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le boulanger-pâtissier qui a conquis les gourmets parisiens

Par

Augustin Delaporte

Publié le

24 novembre 2024 à 8h20

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Les premiers flocons de neige de l’année tombent du ciel parisien, se glissant entre les Lumières de Noël accroché rue des Martyrs (9e), puis s’efface au contact du bitume. A quelques pas de là, Arnaud Delmontel a jeté sa casquette à l’effigie d’une franchise de baseball sur la banquette en cuir du Restaurant Amour, laissant derrière lui le jardin exotique de l’établissement. Énumérant ses dernières lectures, celui qui aura 57 ans le 30 décembre 2024 remonte le temps jusqu’au premier chapitre de sa vie professionnelle : « J’ai fait ce rêve, cette étoile qui m’a guidé tout au long du chemin: démarrer, un jour, mon entreprise. Mais c’était une idée complètement folle, personne autour de moi ne l’avait fait.

Vingt-cinq ans après achat de son premier magasinl’enfant en échec scolaire issu de la « classe moyenne » en possède cinq, en plus d’avoir reçu de nombreux prix. Son long café vient de lui être servi, ses yeux rient désormais. « C’est peut-être pour ça que j’aime tant les romans d’aventures ? », demande-t-il avec amusement.

Une scolarité chaotique

Le début de sa vie se déroule dans un cadre champêtre, au cœur de la petite commune de Soisy-sur-Seine, nichée entre rivière et forêt de Sénart, dans le département de l’Essonne et où l’artisan se souvient va chercher du lait à la ferme. Avec un premier tournant, aussi abrupt que fondateur. « À l’école, j’ai perdu mes repères, j’avais le sentiment de n’exister qu’à travers des notesalors que j’étais convaincu que je pouvais être bon dans d’autres domaines. Ils ont fini par me faire comprendre que les études n’étaient pas faites pour moi et j’ai arrêté en 3e », se souvient-il. Et pour résumer :

Je pense que j’ai ensuite conservé cette envie de prouver, de faire mon retour. C’était pour moi une sorte de moteur intérieur puissant


Dans l’atelier de son grand-père, où il aime fouiller dans les outils, Arnaud Delmontel prend alors conscience de son goût pour le ce qu’on fait avec nos mains . Et il décide, fort du peu d’informations dont il dispose à l’époque, d’entreprendre un BEP en hôtellerie-restauration. Sans ressentir beaucoup de soutien de la part de ses proches. « Je viens de la classe moyenne et le modèle français étant ce qu’il est… Je n’ai pas vraiment été félicité(Il fait la moue). Disons que les choses se seraient passées différemment si j’avais étudié à HEC. »

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Nouveau vol

D’abord chef, Arnaud Delmontel a trouvé sa voie lors d’une saison à la montagne, à Courchevel. « Il n’y avait pas de commis pâtissier dans l’établissement où je suis allé, alors j’ai obtenu le poste. C’est comme ça que j’ai su que c’était ce que je voulais faire. » De retour à Paris, il entreprend un CAP pâtisserie à Vincennes : le début de la grande aventure. «Je rêvais de démarrer mon entreprise, mais c’était un Everest. J’ai vite compris que j’allais devoir travailler dur. »

Ce qu’il fera, aux côtés du meilleur ouvrier de , Jean-Paul Hévinà l’hôtel Nikko, puis au Maison du Chocolat chez Pradier ou Gérard Mulot à Paris, notamment. « J’ai toujours préféré travailler dans les grandes maisons », dit-il. Les conditions de travail sont plus dures, c’est parfois moins bien payé, mais on apprend.»

Arnaud-Delmontel a travaillé pour de nombreuses maisons de renom. (©AD / actu Paris)

Avant la trentaine, il va également travailler en freelance pendant 18 mois aux Etats-Unis avec son épouse Valérie. Dans le Chicago des années 90d’abord, dont il a rapporté quelques anecdotes juteuses. Puis aux quatre coins du pays : « On a fait un road trip et j’ai parfois pensé à m’y installer, notamment dans une boutique nazebroque à Boston que j’imaginais pouvoir transformer… Mais nos familles étaient là et nous sommes des revenus. »

Adresse historique de la boulangerie à Paris

A l’aube de l’an 2000 et après une cinquantaine de visites, Arnaud Delmontel mettra la main sur un merveille du patrimoine parisien. Sans vraiment le savoir à l’époque. « Quand on n’a pas de grands moyens, on prend ce qu’on nous donne. Le bâtiment était magnifique, dans une rue commerçante, le laboratoire était assez grand et j’étais persuadé de pouvoir faire mieux que l’ancien propriétaire. » Aidé de ses parents, il rachète La Renaissance, au 39 rue des Martyrs, contre une somme qui paraîtrait risible aujourd’hui.

« C’était une rue plus populaire qu’aujourd’hui. Dans ce quartier, je connaissais le Bus Palladium, le palaisetc. Pas la rue des Martyrs. Mais progressivement, dans les années 2000, de jeunes couples, pour la plupart cadres supérieurs, se sédentarisent et la rue s’est embourgeoisée. » Au-delà de sa situation géographique avantageuse, La Renaissance se révèle être un bâtiment historique de la capitale, qui accueille des boulangers depuis au moins 150 ans.

Arnaud Delmontel mène l’enquête : « Dans l’annuaire des boulangeries de Paris, il apparaît pour la première fois en 1872-73, puis en 1875 sous le nom de Beaumont… Le bâtiment date même de 1901. »

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Son appétit est venu en mangeant et, au fil du temps, l’artisan a acheté quatre autres boutiques. Au 57 rue Damrémont (18e) en 2004, au 25 rue de Lévis en 2009, au 45 rue de Douai (9e) en 2013, ainsi qu’au marché d’Aligre (12e) en 2019. « J’ai cette image en tête de le patron qui attend la retraite en fumant sa cigarette… J’ai peur de m’ennuyer», concède-t-il. Avant d’ajouter : « Dès que je travaille un peu moins, je me lance en entreprise. Tout en essayant de maintenir un équilibre familial. »

Accompagné uniquement d’une boulangère et d’une vendeuse en 1999, Arnaud-Delmontel gère aujourd’hui près de 50 salariés. (©AD / actu Paris)

Le natif du 14e arrondissement de Paris a également écrit deux livres de recettes et remporté le prix du meilleure baguette de Paris en 2007. Son savoir-faire a également séduit quelques clients célèbres, de Jean-Paul Gaultier à Audrey Tautou. Avalant la dernière goutte de sa boisson chaude, il se souvient enfin d’un moment passé avec Jean-Yves Lafesse lors d’une livraison. Puis un dernier regard en arrière, où l’image de ses années scolaires difficiles perd en intensité. Et a déclaré : « Je respecte l’autorité, mais je n’ai jamais aimé la contrainte. »

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