Momar Thiam est un expert en communication. Ancien Consul Général du Sénégal à Bordeaux et conseiller en communication du Président de la République, M. Abdoulaye Wade. Au lendemain des élections législatives du 17 novembre 2024, notre expert en communication politique qualifie Ousmane Sonko de conquérant pour avoir gagné toutes ses batailles électorales, judiciaires et politiques. Entretien !
Le Témoin : Quelle lecture faites-vous de cette éclatante victoire de Pastef lors des élections législatives du 17 novembre ?
Momar Thiam : Permettez-moi d’abord de saluer le travail réalisé par les services du ministère de l’Intérieur pour l’organisation de cette élection qui s’est déroulée dans le calme et le calme. C’est aussi l’occasion de saluer la maturité du peuple sénégalais qui a démontré une fois de plus au monde que nos acquis démocratiques ne sont en aucun cas usurpés ou fragmentés. Ce qui nous laisse encore une place de choix comme miroir de la démocratie en Afrique et dans le reste du monde. Ceci dit, cette large victoire est aussi et exclusivement l’œuvre victorieuse d’une personnalité extraordinaire de la scène politique sénégalaise et au-delà, j’ose le dire.
Pourquoi une telle affirmation ?
Pour répondre à votre question, il me semble utile de fonctionner par ordre chronologique. D’abord M. Ousmane Sonko et tous ceux qui l’entourent ont créé Pastef en 2014 puis l’ont organisé et animé avec ce que j’appelle des fondamentaux que je pourrais résumer autour du slogan suivant : « Ni compromis ni compromis » avec les gouvernances passées et ceux qui l’ont incarné. . Cela leur a donné une position solide et très productive sur le plan politique. Le président de Pastef Ousmane Sonko, à travers une communication ciblée et bien huilée avec le soutien des réseaux sociaux engagés à sa cause, a clairement conquis le cœur d’une bonne partie de la jeunesse qui du coup, s’est débarrassée des costumes de réceptacles de la vie publique pour être désormais de véritables acteurs du jeu politique. Alors, qu’on le veuille ou non, la personnalité que dégage Ousmane Sonko ne laisse personne indifférent, même ses propres tueurs qui s’entraînent à vouloir lui répondre sans savoir qu’ils l’entraînent malgré eux encore plus vers les sommets. Ensuite, la participation de Pastef aux différentes joutes électorales (Législatives 2017 et Présidentielle 2019) lui ont permis de s’imposer définitivement dans l’espace politique sénégalais et au-delà dans le cœur des Sénégalais d’ici et d’ailleurs. Bref, Ousmane Sonko est un grand conquérant qui a remporté toutes les batailles menées ou imposées, à savoir les batailles politiques, électorales et judiciaires. Le génie organisationnel dont Pastef a fait preuve (bracelet dédié, appel aux fonds, mobilisation exceptionnelle de la diaspora sans mesure, mise en place par Magui Pastef) a induit une transformation de cette formation politique qui dépasse le cadre d’un parti. J’ose donc dire que Pastef est devenu une croyance collective bien ancrée dans l’esprit d’une bonne partie des Sénégalais grâce au génie politique, à l’endurance et au sens du devoir et du sacrifice de son mentor, Ousmane Sonko. Alors que cela vous plaise ou non, cela ne vous laisse pas indifférent. Juste pour vous dire que quand Sonko éternue, les Sénégalais s’enrhument, et c’est la grippe « Pastefienne » pour tout le monde !
Mais Docteur, cela veut-il dire que Pastef est assimilable à une religion ?
Je ne dirais pas cela, car globalement une religion peut être définie comme un ensemble de pratiques propres à une croyance ou à un groupe social. Si l’on veut, ces pratiques ou croyances définissent le rapport de l’homme au sacré, l’acceptation d’un être supérieur. Nous n’en sommes pas là ! Je dirais plutôt que Pastef est un état d’esprit, une manière d’être et de vivre dans une société sénégalaise où le sens du devoir, l’éthique et la droiture (d’où Juup, Juubal, Jumbanti) constituent les piliers essentiels d’un vivre-ensemble harmonieux. Et c’est là que cette formation se démarque radicalement de tous les partis et mouvements politiques connus jusqu’à présent au Sénégal. Et c’est ce qui fait sa force et renforce son attractivité. Force est donc de constater que toutes ces considérations portent aussi l’empreinte de son mentor qui est Ousmane Sonko.
Est-ce tout ce qui explique, entre autres, cette éclatante victoire de Pastef aux élections législatives ?
Certes, mais force est de constater que cette dynamique victorieuse est aussi le résultat d’une approche progressive qui a amorcé sa montée vers les sommets. N’oublions pas d’abord qu’avec l’installation de Yewwi Askanwi, dont Pastef fut le principal moteur, Ousmane Sonko a largement contribué à l’installation de Barthélémy Diaz à la tête de la mairie de Dakar. Ensuite, le choix fait avec force explicative et stratégie de communication très pertinente (et déroutante pour le pouvoir de l’époque) sur Bassirou Diomaye Diakhar Faye, à la veille de l’élection présidentielle de 2024, a ouvert les portes du Palais à celui qui est aujourd’hui le plus jeune président de la République du Sénégal en exercice. Finalement, avec force et conviction, doublée d’une pédagogie explicative du Projet Social proposé aux Sénégalais, M. Ousmane Sonko en tête de liste Pastef, a mené une campagne électorale hors du commun. Hors du commun évidemment par la mobilisation, les discours ciblés, le tempo maîtrisé et la proximité relationnelle assurée etc… Bref, faire élire le maire de Dakar, faire un choix gagnant au premier tour de la présidentielle 2024, remporter les législatives avec brio et haut la main, tout cela me fait dire qu’il ne serait pas excessif d’affirmer que M. Ousmane Sonko est entré avec brio dans l’histoire. Elle marquera et continuera de marquer l’histoire politique du Sénégal. D’ailleurs, le phénomène Sonko me ramène au combat où Mohamed Ndao Tyson a marqué son époque. Ce qu’il était en lutte, Sadio Mané l’est en football. Sans oublier Youssou Ndour en musique. Quelques exemples seulement pour vous dire qu’Ousmane Sonko est un phénomène rare qui n’apparaît pratiquement qu’une fois par « siècle » au sein de la classe politique sénégalaise.
Si Sonko est un phénomène, Diomaye est-il un grand phénix en train de prendre son envol ?
Exactement ! Aujourd’hui, c’est une dynamique à laquelle il faut ajouter un élément tout aussi déterminant et non des moindres, qui est la représentativité du Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Depuis son installation, ce dernier dégage une image de personnalité qui se bonifie encore au contact des charges et des responsabilités publiques. Son premier face-à-face avec la presse a révélé une partie de la dimension du personnage, un calme olympique, un sens de la répartie face aux enjeux du moment et surtout une maîtrise de son sujet. Et voilà que les Sénégalais découvrent une haute personnalité nommée Bassirou Diomaye Faye bien dans les costumes de Président de la République et un homme loin des délices du pouvoir. Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye restent ainsi « deux cerises sur le gâteau Pastef » offert aux électeurs sénégalais qui, pour mieux apprécier, leur ont donné une écrasante majorité pour déployer leur Projet de société.
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