TPBM : Que s’est-il passé depuis la création de Sem Hautes-Alpes énergies il y a un an ?
Stéphane Raizin : La recherche commerciale et le positionnement stratégique m’ont occupé tout au long de l’année 2024 et constitueront une bonne partie de 2025. Il a fallu sécuriser les 15 entreprises initialement identifiées dans le business plan à la création, mais non contractualisées. Ils avaient été étudiés soit par Territoire d’énergie 05 (TE 05), soit par Ingénierie territoriale 05 (IT 05), chaque entité pouvant faire entrer des affaires en portefeuille en termes d’actionnariat. A côté de cela, il y avait 15 autres dossiers moins matures.
Concernant ces 30 dossiers, leur arbitrage, je suis allé voir les communes et le Département. Cette démarche, ces discussions avec les élus, ont déclenché 29 autres cas.
Quel est le potentiel de production d’énergies renouvelables (ENR) dans les Hautes-Alpes ?
Notre territoire fait partie de ceux ciblés dans le cadre du plan régional de raccordement au réseau ENR (S3R ENR). Nous attendons 6 400 MW d’énergie supplémentaire d’ici 2030 dans l’ensemble de la Région. Le potentiel est identifié dans deux grandes poches : le Vaucluse et les Hautes-Alpes/Alpes-de-Haute-Provence. Car le gros essor d’il y a une quinzaine d’années dans le Var et les Bouches-du-Rhône ralentit.
Les investissements de RTE sont planifiés en conséquence. Si le gestionnaire du réseau de transport d’électricité envisage d’investir 220 millions d’euros pour créer des postes de Source électrique (grands postes de distribution pour l’exportation d’énergie, NDLR) et des lignes 125 000 V dans les Hautes-Alpes, cela implique que des projets ont été identifiés. De nouvelles stations sources sont prévues dans le Rosanais, le centre du Buëch, le Laragnais et des travaux d’augmentation de puissance des stations de Veynes et Grisolles, près de Gap.
Pour favoriser la production d’ENR, les collectivités ont été invitées à identifier le potentiel de développement de leur territoire, ces fameuses zones d’accélération…
Ce travail a donné lieu à des démarches auprès des collectivités par des promoteurs de droit privé. Les élus doivent être prudents car ils ne connaissent pas la valeur du terrain donné à l’usage d’un tiers si, au préalable, ils n’ont pas été démarchés par plusieurs autres promoteurs ou s’ils n’ont pas organisé une annonce à partir de laquelle il y aura un appel d’offres. tendre. Je positionne ainsi Sem Hautes-Alpes Energies comme un aménageur, en espérant qu’il soit le meilleur, arrivant dans un secteur hyper-compétitif, là où personne ne l’attendait. Elle doit faire sa place de bon père.
C’est à dire ?
Comment se positionner par rapport à ceux qui disposent de moyens financiers colossaux, qui arrivent à promettre de telles redevances aux communes ? On se demande aussi comment le plan financier peut tenir par rapport au potentiel de la parcelle. Ce que je veux dire, c’est que le Sem n’a pas été créé pour faire un coup financier, mais pour être dans la durée, pour se développer de manière raisonnée, pour que le développement ne soit pas anarchique, que les paysages ne soient pas sacrifiés et que les richesses soient redistribuées.
Notre rente ne sera pas aussi impressionnante que celle d’un producteur qui dispose de liquidités et qui perçoit des revenus dans d’autres secteurs énergétiques. Mais nous avons un engagement moral envers les maires, les agriculteurs, les industriels : faire travailler les populations locales de la construction à l’exploitation et garantir des retombées économiques tout au long de la chaîne. Tout cela est payant, d’où des frais moins élevés. Mais le maire pourra ainsi rencontrer celui qui a installé ses panneaux solaires.
