De nombreux économistes invalident aujourd’hui sa théorie pour la période qui a débuté avec la révolution industrielle.
À l’appui des analyses, la théorie malthusienne démontre que l’amélioration de la productivité alimentaire qu’ont connue nos ancêtres n’a augmenté ni le bien-être ni les revenus de la population sur le long terme. A court terme peut-être mais pas à long terme. Pour quoi ? Car au fil des siècles et des pays, lorsqu’une amélioration productive apparaissait, les familles qui pouvaient en bénéficier voyaient certes leurs revenus augmenter mais en profitaient pour avoir davantage d’enfants. De sorte qu’après une ou deux générations, les quantités de nourriture disponibles n’étaient plus suffisantes pour nourrir une population élargie. Il n’était pas encore question de mondialisation, il ne fallait donc pas oublier qu’il y avait des frontières économiques, politiques et géographiques. Les famines aussi, provoquées parfois par des catastrophes naturelles comme la peste. Avec pour conséquence majeure la mort de nombreux enfants et adultes, y compris ceux nécessaires à la production alimentaire, qui inévitablement ont fortement diminué. Il fallut attendre un nouveau progrès significatif en matière de production et de productivité pour inaugurer un nouveau cycle de plusieurs générations.
Un cercle vertueux
Malthus n’est plus là pour confirmer ou non la validité de sa théorie après le XVIIIe siècle mais cela n’empêche pas d’autres économistes de le faire. Certains l’invalident de la révolution industrielle, au motif qu’il ne s’agit plus d’améliorations alimentaires mais de la naissance d’une industrie dont le progrès exponentiel dépasse les besoins de la population. Celle-ci a d’abord continué à croître puis a stagné dans les pays développés.
Revenu moyen par habitant : les Lasnois gagnent en moyenne 10 000 € de plus que le reste des Wallons (CHIFFRES)
Au berceau de l’industrialisation, en Angleterre, en Allemagne et en Belgique notamment, les familles s’agrandissaient sans risque de famine car leurs revenus restaient stables dans le temps. Ces revenus vont même augmenter. Un cercle vertueux se met alors en place. Les progrès technologiques nécessitent une main-d’œuvre plus qualifiée ; cette revendication favorise ainsi l’enseignement général et la scolarité obligatoire pour tous les enfants. Porté par l’élévation du niveau de vie, notamment des femmes et leur accès au monde du travail, la natalité baisse en Europe, qui s’écarte donc des cycles malthusiens.
L’Europe a été championne durant cette période de développement technique, économique, social et de connaissances, limitant progressivement le travail des enfants. En Angleterre comme ailleurs, des études montrent que le taux de survie des adultes était plus élevé dans les familles qui investissaient dans les gens, c’est-à-dire qui envoyaient leurs enfants à l’école.
Le sentiment que la vie est toujours plus chère
L’économiste Oded Galor rapporte que le revenu par citoyen du monde a été multiplié par 10 entre 1870 et 2018. Les distorsions entre pays sont grandes puisque ce ratio est de 12 en Europe mais stagne à 4 en Afrique. Et de grandes disparités existent parfois entre les citoyens d’un même pays. Le développement industriel n’est pas le seul facteur expliquant la croissance des revenus. Les modèles politiques et culturels semblent aussi avoir leur influence, cet économiste illustre son propos en comparant la Corée du Nord à la Corée du Sud.
Entre le revenu moyen et le prix de l’immobilier à Bruxelles-Ville, le contraste est saisissant
L’observation d’une croissance des revenus individuels au fil du temps contraste avec le sentiment général selon lequel la vie est toujours plus chère. L’explication pourrait être que si le revenu brut augmente, le revenu disponible semble diminuer. De plus, la répartition des revenus en 2024 n’est pas identique à celle de 1970, ce qui contribue également au sentiment de moindre pouvoir d’achat. La part des coûts de logement dans le revenu net peut être plus élevée ; pour les loisirs et la communication, cela ne fait aucun doute.
Il est également possible que la théorie malthusienne soit toujours vraie mais que le cycle économique soit beaucoup plus long qu’avant la révolution industrielle. D’une manière générale, les citoyens occidentaux surconsomment depuis plusieurs décennies et profitent de la croissance sans se soucier des ressources limitées de la planète. Cela peut nous faire penser que notre surconsommation est un retrait de revenus futurs ou un report de coûts. En tenir compte validerait la théorie malthusienne selon laquelle à long terme, l’augmentation de la productivité (et non plus seulement de la productivité alimentaire) n’augmente pas le revenu moyen par tête.
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