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“On a l’impression d’être en prison.”

Aux Ateliers de la Haute-Garonne, entreprise toulousaine de sous-traitance aéronautique, la direction mène la vie dure aux travailleurs avec une répression systématique qui dure depuis près d’un an. En effet, pour cette seule année, plus d’une convocation disciplinaire par mois a été adressée aux salariés selon les comptes de la CGT, avec pour conséquence quelques licenciements.

Plus d’un entretien disciplinaire par mois depuis un an, et trois salariés actuellement en attente d’une décision sur leur sort

La direction augmente le nombre d’entretiens disciplinaires pour quelque raison que ce soit. ” Ils vous coupent la parole et vous rabaissent pour tout ce que vous dites » rapportent les salariés, qui décrivent une direction « très virulent » lors des entretiens. ” Vous vous dites : est-ce qu’ils ne vont pas trouver de quoi me virer ? À un moment donné, tu deviens paranoïaque » acquiesce Simon Gazano, tourneur-meunier et délégué CGT AHG. Par ailleurs, la direction n’hésite pas à aller jusqu’au licenciement pour motifs aberrants. ” C’est quasiment ininterrompu depuis le début de l’année. À ma connaissance, avant, il n’y avait pas de licenciements ou de licenciements de ce genre. Il y avait des avertissements concernant l’utilisation du téléphone portable ou le tabagisme, mais il s’agissait toujours d’avertissements. » explique le délégué syndical.

A ce jour, onze convocations ont déjà eu lieu en dix mois, et trois salariés attendent actuellement que la direction décide, seule, de la sanction qui leur sera appliquée. Au sein du comité social et économique (CSE), la CGT avait demandé il y a quelques mois une commission avec des élus syndicaux pour examiner le bien-fondé des sanctions, mais elle a été refusée. ” Vous avez l’impression d’être en prison, comme si vous étiez traqué, que quelqu’un surveillait toujours par-dessus votre épaule. Cela provoque un stress immense. C’est de pire en pire. Les collègues ne sont vraiment pas bons au travail et ils en ont marre. Ils comprennent pas : le gars travaille et, au moindre truc, on te le jette à la gueule » déclare Simon Gazano, délégué CGT AHG. Son syndicat dénonce une répression croissante qui génère de graves risques psychosociaux pour les ouvriers des ateliers.

La répression touche particulièrement les travailleurs affectés au secteur du contrôle qualité. En novembre, l’un d’entre eux avait été critiqué lors d’un entretien disciplinaire pour avoir quitté son poste pour demander des informations à un collègue. Le responsable RH lui a demandé de se renseigner sur ce qu’il faisait avant de reprendre son poste. Un peu plus tard, alors qu’il revient de remplir sa bouteille d’eau, les RH lui reprochent d’aller chercher de l’eau pendant ses heures de travail.

De son côté, le délégué syndical CGT Simon Gazano a été critiqué par les RH pour avoir fumé une cigarette dehors alors que les machines fonctionnaient. Le 25 octobre, les RH lui envoient un « convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à [son] licenciement pour faute » de le convoquer dans ses bureaux le 14 novembre. Le surveillant reproche avec véhémence à un deuxième inspecteur de n’avoir inspecté « qu’un seul lot » de 21 « macarons », les rondelles de résine sur lesquelles sont montées les vis à inspecter au microscope, car prenant le poste, et lui a ordonné de le suivre aux RH. L’employé a refusé et a repris ses tâches avant que le superviseur ne soit « encore plus en colère » et l’emmène aux RH qui ne le laissent pas s’expliquer. Il a été immédiatement licencié par mesure conservatoire mais le salarié n’a pas voulu accepter de signer son avis de mise à pied. Il a finalement été reconduit à sa voiture, à la sortie de l’entreprise, et sera convoqué dans quelques jours.

« Derrière ce petit prétexte se cache un objectif précis. Par chance, ils commencent à surveiller les statistiques alors qu’ils ne l’ont jamais fait » explique Simon Gazano, délégué syndical CGT AHG. Alors que la section CGT représente plus de 60 % des voix au collège ouvrier aux élections de 2019 et 2023, Simon Gazano n’est pas le seul des sept élus à avoir été visé par la direction. Un remplaçant, qui travaillait également dans l’inspection, a été licencié en juillet pour un nombre d’éléments contrôlés supérieurs ou inférieurs aux normes fixées par la direction. Même situation pour un autre travailleur du secteur : « Elle aurait validé trop tard son premier lot témoin. Sauf qu’elle a formé des gens, que parfois on a des problèmes informatiques ou on n’a pas les outils. Les RH n’entendraient rien : deux jours de licenciement » explique le délégué syndical. Quelques jours plus tard, on lui reproche d’avoir validé trop vite et elle apprend qu’elle a été licenciée.

Un virage répressif pour discipliner les travailleurs

De nombreux autres exemples pourraient s’ajouter à cette liste déjà longue. Mais d’ores et déjà, l’objectif est clair : la direction cherche à installer un climat de terreur au sein de l’usine. Si cette répression a pris une tournure au cours de l’année écoulée, c’est loin d’être le fruit du hasard. En effet, cela intervient après plusieurs années où les travailleurs avaient relevé la tête et développé un syndicat CGT combatif. Ils ont notamment imposé la fermeture de l’usine au début de la pandémie de Covid 19 en raison du manque de moyens sanitaires.

En juin 2021, les travailleurs ont organisé la première grève dans l’entreprise depuis plus de quarante ans, exigeant des augmentations de salaire. Cela avait profondément inquiété la direction d’AHG, mais aussi celle d’Airbus, dont les Ateliers de la Haute-Garonne sont un sous-traitant majeur. Cette grève a permis d’arracher d’importantes augmentations de revenus concédées ensuite par la direction avec la création de nouvelles primes.

Dès lors, la direction a pris des mesures de restructuration du travail pour éviter toute forme d’organisation des salariés : suppression des temps morts entre équipes (qui servaient de temps aux assemblées générales), modification des horaires et des pauses entre ateliers, délocalisation de certains ateliers. Tout cela s’est accompagné de nouveaux processus de recrutement mettant l’accent sur le caractère des nouvelles recrues et leur potentiel de rébellion.

Les salariés expriment leur ras-le-bol

Face à cette situation, les travailleurs ont décidé de ne plus laisser cela se produire. Une pétition réclamant « la fin de toutes les mesures disciplinaires » a été lancée par la CGT AHG et a recueilli les signatures de plus de la moitié des salariés en CDI. ” Parmi les ouvriers, une grande majorité l’a signé sans y penser et certains ingénieurs des bureaux d’études l’ont également signé. » se réjouit Simon Gazano qui explique : « C’était l’idée d’un collègue. D’autres n’étaient pas convaincus au début, mais finalement, lorsqu’ils ont vu le nombre de signatures, ils ont admis avoir été un peu pessimistes. Cela les a surpris et remotivés ».

Plus largement, la situation vécue par les travailleurs de l’AHG fait écho à une répression généralisée qui frappe particulièrement les militants syndicaux depuis la fin de la bataille contre la réforme des retraites. Un exemple emblématique de cette répression est le cas de Christian Porta, délégué CGT de Neuhauser, qui, avec ses collègues, a réussi à faire plier la direction du géant de l’agroalimentaire Invivo, qui cherchait à le licencier en toute illégalité. Une bataille exemplaire contre la répression racontée dans le film « Si ça touche l’un de nous » qui sera diffusé à Toulouse le mardi 26 novembre au cinéma Utopia de Borderouge.

 
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