Il est très simple de faire signer un maire grâce à une promesse fantastique, d’obtenir le bail, de développer, puis de vendre. Il y a des promoteurs qui vendent des portefeuilles : toute la valeur territoriale est partie dans cette vente, il n’y a plus rien à leur distribuer en termes de redevances ou en termes d’emploi car on va chercher de la main d’œuvre bon marché ailleurs. Il y a aussi des promoteurs qui n’entretiennent pas et ne revendent pas lorsque les panneaux ne fonctionnent plus. C’est une politique de la terre brûlée. Ce n’est pas notre ADN.
Vous parlez de collectivités mais vos clients peuvent-ils être des particuliers ?
Oui, industriels, artisans, agriculteurs, touchés de plein fouet à la fois par la relance des bâtiments agricoles photovoltaïques et par l’agrivoltaïsme, une activité compatible qui ne sacrifie pas l’économie agricole. Les chambres d’agriculture doivent rédiger un accord-cadre qui encadrera les aménageurs pour qu’il n’y ait pas de sacrifice de terres agricoles et que les terres reviennent à leur destination initiale en fin d’exploitation par démantèlement.
Vous ciblez des stations de ski bien adaptées à la production ENR ?
L’hydroélectricité dans les centrales est une évidence. Pour les autorités ou le Sivu, il peut être judicieux que nous intervenions sur un contrat de location pour utiliser les infrastructures existantes, déjà sous pression avec les réservoirs collinaires, je pense au Step, le transfert d’énergie par pompage (eau du bassin supérieur est turbiné en période de très forte consommation puis collecté dans un réservoir en aval, NDLR).
Quant au photovoltaïque, les performances sont meilleures en montagne, grâce au froid, à l’albédo et aux panneaux solaires bifaciaux.
Mais dans un premier temps, je me concentre sur le territoire le plus exposé à l’attractivité économique : les grandes parcelles identifiées par les porteurs du projet à Buëch.
Comment se positionne la Sem par rapport à TE 05 qui s’est engagé dans la voie ENR depuis 2015 ?
Sur les très gros projets, TE 05 n’en a plus les moyens. Parce qu’il nous faut un levier financier : avec 3 millions d’euros, nous pouvons lever 60 millions d’euros de levées de fonds pour des projets. En même temps, il y a l’ADN de TE 05 dans la Sem, à travers son actionnariat, ses compétences.
En principe, la Sem fait tout, sauf ce qu’elle estime ne pas être rentable. Mais ce n’est pas parce que ce n’est pas rentable pour la Sem que ce n’est pas rentable. Je pense aux projets d’innovation, de prototypage de systèmes qui demandent du temps, de l’intellect, Géo Trouvetou. Je dois procéder à une occupation territoriale, rééquilibrer les forces économiques. Je dois faire des grandes séries, des travaux industriels.
L’objectif annoncé de créer 60 millions d’euros de projets d’ici 10 ans est-il toujours d’actualité ?
Oui. Aujourd’hui, 59 projets ont été identifiés, à toutes les étapes. Un projet est signé et les 58 en prospection ou à l’étude comprennent un réseau de chaleur géothermique, cinq centrales hydroélectriques, un méthaniseur de biogaz et 51 projets photovoltaïques.
Dans le développement des EnR électriques, nous allons abandonner le grand éolien et nous concentrer principalement sur le photovoltaïque qui prend largement le dessus, avec 80 % du volume.
Pourtant, l’hydroélectricité offre de bons rendements…
Oui, mais le potentiel a déjà été exploité. Il reste très peu de torrents à équiper. Mais nous serons là pour la reprise. Enfin, même si elle doit être rénovée, reprendre une centrale électrique est plus simple.
Par ailleurs, quand reprendront les concessions de barrages ?
Ce n’est pas un sujet à l’ordre du jour. Mais le président du Département, à la tête de la Sem, affirme qu’on n’interdit rien…
Actionnaires de la Sem
Département des Hautes-Alpes et TE 05 : actionnaires majoritaires avec 32% chacun
Fonds de dépôt : 14%
ESDB, CCI 05, BTP 05 : 6% chacun
Banque des Territoires, Caisse d’Epargne Provence Alpes Corse, Crédit Agricole Alpes Provence: 4.2%
Chambre d’Agriculture : 0,6%
Son capital est de 3,6 millions d’euros.
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