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Les secrets d’un camp militaire légendaire. La Courtine fête ses 120 ans

Ce n’est pas le plus connu, mais c’est néanmoins l’un des camps militaires les plus importants de . Inaugurée en 1904, La Courtine a vu l’histoire de France et au-delà. Pétain et le général de Gaulle y sont passés, les troupes étrangères y sont restées. Une histoire riche et inattendue.

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Trois ans après sa création, le camp de La Courtine est officiellement inauguré le 6 août 1904. Cet immense camp, étendu sur 7 000 hectares (6 300 aujourd’hui) est situé sur le plateau de Millevaches, au sud de la Creuse.

Il offre alors un confort d’époque, de grandes capacités d’hébergement, des casernes permanentes, des cuisines et un service de santé. Au début du XXe siècle, avant sa création, il n’existait qu’un seul centre de formation en France, à Chalons (Marne). La Courtine devient le plus grand centre bâti de France.

Il faut imaginer un « terrain de jeu » avec des paysages presque lunaires, des landes à perte de vue avant les espaces boisés que l’on connaît aujourd’hui. Il faut aussi imaginer le bruit des tirs et des essais de bombes. Enfin, le son du ballet des trains militaires et de voyageurs. Le dernier a quitté la gare en 1988.

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Le camp de La Courtine entraîne de jeunes soldats, ici à la mitrailleuse.

© © Paul Colmar

Le camp a pris racine dans le contexte de la défaite de 1870 contre la Prusse. Il a été conçu avec l’ambition de moderniser notre armée. Dès son ouverture, les débuts de la guerre 1914-1918 en font une base arrière importante. Un centre d’instruction pour préparer les hommes au front. Le camp continue de s’agrandir et les travaux durent jusqu’en 1913. Lorsque la guerre éclate un an plus tard, La Courtine devient un camp de détention. Puis internement des officiers allemands capturés.

Au cœur de la Première Guerre mondiale, entre 40 et 50 000 soldats russes sont engagés aux côtés de la France grâce à un accord conclu début 1916. Mais lorsque la Révolution éclate en février 1917, bon nombre d’entre eux souhaitent rentrer chez eux. de participer. Le vent de liberté insufflé par le gouvernement provisoire les pousse à remettre en cause l’autorité de leur hiérarchie. Ils ne veulent plus combattre en France.

Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est l’offensive « Nivelle ». La première brigade russe est décimée lors de l’opération Chemin des Dames. 5 000 Russes ont perdu la vie, 30 000 Français. Les militaires souhaitent plus que tout rentrer chez eux pour jouir de la relative liberté récemment acquise.

L’option du renvoi des mutins russes n’a pas été retenue par les autorités françaises qui souhaitaient mettre en œuvre l’accord conclu avec leur allié. Les soldats doivent se battre. D’autant qu’ils sont perçus comme des militaires radicalisés. La France déplace donc les Russes à plusieurs centaines de kilomètres du front, vers la zone arrière, pour leur ramener l’ordre et la discipline, loin des grands centres.

Le 26 juin 1917, 136 officiers et 10 300 hommes armés du corps expéditionnaire russe débarquent au sud de la Creuse pour passer l’été 1917 dans le camp. Où résident déjà les prisonniers de guerre. Pendant 3 mois, les Russes ont fait valser les habitants de la ville de 1 500 habitants.

Mon arrière-grand-père était musicien, il jouait de l’accordéon. Avec son petit groupe de 5 personnes, ils chantaient tous. Ils allaient de ferme en ferme pour essayer de trouver du travail. Il a été embauché dans une ferme en tant qu’agriculteur. Et c’est là qu’il a rencontré mon arrière-grand-mère et l’a épousée un an après son arrivée au village.

Didier Yazlovetsky Cerf, descendant d’un soldat russe

Au total, 16 500 Russes resteront en Creuse. Ceux que l’on appelle les mutins de La Courtine divisent. Certains veulent se rendre lorsque le commandement russe et l’armée française font pression sur eux pour qu’ils capitulent. D’autres non.

Ceux qui étaient alliés, voire amis la veille, se déchirent. Bilan : 3 jours de bombardements, 9 morts et 49 blessés. Les deux brigades réfractaires sont dissoutes. Les rescapés doivent choisir entre « retourner au front ou rejoindre des entreprises de travail à l’arrière, sinon ce sera la déportation vers l’Algérie », explique Éric Molodtzoff, petit-fils d’un soldat russe.

