« Tout est aléatoire, il faut arrêter de penser. » Au terme d’un week-end à tenter de trouver les bonnes voies pour sortir d’une zone « douce » (sans vent) extrêmement difficile, c’est Jérémie Beyou qui résume le mieux l’état d’esprit dominant de la flotte du Vendée Globe, lundi novembre. 18, voiles gonflées de fatalisme alors que les vents maigres jouent comme un furet, passant ici et là, bouleversant les certitudes des meilleurs prévisionnistes.
La comptine est extrêmement agaçante pour les marins, obligés d’être patients, d’exploiter la moindre brise qui se réveille brusquement, histoire d’avancer un peu, quand même. Les plus philosophes en profitent pour se ressourcer, traîner au soleil, envoyer de belles photos de l’océan calme sous la lune. Pour d’autres, c’est aussi le moment des réparations.
Pot au noir, imprimés contrastés
Beaucoup de travail pour le Hongrois Szabolcs Weöres, contraint de faire un long arrêt couture aux Canaries pour régler le problème de sa grand-voile trouée, ou pour Fabrice Amedeo devant bricoler son cric de quille endommagé. Mais dans ce domaine, la palme revient à Louis Burton, qui a dû endurer trois jours et deux nuits sur place après avoir constaté de graves fissures sur la coque et le pont de son bateau. Ponçage, découpe, collage, le skipper de Bureau de la Vallée s’applique à une restauration aussi titanesque que remarquable, et profite d’une courte journée avec des vents enfin plus cléments pour tester la solidité de son écrin.
Les navigateurs ne retrouvent que momentanément les alizés – Yoann Richomme saute sur l’occasion pour battre le record du nombre de milles parcourus en 24 heures, 551,84 ou 1 022 km – et pour mieux s’engouffrer dans une autre zone de tourment : le fameux Pot au Noir. Un grand jeu de loterie où personne ne touche jamais vraiment au bingo. Le pire? Averses et sieste d’Éole. Paul Meilhat, à bord Biothermedire : « En gros, il pleut. Au début, on prend une douche puis on rince deux ou trois vêtements, on trouve ça sympa. Mais après dix heures… »
Les impressions sont contrastées. « Ça faisait un peu peur, mais au final je n’ai eu que deux grains avec des rafales à 30 nœuds. Il y avait beaucoup de pluie mais ça progressait, ça nous a permis de rester positifs. » retient Samantha Davies. “C’est sombredit Éric Bellion. Il n’y a pas d’air, cela donne l’impression de naviguer dans une grande pièce fermée avec un toit et des murs… de navigation intérieure ! » Mais dans l’ensemble, les navires ne sont pas trop bloqués. «Le Pot était intense, mais il était court» souligne Yannick Bestaven, le lauréat de la précédente édition.
S’embarquer dans la bonne dépression
Dans la matinée du jeudi 21 novembre, environ un tiers de la flotte a quitté le piège et s’est enfui. C’est Thomas Ruyant à bord Vulnérable qui mène ensuite la danse. Le Nordiste de 43 ans est le premier à franchir l’équateur en 11 jours et 7 heures, soit deux jours de retard sur le record établi en 2016 par le Britannique Alex Thomson. Avant la fin de la journée, 13 autres skippers se sont également déplacés vers l’hémisphère Sud, marquant une rupture avec une bonne partie des concurrents qui luttaient encore dans le Pot au Noir.
Pour l’avant de la course au large du Brésil, l’objectif est de rattraper… le train. Elle est stationnée au nord de Rio, sous la forme d’une dépression qui se forme et devrait emmener ceux qui parviendront à embarquer dans les wagons jusqu’au cap de Bonne-Espérance, à la pointe de l’Afrique du Sud, coupant l’anticyclone des Açores alors qu’il s’agit normalement de le contourner. Thomas Ruyant anticipe : « C’est une entrée dans les mers du Sud qui ne devrait pas être trop mal au final, avec une mer assez plate et un vent un peu soutenu, au portant. »
Des conditions idéales pour des bateaux à foils conçus pour ce type de navigation. Le premier tiers des concurrents, qui s’est déroulé dans la soirée du vendredi 22 novembre dans moins de 100 milles nautiques, devrait enjamber cette dépression et prendre une bonne avance sur le reste de la flotte qui risque de rater le bateau. Une véritable première sélection avant le Grand Sud.
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