Le blocage du terminal pétrolier Valero à Montréal-Est en 2022 était nécessaire compte tenu de la gravité de la crise climatique, ont soutenu la semaine dernière les militants accusés de ce geste de désobéissance civile lors de leur procès, braquant les projecteurs sur les politiques climatiques à l’heure où la COP29 se déroule. le climat se dirigeait vers l’échec.
La présentation des preuves et des témoignages s’est terminée vendredi, après cinq jours de procès, devant une petite salle bondée de la cour municipale de Montréal où une quarantaine de personnes s’entassaient, épaule contre épaule.
Dix militants du collectif écologiste Antigone sont accusés d’effraction et de méfaits pour s’être attachés aux infrastructures montréalaises de la compagnie pétrolière américaine Valero, en octobre 2022, forçant ainsi l’arrêt de 24 heures de l’oléoduc 9B d’Enbridge, dont ils ont exigé la fermeture définitive1.
Parmi les accusés figurent Jacob Pirro et Olivier Huard, longuement détenus en octobre dernier après avoir escaladé le pont Jacques-Cartier pour dénoncer « le manque d’action concrète » des gouvernements face à l’urgence climatique.2.
Défense de la « nécessité »
Les accusés ont reconnu avoir commis les actes qui leur sont reprochés, mais ont plaidé non coupables, affirmant avoir agi par nécessité.
Cette défense, rarement utilisée au Québec dans un dossier environnemental, doit répondre à trois critères précis pour être recevable, explique l’avocat en droit criminel et environnemental Merlin Voghel, qui ne participe pas au procès.
L’accusé doit démontrer qu’il y avait une urgence d’agir pour éviter une situation de danger imprévisible et imminent, qu’il n’existait pas d’autre solution raisonnable et légale, et qu’il y a proportionnalité entre le préjudice causé et le mal évité, énumère-t-il.
« Le critère de l’imminence est très intéressant, car on peut s’interroger [la façon de l’appliquer] au changement climatique, surtout quand on sait que la Cour suprême a déjà qualifié le changement climatique de menace existentielle pour l’humanité », déclare M.e Vogel.
Les gestes de désobéissance civile ont permis de faire évoluer le droit, de changer les lois, rappelle l’avocat, citant le fameux cas de D.r Henry Morgentaler, qui a pratiqué illégalement des avortements et a mené à la légalisation de cette pratique au Canada.
Il ne faut pas reléguer la désobéissance au rang de la malveillance.
M.e Merlin Voghel
Même si le public désapprouve généralement la désobéissance civile, elle sensibilise néanmoins et accroît le soutien à des actions et à des organisations plus modérées, a expliqué Angela Carter, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en gouvernance et politiques, lors du procès. sur les questions d’énergie équitable et professeur de sciences politiques à l’Université Memorial de Terre-Neuve, qui a agi à titre de témoin expert pour la défense.
« La littérature indique que les manifestations perturbatrices contribuent à provoquer un changement politique. […] qui contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le monde », a déclaré M.moi Charretier.
Les politiques climatiques « sur le banc des accusés »
En tentant de démontrer la nécessité de leur action, les 10 militants écologistes mettent aussi « sur le banc des accusés » les politiques climatiques canadiennes, estime le professeur au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal Éric Pineault, chercheur associé à la Chaire de recherche en transition écologique. .
Celles-ci n’ont pas réussi depuis deux décennies à freiner la croissance des émissions du secteur pétrolier et gazier, illustre-t-il, jugeant « ironique » que le procès des 10 militants se tienne alors que la COP29 se dirige vers l’échec.
«Nos politiques climatiques risquent de conduire à une planète inhabitable, trois degrés plus chaude qu’avant la révolution industrielle», rappelle M. Pineault.
Le professeur accuse l’industrie des hydrocarbures, passée maître dans le « processus de capture et de détournement » du débat politique sur les questions climatiques, un argument également évoqué au procès par le professeur Carter.
Le poids de l’industrie fossile et des pays liés à l’industrie fossile est un frein au déploiement des politiques climatiques.
Éric Pineault, professeur à l’Université du Québec à Montréal
Dès lors, ceux qui tentent par « les voies habituelles de la démocratie » d’obtenir des changements ne sont pas entendus, déplore-t-il, prenant la défense des 10 accusés.
« La question n’est pas de savoir si les accusés d’Antigone ont enfreint la loi », a-t-il déclaré. La question est plutôt de savoir combien de temps encore la majorité d’entre nous acceptera des politiques climatiques vouées à l’échec ? »
« Cela doit être difficile d’être jeune sur une planète mourante », a déclaré le professeur Carter devant le tribunal, fondant en larmes en parlant de son jeune fils.
La défense et la Couronne n’ayant pas eu le temps de présenter leurs arguments vendredi, le procès sera prolongé d’une journée, le 13 décembre, après quoi le juge Randall Richmond rendra son verdict.
1. Lire « Montréal-Est : des manifestants occupent le quai de chargement pétrolier Valero »
2. Lire « Un coup d’État sur le pont Jacques-Cartier : la détention de militants dénoncée »
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- 300 000
- Quantité de pétrole, en nombre de barils, transportée quotidiennement par l’oléoduc 9B
Source : Régie de l’énergie du Canada
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