« La France n’est pas la Grèce. » Invité exceptionnel du Sommet économique de Défis ce jeudi matin, en pleine turpitude budgétaire, le ministre de l’Économie, Antoine Armand, s’est livré à un exercice périlleux pour défendre le projet de loi de finances 2025 du gouvernement. Face à lui, Yann Le Pallec, président de Standard & Poor’s. L’agence de notation doit se pencher sur la dette française ce 29 novembre, alors que les marchés financiers sont nerveux et que la France emprunte désormais aussi cher que la Grèce. L’ancien haut fonctionnaire Augustin de Romanet, président du groupe aéroportuaire ADP et de Paris Europlace, qui regroupe les grands investisseurs et émetteurs de la place, complétait le panel.
La menace de dégradation
Avant l’arrivée du ministre, Yann Le Pallec a rappelé les raisons pour lesquelles son agence avait déjà dégradé, le 31 mai, la note de la dette française de AA à AA-, soit trois crans en dessous de celle de l’Allemagne. (AAA). La France se retrouve ainsi aux côtés de la République tchèque et de la Slovénie. Pas très brillant. « Nous avions prévu une réduction de la dette publique en dessous de 110 % du PIB et un déficit restant autour de 3,5 % d’ici 2027. Cependant, il était clair que la dette n’allait pas diminuer et que le déficit était bien au-dessus de ce qui avait été prévu. en 2023, à 5,5%, ce qui justifie la dégradation. »
Depuis, Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée et le gouvernement Barnier a laissé glisser les comptes 2024 pour concentrer ses efforts sur le budget 2025. Nous avons publié un commentaire disant que cela ne change rien mais qu’il sera plus compliqué d’avoir un consensus pour adopter le budget”euphémisé Yann Le Pallec. Le déficit devrait désormais dépasser les 6 % cette année et l’exécutif peine à imposer un effort de relance de 60 milliards d’euros pour l’année prochaine. S&P pourrait placer la France sous « perspective négative » mais ne devrait pas abaisser à nouveau sa note avant l’issue des discussions budgétaires au Parlement.
Relance budgétaire selon Antoine Armand
Face à cette menace, Antoine Armand a tenté de rassurer ses interlocuteurs sur le sérieux budgétaire du gouvernement, tout en défendant coûte que coûte la doctrine macroniste. Il a rappelé que la France avait le taux de dépenses publiques et d’impôts obligatoires le plus élevé de l’Union européenne et que toute personne raisonnable devrait s’efforcer de réduire les deux. « Si nous cédons systématiquement à la réduction des dépenses, nous n’y parviendrons pas (…) C’est justement parce que nous nous attaquons aux dépenses de sécurité sociale, aux dépenses d’assurance maladie, au mode de vie de l’État, à l’emploi public, que nous ne sommes pas dans la « graisse » (« Grèce »), mais dans le « muscle »».
Il a appelé à ne pas s’opposer à la réduction des dépenses et à la croissance économique, « parce que si nous ne réduisons pas nos déficits aujourd’hui, les premières victimes seront les entreprises »qui auront du mal à se financer, à recruter et à exporter. « Pour financer le modèle social français, il faut plus d’heures travaillées, de chiffre d’affaires dans les entreprises, d’exportations, il faut remettre le cap sur la production. »
Il s’est d’ailleurs félicité que la Commission européenne ait plus ou moins « validé », le 26 novembre, le projet de budget initial du gouvernement et sa trajectoire de redressement des comptes, ce qui repousse encore le début du désendettement à 2028 et passe en dessous de 3. % d’ici 2029. « Une fois n’est pas l’habitude, on fait l’effort le plus difficile au début »a-t-il souligné, soulignant le “crédibilité” du plan français.
Un manque de sérieux historique
Ancien membre de la Commission Arthuis 2021 sur l’avenir des finances publiques, Augustin de Romanet a tenu à rappeler l’importance du respect des objectifs. « A la Commission, il y avait des étrangers qui disaient, sur le fond, que les trajectoires des finances publiques françaises ne sont pas très crédibles et que notre pays a une très mauvaise réputation. Les objectifs intégrés dans les programmes de stabilité de la France de 2015 à 2019 n’ont été atteints qu’une seule fois, alors qu’ils l’ont été chaque année en Allemagne. » D’où la suggestion du patron d’ADP au ministre, inspirée par le rapport Arthuis, de créer un nouvel organisme de surveillance budgétaire indépendant.
«C’est une aide au ministre car un ministre des Finances, c’est quelqu’un qui est crucifié en permanence. On passe tout le temps à lui demander des dépenses et il n’a pas en quelque sorte de barre de rappel. Moi, en tant qu’entreprise cotée en bourse, quand j’ai des gens qui me demandent des dépenses supplémentaires, je dis arrête là. J’ai des actionnaires minoritaires qui ne veulent pas que mes comptes dépassent ce que j’ai annoncé. »
Et Augustin de Romanet proposait une « Conseil constitutionnel » des finances publiques, qui produirait des prévisions indépendantes et surveillerait l’exécution des trajectoires.
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