Cela a donné lieu à une profonde réflexion de la part de tous les acteurs du rugby français lors des Etats généraux. Puis en interne, au niveau de la FFR, avec la commission haute performance. Dans ce contexte, chaque manager des équipes françaises avait la responsabilité de participer à sa mise en œuvre.
Si vous étiez encore manager, Jean-Marc Lhermet et Fabien Galthié expliquaient encore à l’époque que votre rôle serait plus transversal et moins en contact direct avec les Bleus…
Je ne suis pas sûr que ce soient les termes exacts. Ce qui est sûr, c’est que j’ai toujours été dans l’équipe depuis 2020. Même si, évidemment, j’ai dû assumer des missions plus transversales avec les autres équipes françaises. C’est une évolution souhaitée pour la direction que j’entends prendre.
Comment avez-vous accueilli cette réévaluation de vos missions alors que vous aviez prolongé jusqu’en 2028 ?
Avec une grande sérénité et le sens du devoir. Au niveau de toutes les équipes de France, on peut aller chercher des richesses auprès d’autres équipes qui pourront ensuite être réparties au niveau du XV de France. C’est une manière de renforcer notre identité.
« La Coupe du monde 2023 nous a permis de réévaluer les positions de chacun. Je n’ai aucun problème avec Fabien ! »
Ce qui a peut-être alimenté cette perception, c’est aussi que vous n’êtes plus présent lors des conférences de presse d’avant-match aux côtés de Fabien Galthié alors que vous l’aviez systématiquement été entre 2020 et la Coupe du monde…
Tout a été pensé à ce niveau. Sauf situation managériale majeure, ma présence n’est pas nécessaire. De la même manière, dans la « coach box » (NDLR : où siège le staff), c’est la place des techniciens autour de Fabien : je suis très à l’aise avec ça.
Vous avez noué une sorte de partenariat avec Fabien Galthié depuis 2020 : n’y a-t-il pas eu de désaccords ?
La Coupe du monde 2023 a permis de réévaluer les positions de chacun. Je n’ai aucun problème avec Fabien ! Nous nous connaissons depuis 30 ans. Nous avons la même mission : faire briller le XV de France.
Vous n’étiez pas aux côtés des Bleus en Argentine comme vous le soulignez : votre présence aurait-elle changé quelque chose ?
Il est impossible de répondre à cette question. Ce qui s’est passé a fait l’actualité : c’est regrettable. Je sais juste que personne ne veut revivre ça.
Compte tenu du mode de fonctionnement que vous avez eu entre 2020 et 2023, où la vie de groupe était régie par un contrat de confiance, que vous inspirent ces dérives ?
Je prends un grand recul : ne comptez pas sur moi pour porter un regard accusateur sur l’actualité de Mendoza. Il y a des joueurs qui sont restés en prison, il y a des choses qui ont abîmé l’image de l’équipe de France. Mais je le répète, ces événements n’ont fait qu’accélérer notre volonté de repenser notre performance : le point d’entrée est notre très douloureuse élimination contre l’Afrique du Sud lors du Mondial 2023.
Le staff du XV de France n’a pas découvert avec cette élimination que l’alcool n’aidait pas à la récupération…
Oui. Mais aujourd’hui, tout va plus vite. Tout est question d’équilibre et de bon sens. Je tiens aussi à préciser que ces quatre semaines de vie commune se sont soldées par trois matchs gagnés (NDLR : contre le Japon, la Nouvelle-Zélande et l’Argentine). Pour moi, cette tournée est une tournée de réunification et de réhabilitation. Cela nous ouvre des perspectives très encourageantes par rapport à ce plan de performance renforcée.
La charte ne se limite pas à cela, mais la question de l’alcool a été largement commentée. Concrètement, comment avez-vous géré cela ?
Nous suivons les principes de la charte. La décision d’interdire la bière dans les vestiaires est avant tout symbolique. De manière générale, la question de l’alcool n’est pas centrale : on n’en fait pas une obsession. Le bon sens et l’autodiscipline ont été utilisés. Au niveau international, il faut tenir compte de l’intensité des matchs et de la régénération. Mais cela ne nous empêche pas de respecter notre propre culture. Tout a été négocié avec les joueurs. Nous souhaitons à certains moments : la liberté des joueurs lors des temps « off », la participation des familles lors des moments de ressourcement ou de convivialité. En fait, il y a beaucoup de liberté dans le cadre.
N’avez-vous pas eu de rappels à faire lors de cette tournée ?
Non, il n’y a pas eu de débordement. En tout cas, cette question donne une connotation autoritaire qui ne me convient pas. Je suis issu de la culture rugby de notre Sud-Ouest : j’ai grandi aux ferias de Dax. Mais si l’on veut « rivaliser » avec les meilleurs en vue de 2027, il faut se rendre compte qu’il y a un temps pour tout. Je voudrais aussi rejeter cette image du rugbyman comme dangereux pour la société.
J’ai en tête plusieurs exemples que j’ai observés lors d’opérations. A l’occasion d’un dîner de gala au profit d’un fonds de dotation visant à renforcer la pratique du rugby dans les quartiers, les joueurs se sont directement impliqués. Et quand je vois un Baptiste Serin, qui ce soir-là vient d’apprendre qu’il sera hors du groupe contre le Japon, donner peu de conseils à une jeune femme atteinte d’un cancer du sein parce qu’elle est stressée avant de prendre la parole en public, je me dis qu’on est loin de l’image qu’on donne aux rugbymen depuis plusieurs mois. Je pourrais aussi parler d’Antoine Dupont qui est pourtant sur-sollicité. Ces joueurs sont des gentlemen.
(1) En fin de soirée après le premier test, Oscar Jegou et Hugo Auradou ont été mis en examen pour viols avec violences en réunion pour faits présumés en date du 7 juillet : la demande de non-lieu a été mise en œuvre. volontaire.
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