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Keta, K, Special K… la consommation de kétamine explose en (et c’est très inquiétant)

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Actualités éditoriales

Publié le

24 novembre 2024 à 21h06

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La kétamine est un médicament anesthésique général à usage humain et vétérinaire dont la première spécialité a été commercialisée en en 1970.

Plus de 50 ans plus tard, ce produit est aussi de plus en plus présent dans l’actualité en France ou à l’étranger pour son usage détourné. Par exemple, on en a parlé suite au décès de Matthew Perry, l’un des protagonistes de la célèbre série Amis. L’ampleur de l’usage abusif de la kétamine comme hallucinogène, loin de son usage médical essentiel, est sans équivalent. Comment et pourquoi en est-on arrivé à une telle situation ?

En France, les usages récréatifs explosent avec la techno des années 90

Aux Etats-Unis puis en Europe, les premiers cas de détournement d’un usage médical vers un usage récréatif ont été décrits, notamment chez les professionnels de santé (anesthésistes) ayant accès aux produits. À la fin des années 90, son usage en France s’étend à l’espace festif techno, où il est proposé sous différents noms (Kéta, K, Kate, Special K, Golden, Veterinarian, etc.) et consommé principalement par voie nasale (60 -100 mg) ou par voie orale, pour ses effets hallucinatoires.

L’abus de kétamine va également atteindre l’Asie. Il y prendra une ampleur considérable, notamment dans les discothèques de Taiwan et de Hong Kong. En 2006 à Hong Kong, la kétamine était la deuxième substance psychoactive la plus consommée après l’héroïne.

Une substance sous surveillance grâce à l’addictovigilance

En France, depuis de nombreuses années, la kétamine fait l’objet d’expertises nationales d’addictovigilance, permettant ainsi de détecter, identifier et caractériser les nouvelles pratiques d’usage ainsi que leurs conséquences sur la santé.

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Il faut dire que la France est le seul pays en Europe à avoir mis en place depuis 1990 un système de veille spécifique sur les substances psychoactives et leurs conséquences sur la santé, grâce aux treize Centres d’évaluation et d’information sur les toxicomanies-addictovigilance (CEIP-A). qui constituent le Réseau Français Addictovigilance.

Cette analyse s’appuie sur la triangulation de plusieurs sources de données françaises, dont les signalements de cas graves avec la kétamine (qui constituent une obligation légale pour les professionnels de santé) et les données d’un système de pharmacosurveillance appelé OPPIDUM (Observation de produits psychotropes illicites ou détournés de leur usage médicinal). .

Ce système permet de connaître les substances psychoactives consommées par les patients soignés en France dans des structures spécialisées en addiction, grâce à une collecte réalisée chaque année durant le mois d’octobre. En octobre 2012, 35 patients (0,7 %) étaient des consommateurs de kétamine. Ce chiffre n’a cessé de croître depuis, on attend 107 consommateurs (2%) lors de la collecte d’octobre 2023.

Une augmentation constante du nombre d’utilisateurs réguliers

La proportion de consommateurs réguliers de kétamine est également en constante augmentation. C’est également le cas de ceux qui augmentent les doses de kétamine et présentent des troubles d’usage, c’est-à-dire une addiction à la kétamine.

Cette problématique de troubles d’usage de la kétamine se retrouve dans les signalements d’addictovigilance auprès d’usagers se trouvant en difficulté avec leur consommation. Cela se manifeste par une augmentation des doses, fringale qui décrit le besoin irrépressible de consommer, les complications dans le domaine de la santé (complications urinaires, complications hépatiques, complications psychiatriques…), les conséquences financières… qui amène les usagers à consulter ou à être hospitalisés.

A noter dans ce contexte de troubles liés à l’usage de la kétamine, des situations cliniques qui font état d’un comportement recherchant de la kétamine pharmaceutique, en passant par les services d’urgence pour se procurer de la kétamine. Cela démontre les liens qui peuvent exister entre la kétamine dite « illicite » et la kétamine pharmaceutique.

Quant au profil des utilisateurs, il se diversifie. Certains continuent d’utiliser la kétamine dans un contexte festif ou récréatif, d’autres dans un but « auto-thérapeutique » (réduction de l’anxiété, bien-être, analgésique, amélioration de l’humeur, sevrage alcoolique…) sans l’efficacité de la kétamine dans ces indications. a été démontrée et sans aucun support médical, ce qui les expose à des effets indésirables éventuellement graves et enfin, d’autres encore à visée sexuelle, notamment dans un contexte de chemsex.

Une kétamine également expérimentée par une minorité de jeunes

Il est intéressant de noter que trois études récentes menées en France sur les niveaux d’expérimentation de substances psychoactives incluaient spécifiquement la kétamine. Leurs chiffres démontrent notamment l’installation de l’expérimentation de la kétamine dans la population générale mais aussi chez les jeunes.