Lire aussi : “Pour ne pas oublier les mutins de La Courtine”

« Quoi qu’il en soit, les morts de La Courtine sont des morts sans nom, sans identité, des morts qui ont pourtant participé à la guerre aux côtés des soldats français », écrit Pascal Plas, directeur de la Chaire d’excellence en gestion. de conflit et post-conflit à l’Université de Limoges.

Après la Seconde Guerre mondiale, où une unité de parachutistes allemands fut créée en 1942, d’autres étrangers arrivèrent en Creuse. Cette fois, ils sont alliés. En raison du manque de place en Hollande, les conscrits des Pays-Bas sont venus y faire leur service militaire en 1959-1964.

Un convoi de 1 200 véhicules long de 40 kilomètres traverse alors la France. 6 000 hommes étaient présents sur le camp en même temps. Imaginez, il n’y avait que 1 700 habitants dans le village à cette période.

Nous disposons de 3 000 places pour une compagnie d’infanterie et tout son soutien.

Le lieutenant-colonel Jean-Jacques, chef de détachement du camp de Courtine, en 2015

Plus près de nous, en 2015, 800 hommes du 17e Régiment d’infanterie néerlandais sont venus à La Courtine en hommage aux (jeunes) vétérans. Ces troupes de la 13e Brigade blindée légère néerlandaise ont pu s’entraîner et redonner vie à ce qui était devenu une habitude. Des liens forts entre nos deux pays salués par la reine Juliana elle-même, venue en personne dans la Creuse aux grandes heures.

Durant l’été russe 1917 comme lors de la présence hollandaise, le village accroît son activité. Dans les archives de l’INA, notamment dans le tournage de l’émission Cinq colonnes sur la Une en 1959, on peut voir les enfants du village offrir des fleurs aux soldats hollandais. Qui dansent dans les bars et s’amusent avec le patron.

Le commerce était florissant pendant la journée, mais on ne peut manquer de mentionner la vie nocturne. Dans la Creuse, on répète une phrase devenue culte : « Si tu vas à La Courtine, fais attention à ta bite. »

Avant même la création du camp, une maison dite de tolérance y fut créée au milieu du XIXème siècle pour lutter contre la prostitution clandestine. La Courtine était alors un lieu de garnison.

L’historien Romain Petit, professeur d’histoire, expliquait lors d’une conférence donnée dans la Creuse en 2017 que ces maisons avaient été surpeuplées pendant la Première Guerre mondiale et dans l’entre-deux-guerres avant d’être abandonnées à la prostitution clandestine. cafés.

Aujourd’hui, le camp fonctionne toujours. Il a obtenu son autonomie en 2017. Sur le site du ministère des Armées, le camp est présenté comme un site à « situation géographique avantageuse ». « Il a évolué pour répondre aux besoins contemporains de l’armée, notamment en matière de drones et de soutien aux opérations extérieures. »

Une équipe de France 3 Limousin a pu suivre des entraînements commandos venus de toute la France en janvier 2023 à La Courtine. Un exercice de 96 heures, dans la neige (le site culmine à 800 mètres d’altitude). Des conditions quasi réelles qui font écho à la guerre en Ukraine.

L’actualité nous montre qu’il existe un certain nombre de compétences sur lesquelles il faut travailler. Notamment des unités lourdes, blindées et mécanisées pour préparer leur engagement.

Valentin Seiler, commandant des centres de formation de l’armée

Le site de La Courtine est conçu spécifiquement pour le séjour de grandes unités d’infanterie. Ces unités parfaitement autonomes profitent des nombreux champs de tir. Des aménagements ont été réalisés pour doubler la superficie du village de combat existant : Saint-Maurice, du nom du saint patron de l’infanterie. Cent dix maisons offrent de réelles conditions pour travailler le combat en zone urbaine (un module d’acquisition d’un savoir-faire tactique dans le jargon) et les grandes manœuvres.

Et dans la campagne environnante, plusieurs sites réunissent toutes les conditions : forêt, lande, passages à gué. Des qualités déjà mises en avant au début du XXe siècle. Le camp propose également une zone de largage pour les unités de parachutistes.

Et ce n’est pas tout, le son et l’image viendront très prochainement s’ajouter aux dispositifs existants pour créer des conditions de stress et se rapprocher encore plus des conditions réelles. Un chantier pour accueillir les hélicoptères arrivera très prochainement.

Certes, la fréquentation du camp n’est plus celle d’antan. Mais plus de 300 personnes occupent toujours le site en permanence, dont 154 personnels civils, selon le ministère des Armées. Auxquels s’ajoutent les visiteurs d’une journée ou d’un séjour : entre 500 et 2 000 militaires viennent s’y entraîner chaque jour.

 
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