Jusqu’au dernier moment, la localisation est restée confidentielle. Cela n’a pas empêché un adjoint au maire de la petite ville de Couflens (Ariège) et des opposants de venir perturber la présentation à la presse du projet de l’entreprise NeoMetal, un soir de novembre dernier, dans des locaux de Foix. Pour rappel, cette dernière souhaite relancer l’extraction du tungstène dans les Pyrénées, exploité dans une mine de Couflens jusqu’en 1986.
« En septembre, les porteurs du projet ont été reçus avec certains élus locaux au conseil départemental pour présenter leur projet. Nous n’avons pas été invités même si nous sommes les premiers concernés. Nous avons appris cette rencontre dans la presse “, sur Jacques Renoud, premier adjoint au maire de Couflens et co-président de l’association Stop Mine Salau.
Mine de tungstène en Ariège : les porteurs de projets sortent du silence
Concrètement, NeoMetal tente d’obtenir, auprès des services de l’Etat, un Permis Exclusif de Recherche Minière (PERM). Ce précieux sésame lui permettrait de sonder les sols sur une superficie de plus de 100 kilomètres carrés pour en évaluer les ressources potentielles. Le tungstène est un minéral particulièrement apprécié dans les secteurs de la défense, de l’aéronautique, du spatial et de la construction de machines industrielles.
Plus au nord, dans le Morbihan, la société Breizh Ressources est née à l’été 2023 avec cette ambition : rechercher particulièrement des réserves de lithium, d’or et de terres rares dans les sols bretons. Localement, là encore, la contestation est vive.
« J’ai été informé de ce projet en janvier 2024 par l’envoi d’un dossier par WeTransfer de la préfecture, pour une demande de PERM déposée en juillet 2023. La quasi-totalité de nos 4 0000 hectares sont concernés par ce permis, et trois autres communes le sont. concerné. Mais dans le code minier actuel, les communes n’ont à aucun moment leur place (…). Malgré le vote contre cette initiative par les quatre conseils municipaux, le projet avance. On a le sentiment de perdre le contrôle», s’inquiète Élodie Le Floch, la maire de Kervignac.
Une réforme attendue
Une enquête publique a été menée en juillet, mais la commune n’est pas informée de l’avancée du dossier, précise l’édile. De ce fait, son conseil municipal a voté il y a quelques jours l’interdiction – par décret – des prélèvements sur ses sols communaux. Preuve que le sujet prend de l’ampleur dans les territoires, le congrès des maires, qui s’est tenu récemment à Paris, a inscrit pour la première fois à son programme depuis une trentaine d’années une séquence dédiée à l’industrie minière.
« Les nouvelles formes d’exploitation minière, un enjeu pour les communes », tel est le débat qui a réuni plusieurs dizaines d’élus locaux pendant près de deux heures dans une salle du Parc des Expositions, porte de Versailles.
« Nous voyons émerger plusieurs demandes de PERM partout dans le pays. Il existe des possibilités de nouvelles mines en Bretagne, dans le Massif Central et dans les Pyrénées. Aussi, dans le Nord-Pas-de-Calais, le gaz de mine commence à être exploité. En Lorraine, il existe des permis de recherche autour de l’hydrogène naturel appelé hydrogène blanc. Ce sont des atouts considérables pour nos territoires et le pays », commente Jean-Pierre Kucheida, président de l’Association des Communes Minières.
En France, le rapport de Philippe Varin, remis à Emmanuel Macron en 2022, alerte sur la dépendance totale à l’extérieur pour ses approvisionnements en métaux nécessaires à la transition énergétique. Depuis, l’Europe a approuvé la loi sur les matières premières critiques. L’objectif ? Que le Vieux Continent puisse extraire au moins 10 % des métaux qu’il consomme d’ici 2030.
Métaux critiques, terres rares : pourquoi Pékin fait peur à l’Europe
Par ailleurs, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui a largement soutenu l’Afrique ces dernières années dans le développement de son industrie minière, réalise une nouvelle cartographie du sous-sol français afin d’en évaluer le potentiel.
« Nous ne connaissons pas bien notre sous-sol. Depuis 40 ans, cela ne nous intéresse plus. De plus, nous recherchions auparavant 22 éléments, maintenant nous parlons de 55 minéraux stratégiques », explique Christophe Poinssot, le directeur général adjoint du BRGM. Enfin, la récente loi sur l’industrie verte a légèrement réformé le code minier.
« Ce code minier ne prend pas en compte ce que vivent les territoires miniers (…). Elle doit être fondamentalement réformée, tout comme l’industrie minière doit bénéficier d’une fiscalité fondamentalement différente. La redevance minière est obsolète et date d’autrefois. Cela met en difficulté les territoires miniers français, dont la majorité sont classés parmi les territoires les plus pauvres de France », argumente celui qui fut maire et député socialiste du Pas-de-Calais.
Post-mine difficile à gérer
Qu’en est-il des communes possédant d’anciennes mines ? Ils ne cachent pas non plus leur désarroi, et portent un message unique : « Fermons le passé avant de penser au futur « . Par exemple, leLa mine de sel et ses 300 kilomètres de galeries exploitées près de Varangéville, près de Nancy, est au cœur d’un imbroglio juridique entre la municipalité et l’État.
« Depuis 23 ans, l’État refuse de nous autoriser à construire des logements autour de la mine par crainte d’un effondrement. Nous avons commandé des études indépendantes qui excluent ce risque. Un lotissement de 80 logements a été bloqué et un promoteur immobilier a fait faillite. Au fil des années, nous sommes passés de 4 300 habitants à 3 600. Cela nous a poussé à poursuivre l’État devant le tribunal administratif, ce que nous avons obtenu. Nous venons de délivrer le premier permis de construire dans la zone auparavant réglementée», déclare le maire des Républicains Christopher Varin.
L’édile espère que son expérience permettra d’adapter la législation pour éviter le dépeuplement des municipalités qui pourraient accueillir de nouvelles mines dans les années à venir. Pour d’autres, c’est une question d’image.
« Nous avons une multitude d’associations environnementales qui soulignent les effets néfastes de l’après-mine sur l’environnement. On se retrouve étiqueté comme une ville où l’eau est impropre à la consommation, c’est terrible », témoigne le maire de Salsigne (Aude), Stéphane Barthas, qui souhaiterait que l’État se charge de l’assainissement de la mine d’or dont l’exploitation a été arrêtée en 2004.
« Nous n’avons toujours pas fini de gérer notre après-mine malgré un arrêt des opérations en 1990. Nous avons toutes ces agences d’état comme l’ARS ou la DREAL qui bloquent nos projets de reconversion pour des raisons de santé publique. et en même temps l’État nous demande de redémarrer les mines. Il est schizophrène ! », s’agace Yannick Simon, le maire de Cabasse sur Issole (Var). Ces nombreux maires demandent à l’État de clôturer totalement ce vieux chapitre minier français, avant d’en ouvrir un nouveau.
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