On observe ainsi en France :

  • en 2023, une prévalence au cours de la vie de l’expérimentation de la kétamine de 2,6 % (3,3 % chez les 18-24 ans, 4,8 % chez les 25-34 ans, 3,2 % chez les 35-44 ans ; sur un échantillon représentatif de 14 984 personnes âgées de 18 ans à 64), selon l’Observatoire français des drogues et tendances addictives OFTH.
  • une prévalence d’usage de kétamine de 0,9% (allant de 0,6% à 4,7% selon la situation scolaire) lorsque l’on interroge des jeunes de 17 ans lors de la journée de la défense et de la citoyenneté (sur un échantillon représentatif de 23 701 filles et garçons âgés de 17,4 ans), selon aux données ESCAPAD 2022.
  • une prévalence d’expérimentation de la kétamine de 1,1% (1,4% de garçons, 0,9% de filles) parmi les élèves de la sixième à la terminale, selon les données d2022 du système EnCLASS.

Et ce n’est pas une spécificité française. Au Royaume-Uni par exemple, l’expérimentation de la kétamine est passée de 0,5 % en 2010 à 0,8 % en 2020. Chez les 16-24 ans, cette consommation a doublé durant la même période, passant de 1,7 % à 3,2 %.

Attention aux complications sévères, notamment urinaires

Une littérature scientifique abondante caractérise les complications liées à la consommation de kétamine, notamment complications urinaires graves (comme la cystite interstitielle) chez les utilisateurs réguliers de kétamine, souvent par voie nasale.

Mais au début, comme souvent lors de tout nouvel événement, le lien avec la kétamine a été débattu, voire critiqué, avec des arguments évoquant d’autres hypothèses comme l’existence d’un adultérant dans la kétamine, ses modes de préparation (chauffage de la kétamine) ou encore la synthèse d’un métabolite toxique de la kétamine par les utilisateurs asiatiques qui présente souvent des polymorphismes génétiques.

C’est en 2007 que paraissent les deux premiers articles scientifiques sur les complications urinaires chez les consommateurs réguliers de kétamine, à Hong Kong et au Canada, réfutant l’hypothèse d’un métabolite toxique lié à la population asiatique.

Fait intéressant, cette publication canadienne donnera lieu à d’autres publications d’équipes utilisant la kétamine à des fins médicales, de manière répétée, pour traiter des douleurs complexes et rapportant également des complications urinaires dans ce contexte.

Des études expérimentales chez l’animal apporteront des éclairages utiles pour établir ce lien, notamment avec le développement d’un modèle animal de cystite induite par l’administration répétée de fortes doses de kétamine ou la mise en évidence d’anomalies urinaires symptomatiques. chez le rat après l’administration de méthoxétamine, une drogue de synthèse puissante et antagoniste des récepteurs NMDA comme… la kétamine.

Difficultés à uriner, mictions fréquentes…

Ces cystites se manifestent par des difficultés à uriner (dysurie), la présence de sang dans les urines (hématurie) et des mictions très fréquentes liées à une capacité vésicale réduite. Ils peuvent provoquer un impact sur les voies urinaires supérieures et donc sur les reins, conduisant à ce que l’on appelle l’hydronéphrose.

Des conditions cliniques graves et invalidantes peuvent nécessiter des interventions chirurgicales. Ces complications sont observées en cas de consommation continue de kétamine. Dès les premiers symptômes urinaires, l’arrêt est le meilleur traitement.

En France, toutes ces complications cliniques liées aux substances psychoactives à risque d’abus (médicamentées ou non) sont suivies de près par les pharmacologues du Réseau français d’addictovigilance, géré par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits. santé (ANSM).

Des saisies importantes, signe de la circulation du produit

La kétamine est un produit qui circule davantage. En 2022, près de 3 000 saisies ont été réalisées en Europe, pour un total de près de 2,79 tonnes de kétamine. Ils s’inscrivent dans une dynamique croissante.

Cet usage est facilité par une diffusion accrue de la kétamine (comme en témoigne l’augmentation des saisies au niveau européen et mondial) et une accessibilité plus facile (deal, dématérialisation grâce à l’utilisation d’outils numériques, etc.).

Cette situation explique les chiffres d’exposition en population générale, ou plus particulièrement chez les collégiens et lycéens, mais aussi l’augmentation des complications de santé liées à la kétamine en France ou ailleurs.

Joëlle Micallef, Département de pharmacologie clinique et pharmacomonitoring, AP-HM Centre d’évaluation et d’information sur les pharmacodépendances – Addictovigilance PACA-Corse Institut des Neurosciences des Systèmes (U1106), Aix-Marseille Université (AMU) et Thomas Soeiro, Département de pharmacologie clinique et pharmacomonitoring, AP-HM Centre d’évaluation et d’information sur les pharmacodépendances – Addictovigilance PACA-Corse Institut des Neurosciences des Systèmes (U1106), Aix-Marseille Université (AMU)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lisez l’article original.

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